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La déformation des conclusions scientifiques à des fins politiques partisanes n’est pas acceptable en démocratie

Publié en ligne le 21 janvier 2008 -
Paris le 20 janvier 2008

 Pas de « doutes sérieux » mais au contraire un faisceau de données théoriques et expérimentales conduisant à une affirmation raisonnablement étayée  : il n’y a aucun fondement scientifique à l’activation d’une clause de sauvegarde sur la culture du maïs Mon810 ;

 la déformation des conclusions scientifiques à des fins politiques partisanes n’est pas acceptable en démocratie : il faut restaurer l’intégrité scientifique dans l’élaboration des décisions politiques ;

 les attaques portées à l’intégrité et à l’indépendance des chercheurs et experts de la recherche publique française doivent cesser !


Telles sont les conclusions qui ont été tirées à l’issue du colloque « Biotechnologies et Agriculture durable » organisé le 17 janvier dernier par l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS), et regroupant près de 150 personnes, en majorité des chercheurs.

Le dossier de clause de sauvegarde est scientifiquement vide

Tous les points soulevés dans l’avis sur la dissémination du MON810, émis par le Comité de préfiguration d’une haute autorité sur les OGM (dissémination, coexistence, biovigilance, sécurité sanitaire, impacts sur la faune du sol, mise en œuvre de la liberté de choix pour le consommateur comme pour l’agriculteur, etc.) ont été présentés et discutés lors du colloque par des scientifiques spécialistes de chacun des aspects concernés.

Contrairement à ce que le sénateur Jean-François Le Grand a cru devoir conclure, il apparaît clairement que le dossier de la clause de sauvegarde est scientifiquement vide. Non seulement l’expression « doutes sérieux » ne figurait pas dans l’avis du comité de préfiguration de la haute autorité sur les OGM mais rien ne permet de les fonder : au contraire une « certitude raisonnable » se dégage de l’innocuité sanitaire tout comme d’un impact environnemental moindre du maïs résistant à la pyrale et à la sésamie comparativement aux moyens chimiques de lutte contre ces insectes ravageurs du maïs. De plus, la plupart des faits présentés comme nouveaux ne le sont pas, il ne s’agit le plus souvent que de confirmations. Quant aux faits vraiment nouveaux publiés, ils ne résistent pas à une analyse scientifique sérieuse ou ne concernent que marginalement les aspects évoqués ; les études de terrain ne les confirment pas.

Les organisateurs ont décidé de mettre aussitôt que possible en ligne sur le site du colloque (http://agribiotech.free.fr/) l’ensemble des interventions et analyses ainsi que l’ensemble des publications.

Il faut restaurer l’intégrité scientifique dans l’élaboration des décisions politiques

Il est désormais bien établi que le sénateur Jean-François Le Grand a délibérément utilisé les termes de « doutes sérieux » et « d’effets négatifs », absents de l’avis du comité de préfiguration de la haute autorité sur les OGM dans l’objectif de mettre en œuvre un compromis politique scellé lors du Grenelle de l’environnement et évoqué par le Premier Ministre. Cette issue lamentable était déjà prévisible au constat du démantèlement de la Commission du Génie Biomoléculaire (constituée d’experts scientifiques de la recherche publique, et présidée par un médecin) pour lui substituer une commission « pluridisciplinaire » savamment pesée sur le plan politique et dont la présidence était confiée à un parlementaire. La confusion des genres est donc à son comble.

La manipulation politique des conclusions scientifiques à laquelle s’est prêtée l’autorité publique ne connaît pas de précédent dans la république française. C’est ce qui explique la réaction, sans précédent elle aussi, de la communauté scientifique : douze scientifiques sur quinze de la haute autorité estimant publiquement avoir été trompés et trahis par les conclusions du Sénateur Jean-François Le Grand ; quarante académiciens dénonçant la manipulation dans une lettre publique ; une mobilisation inégalée des chercheurs de la recherche publique en soutien de la déclaration « Pourquoi faudrait-il suspendre la culture du maïs OGM ? » qui, en l’espace d’un mois a collecté 1200 signatures (http://nonaumoratoire.free.fr/ ).

