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Restaurer la confiance ?

Publié en ligne le 16 avril 2023 - Esprit critique et zététique -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°344 (avril 2023)
Restaurer la confiance ?

Vaccin, énergie, agriculture, climat… autant de sujets où nous sommes confrontés à des affirmations parfois contradictoires. Que faut-il alors croire ? Difficile de se faire une opinion éclairée sans s’en remettre à des sources de confiance. Dans un monde où il est impossible de tout savoir, « une société fondée sur le progrès de la connaissance devient, paradoxalement, une société de la croyance par délégation, et donc de la confiance » [1]. Mais à qui accorder sa confiance ?

Plus que jamais, à l’ère d’Internet et de l’intelligence artificielle, la guerre de l’information joue un rôle majeur : « L’information, vraie ou fausse, est une arme parfois plus efficace que le fusil, la diplomatie, la justice ou la loi » [2]. Ce propos visant les champs de la guerre économique s’applique tout autant à ceux relevant des controverses « sciences et société » (où les dimensions économiques et stratégiques ne sont jamais loin). Qu’elle soit délibérée ou qu’elle résulte d’une approche partiale ou biaisée, la désinformation n’est pas réservée à certains « cercles complotistes ». Elle peut également émaner de gouvernements, d’entreprises, de médias ou d’associations. Elle peut même parfois se parer de la vertu du « décodage » ou de la vérification des « fake news ». La production scientifique elle-même n’est pas un long fleuve serein : outre les erreurs humaines, les atteintes à l’intégrité scientifique ne sont pas exceptionnelles, que ce soit pour des raisons économiques, idéologiques ou simplement d’intérêt personnel.

De ce sombre constat, il ne faut pas déduire que tout est mensonge, qu’aucune démarche d’information n’est digne de foi ou qu’il serait vain d’essayer de démêler le vrai du faux. Il ne faut pas non plus en déduire que toute expertise scientifique est nécessairement corrompue. Loin de là.

L’esprit critique apparaît alors comme une nécessité fondamentale exigeant de remonter aux sources des informations, d’évaluer leur qualité et leur crédibilité et également de connaître les biais cognitifs qui vont nécessairement altérer nos jugements. Mais ce n’est pas suffisant. Ceux qui adhèrent à des théories dites complotistes le font souvent avec des arguments qu’ils estiment rationnels. Ils affirment mettre en œuvre un esprit critique, une démarche qui interroge les sources auxquelles ils font référence. Et alors, pourquoi leurs sources seraient-elles moins valides ? Moins dignes de confiance ?

En réalité, toutes les sources ne se valent pas. Quand il s’agit de science et de décision, l’esprit critique suppose qu’un corpus de connaissances se constitue progressivement, malgré l’existence de mauvaises pratiques et les atteintes à l’intégrité scientifique. Et qu’il y a moyen de remonter à ce consensus 1. Cette hypothèse est raisonnable, à moins de supposer un vaste complot pérenne qui impliquerait tous les scientifiques, toutes les agences sanitaires et toutes les institutions scientifiques.

D’autres exigences doivent cependant s’imposer, en particulier celles relatives à l’intégrité de la démarche scientifique et la transparence de l’expertise publique. Les autorités publiques ont un rôle majeur à jouer : elles sont en charge de la régulation des activités d’expertise et de contrôle et sont également responsables de la tutelle de nombreux organismes de recherche. Des lois et des réglementations encadrent de plus en plus fortement l’activité d’expertise et de recherche, que ce soit au niveau national ou international. Probablement perfectibles, elles sont indispensables.

Un autre volet pourrait également contribuer à renforcer la confiance des citoyens dans la décision publique : faire en sorte que soient toujours explicités les faits et les données qui ont servi à l’élaboration d’une décision. Il ne s’agit pas d’exiger que la décision, politique par essence, découle des seules données statistiques et scientifiques (il existe bien d’autres dimensions à intégrer, économiques ou sociales par exemple), mais de rendre transparentes les preuves et les hypothèses qui sous-tendent des choix opérés 2.

Dans ce contexte, le rôle de l’Afis et de sa revue Science et pseudo-sciences est d’essayer d’apporter des éléments de réflexion, des analyses et des éclairages sur toutes ces questions.

Science et pseudo-sciences
Références

1 | Bronner G, La Démocratie des crédules, PUF, 2013.

2 | Harbulot C, Fabricants d’intox. La guerre mondialisée des propagandes, Lemieux Éditeurs, 2016.

1 Rappelons que le consensus n’est ni la certitude, ni l’unanimité, mais la synthèse de l’état des connaissances à un moment donné.

2 L’association Sense about science au Royaume-Uni mène une campagne sur ce thème intitulée « Evidence matters » (les preuves comptent).