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Histoire de l’heure en France (note de lecture n°2)

Publié en ligne le 4 août 2012
Retrouvez ici une seconde note de lecture concernant ce livre : Histoire de l’heure en France (note de lecture n°1)
Histoire de l’heure en France
Jacques Gapaillard, Préface de Jean Kovalevsky.
Vuibert-Adapt, 2011, 314 pages, 32 €

Jacques Gapaillard n’est pas un inconnu. Professeur émérite de mathématiques et d’histoire des sciences, il a écrit en 1993 Et pourtant elle tourne ! Avant la parution de cet ouvrage, on croyait que tout avait déjà été dit sur la question du mouvement de la Terre. À tort. Aujourd’hui, il récidive : dans une édition aussi soignée que la précédente, il nous livre une histoire de l’heure en France qui, de manière érudite mais jamais prétentieuse, parvient dans un style clair et précis à enrichir un thème cent fois rebattu.

Jacques Gapaillard s’intéresse d’abord aux cadrans solaires et, tout à fait logiquement, il passe à l’équation du temps, aux problèmes de la fixation de l’heure locale, au développement de l’horlogerie mécanique, à la tentative de décimalisation de la mesure du temps et des angles, au passage des heures inégales au temps moyen local, puis à l’heure nationale, à l’ascension du méridien de Greenwich, à l’explication de la différence entre GMT (Greenwich Mean Time) et UTC (Temps universel coordonné)... Le livre est partout jalonné d’anecdotes – et même de poèmes – qui allègent son contenu. Malgré cela, quelques passages (peu nombreux) restent ardus pour un lecteur non habitué aux équations mathématiques. Mais c’est le prix à payer pour avoir un ouvrage de qualité pouvant servir de référence. Notons qu’il possède un tableau chronologique et un index des noms propres très utile.

Cependant, le centre d’attention de Jacques Gapaillard est le lien entre horlogerie et chemin de fer. C’est pour des raisons familiales, avoue-t-il, qu’il porta son intérêt sur ces deux sujets apparemment très éloignés. Or, il nous prouve qu’il n’en est rien. Par exemple, au début du XIXe siècle, rappelle-t-il, chaque ville avait « son » heure, chacune voyait donc « midi à sa porte ». À la venue du transport ferroviaire, ce désordre contrariait la bonne gestion du trafic puisqu’il fallait prévoir les croisements des trains sur des voies uniques. La solution à ce casse-tête supposait un plan précis des départs et des arrivées des convois, un respect strict par les cheminots des horaires de travail et l’installation dans les gares d’horloges indiquant une heure commune. Ainsi, en 1851 fut conçue l’heure du chemin de fer qui apporta l’heure de Paris aux localités desservies par le train. Curieusement, les gares furent équipées de deux horloges, l’une sur les quais, l’autre à l’extérieur, décalées de cinq minutes !

Ce problème d’heure unique n’était pas particulier à la France. D’autres nations connaissaient les mêmes difficultés et il fallait envisager aussi des liaisons ferroviaires entre les pays. En 1884, la Conférence internationale pour le premier méridien proposa de prendre Greenwich pour origine. La France attendit 1911 pour s’y plier et abolir dans la foulée l’heure du chemin de fer, acte ressenti par certains comme antipatriotique : « Je ne changerai pas ma montre », cria même un officier. Les éditeurs aussi montrèrent peu d’empressement : jusqu’aux années 1980, on publiait encore quelques cartes non conformes. Actuellement, notre heure légale est décalée d’une heure par rapport au méridien de Greenwich. Pourquoi ? Lisez Jacques Gapaillard pour en connaître la raison, sans oublier, toutefois, qu’il y eut entretemps l’occupation de la France.

Voici un livre qui devrait fortement intéresser un public averti et figurer dans toutes les bibliothèques.

Publié dans le n° 299 de la revue


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Auteur de la note

Arkan Simaan

Agrégé de physique, historien des sciences et (...)

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