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Michel-Eugène Chevreul (1786-1889)

Publié en ligne le 1er mai 2013
Michel-Eugène Chevreul (1786-1889)
Un savant doyen des étudiants de France. Des corps gras et de la chandelle à la perception des couleurs

Élie Volf
Éditions L’Harmattan, Paris, 2012, 336 pages, 34 €

Élie Volf vient d’écrire la biographie de Michel-Eugène Chevreul. Doté d’une prestigieuse préface de Jean-Marie Lehn, Prix Nobel de chimie 1987, ce livre est consacré à un savant ignoré de nos jours, mais qui fut important au XIXe siècle en raison notamment de ses travaux sur les acides gras, la saponification, la théorie des couleurs et la création d’une bougie de stéarine. Cela semble peu de choses actuellement mais une telle bougie était innovatrice à l’époque : elle n’avait pas mauvaise odeur et ne noircissait pas la pièce.

Michel-Eugène Chevreul vint au monde à Angers en 1786, juste avant la Révolution française. Durant sa longue vie de 103 ans, il connut plusieurs variantes de l’ensemble des régimes politiques inventés par l’Humanité : quatre Royautés, trois Républiques et deux Empires, systèmes apportés par quatre Révolutions (1789, 1830, 1848 et la Commune de Paris en 1871). Plus important : il collabora avec d’illustres savants, à commencer par Nicolas Louis Vauquelin (1763-1829), le découvreur du chrome et du béryllium, auprès duquel débuta sa carrière scientifique. Très jeune, Chevreul fit la connaissance d’un homme politique de premier plan et aussi grand chimiste, Antoine-François Fourcroy (1755-1809), codécouvreur de l’iridium, mais surtout coauteur avec Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794), Claude Louis Berthollet (1748-1822) et Louis-Bernard Guyton de Morveau (1737-1816) de la « Nouvelle Nomenclature Chimique » qui mit fin au fatras des alchimistes. Chevreul travaillera également avec Louis-Joseph Gay Lussac (1778-1850), André-Marie Ampère (1775-1836), Claude Bernard (1813-1878), Henri Becquerel (1852-1908) et bien d’autres.

Michel-Eugène Chevreul se montra rationaliste lorsqu’il dénonça clairement la parapsychologie, le spiritisme et la rabdomancie (divination à l’aide de baguettes, pratiquée notamment dans la recherche des sources, des trésors ou des mines), croyances qui séduisaient certaines personnalités de son temps. Il eut en revanche une position assez hésitante vis-à-vis de l’alchimie dont il dressa l’histoire. D’autre part, né dans une famille très chrétienne, il refusera obstinément le darwinisme : « Moi, fils d’un Orang-outang jamais ! » s’écria-t-il en 1886. Il prononça cette phrase à l’occasion de son centenaire lors d’un échange avec Paul Nadar – entretien qu’Élie Volf a eu la bonne idée de publier – qui pourrait parfaitement servir de biographie car il résume les principales étapes de la vie du savant. D’autre part, c’est un document historique : il s’agit du premier reportage photographique réalisé dans le monde.

Le livre d’Élie Volf contient également quatre magnifiques planches pour illustrer le cercle chromatique de Chevreul et sa contribution fondamentale à l’étude du contraste simultané des couleurs, puis de deux applications de cette théorie chez Paul Signac et Georges Seurat. Il comporte aussi à sa fin un remarquable article, Réflexions sur la chimie et l’art, d’Hervé This, éminent spécialiste de la gastronomie moléculaire, écrit qui se justifie ici car Michel-Eugène Chevreul mena aussi d’importantes recherches organoleptiques, mot dont il fut l’inventeur. Il s’agit d’un ouvrage qui a rempli son but, qui mérite donc de figurer dans toutes les bibliothèques, d’être lu par les curieux d’histoire des sciences.