Il convient que la future loi sur les organismes génétiquement modifiés garantisse l’intégrité de l’expertise scientifique, en restaurant la séparation entre ce qui relève de l’expertise scientifique et ce qui relève de la prise de décision politique.

Le dénigrement de la recherche publique et des experts qui en sont issus doit cesser !


Les manipulations politiques évoquées, de la constitution du comité de préfiguration de la haute autorité sur les OGM jusqu’aux conclusions du Sénateur Jean-François Le Grand se sont déroulées sur un fond d’attaques portées à l’intégrité et à l’indépendance des experts jusqu’à présent impliqués dans l’évaluation des risques des Plantes génétiquement modifiées, en particulier au niveau de la Commission du Génie Biomoléculaire (CGB) et de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA).

Ces attaques sont inacceptables et les citoyens français doivent savoir que leurs experts signent des déclarations d’intérêt, pour la plupart publiques, dans les instances nationales, européennes ou plus largement internationales, déclarations qui abordent non seulement les intérêts économiques mais aussi intellectuels. Ces principes sont loin d’être respectés par ceux qui dénigrent, à des fins partisanes, la recherche et l’expertise publiques françaises ; beaucoup se parent abusivement de compétences qu’ils n’ont pas pour s’exprimer en militants, voire en citoyens, ce qui est respectable, mais doit être considéré et surtout présenté comme tel !

Il convient donc d’arrêter de mélanger les genres pour manipuler les instances et tromper les citoyens comme les autorités sur la réalité des choses. Au vu des événements récents, au vu du rapport présenté par Corinne Lepage, au vu des déclarations publiques de cette dernière comme du sénateur Jean-François Le Grand, l’AFIS nourrit les plus grandes inquiétudes quant à l’issue du processus qui s’engage avec la future loi sur les organismes génétiquement modifiés.

Les ONG tout comme les prétendus organismes indépendants et experts rattachés à ces ONG n’ont aucune légitimité scientifique. L’expertise scientifique doit revenir à des commissions composées de scientifiques nommés en fonction de leurs compétences. L’AFSSA correspond à ces caractéristiques tout comme la CGB y correspondait. Elles constituent le service public de l’expertise scientifique. Il est plus qu’urgent de les réhabiliter, plutôt que de laisser accroire que l’objectivité et la neutralité viendraient de la confrontation avec des experts autoproclamés indépendants. La démocratie est aussi à ce prix.

Enfin, la démocratie gagnera à ce que soit développée l’information scientifique du public afin que chaque citoyen puisse se faire, avec un éclairage honnête des enjeux, une opinion éclairée et raisonnée.


L’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) regroupe des adhérents de toute origine et toute formation.
Elle est indépendante de tout intérêt privé et son orientation est définie par ses seuls adhérents.

Le premier objectif qu’elle poursuit est d’informer sur l’avancement des sciences et des techniques en éclairant de façon active les choix de société dans l’optique de l’amélioration des conditions d’existence des êtres humains. Le second est de mettre en garde contre les fausses sciences et l’exploitation de la crédulité. Le troisième enfin réside dans la défense et la promotion de l’esprit scientifique en illustrant de façon récurrente qu’il n’y a pas de meilleure méthode que la méthode scientifique pour appréhender le réel avec fiabilité et qu’il n’y a pas de meilleur outil que la Raison pour poser de façon pertinente et résoudre avec succès les problèmes qui se posent aux individus et aux collectifs humains.

Ces postures sont celles du rationalisme scientifique.

L’AFIS publie la revue Science et pseudo-sciences, fondée en novembre 1968, délivrée sur abonnement et chez les marchands de journaux.
Elle dispose d’un site internet : http://www.pseudo-sciences.org

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