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Démagnétisation des temps modernes

Publié en ligne le 1er juillet 2013 -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°305 (juillet 2013)

La peur des ondes électromagnétiques est un marché qui rapporte... On le sait, l’« électrosensibilité » est un syndrome, parfois très invalidant. Les personnes qui en sont victimes attribuent la responsabilité aux ondes électromagnétiques, en particulier celles émises par les antennes-relais. Pourtant, ces dernières ne peuvent physiquement être incriminées. La prise en charge recommandée consiste d’abord à écarter certaines causes possibles qui relèveraient d’un traitement spécifique (par exemple une dépression ou un état de stress). Ensuite, la mise en place d’une thérapie adaptée permet de réduire les symptômes, voire de faire disparaître toute affection.

À l’inverse de ces bonnes pratiques qui permettraient aux patients, sinon de guérir, au moins d’aller bien mieux, ceux qui propagent la « peur des ondes » infligent une double peine à ceux qu’ils prétendent défendre. Tout d’abord, ils renforcent l’idée que les ondes sont la cause des maux et détournent les personnes souffrantes d’une prise en charge adaptée (appelant, par exemple, à boycotter les 24 centres de consultation mis en place en janvier 2012 dans toute la France). Ainsi, le Professeur Belpomme, l’un des principaux porte-parole du mouvement « anti-ondes », a-t-il ouvert une consultation privée dans une clinique parisienne. Le traitement proposé [1]est à base d’« antagonistes des récepteurs à l’histamine » pour « fermer la barrière électro-encéphalique », une stimulation de la « régénération des astrocytes (des cellules céré- brales) qui ont été détruites par les champs électromagnétiques » et des « tonifiants du système nerveux ». Un jargon scientifique, qui peut impressionner, pour une sorte de « démagnétisation des temps modernes ». Et, comme il est annoncé que ce traitement « ne porte que sur les symptômes », il préconise d’adjoindre des « mesures de protection vis-à-vis des champs électro-magnétiques » : plus de téléphone, de télévision, de Wifi... Peur et isolement renforcés viennent ainsi en complément de l’absence de prise en charge adaptée.

Mais à cela s’ajoute « un parcours médical » qui va coûter très cher à ceux qui le suivent, si l’on en croit les témoignages de patients du Professeur Belpomme : une batterie d’examens sont proposés (encéphaloscan, échographie doppler pulsé cervico-encéphalique et échographie carotidienne) pour lesquels il est suggéré de « prévoir 199 euros en supplément de la carte vitale »[2] suivi d’un prélèvement sanguin pour lequel il faut « prévoir entre 300 et 500 € non remboursés ». Sans compter la consultation elle-même et le traitement qui va suivre... Très cher pour les patients, mais aussi pour la collectivité (la sécurité sociale et les mutuelles).

Science et pseudo-sciences

Références


1 | Interview du Professeur Belpomme, Metro, 10 septembre 2010.
2 | Le lien initial était http://ehs-action.org/?page_id=1892. Mais la page a été retirée. Les internautes intéressés la retrouveront reproduite ici. Nous avons rendu anonymes les commentaires.

Publié dans le n° 305 de la revue


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