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Le déclin d’une illusion, éditorial SPS n°293

Publié en ligne le 13 décembre 2010 -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°293 (décembre 2010)

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la psychanalyse et Sigmund Freud occupent une place particulière dans la sphère intellectuelle, dans l’enseignement et dans les pratiques thérapeutiques. Le système, souvent appelé freudisme, a dominé les élites et les médias dans certains pays pendant environ 40 ans. La France et l’Argentine ont été et restent encore les pays les plus influencés par ce système de pensée.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la pénétration des idées de Freud dans l’opinion publique, dans les médias et chez les thérapeutes.

Des concepts simples qui se sont imposés comme des vérités indiscutées : l’Inconscient, le refoulement, le complexe d’Œdipe, etc. Ces concepts sont devenus des lieux communs dans le langage courant très largement utilisés pour expliquer des attitudes et des comportements de l’homme.

La psychanalyse est enseignée à tous les lycéens en cours de philosophie à la fin du cursus secondaire. Son approche simpliste qui semble universelle a séduit des générations de professeurs et d’élèves. L’université a repris dans ses enseignements de psychologie la psychanalyse comme pivot de son enseignement. La majorité des médias ont leurs psychanalystes attitrés pour apporter le point de vue de la psychanalyse sur n’importe quelle catastrophe ou dossier de société.

La psychanalyse se présente comme utilisant une approche scientifique. Elle a la prétention de tout expliquer principalement par la sexualité infantile et ses traumatismes.

Une formation scientifique insuffisante des psychothérapeutes en neurologie, génétique, etc. comme l’a relevé le psychiatre Christophe André, lors d’un débat avec Simon Kipmann : « Hélas, dans les facs de psycho, les étudiants sont majoritairement formés sur une base quasi exclusive de références psychanalytiques. Ils ne sont que très peu au f ait des avancées de la neuro-anatomie, de la neurobiologie, de la génétique et de la pharmacologie, très peu ouverts aux thérapies autres qu’analytiques. Beaucoup de nos psychologues ne sont pas préparés de façon éclectique à soigner la souffrance psychologique. »[1]

Dans les années 80, les intellectuels états-uniens, qui avaient adhéré au freudisme, ont commencé à remettre en question la domination sans partage de la psychanalyse. Dans le monde francophone, ce mouvement a été beaucoup plus tardif. Des précurseurs en ont été Jacques Van Rillaer avec Les illusions de la psychanalyse (1995), Jacques Bénesteau avec son ouvrage Mensonges freudiens (2002). Mais c’est surtout avec les auteurs du Livre Noir de la psychanalyse (2005), puis tout récemment avec Michel Onfray et Le crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne, que cette remise en cause a atteint le grand public.

La contestation a porté à la fois sur la scientificité de la théorie, sur les succès thérapeutiques allégués, sur la malhonnêteté scientifique et sur le mystère qui entoure toujours une partie des écrits de Freud.

Mais la remise en cause la plus radicale, pour la théorie psychanalytique, est venue des progrès de la science qui ont battu en brèche les explications farfelues du courant psychanalytique sur des pathologies dont on ignorait l’origine et qui trouvent aujourd’hui des explications, certes encore partielles, grâce aux progrès de la psychologie scientifique, des neurosciences, de la génétique et des outils d’exploration fonctionnelle du cerveau comme l’IRM (cf. le cas de l’autisme).

Sur le terrain de la pratique thérapeutique, la remise en cause est apparue avec le développement de traitements montrant une meilleure efficacité, et surtout rigoureusement évalués, que ce soient les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ou le traitement psychiatrique des addictions, des dépressions.

L’évaluation collective rassemblée dans un rapport de l’Inserm 2004[2] a déclenché un tir de barrage des psychanalystes, première réaction d’ampleur à un profond mouvement de remise en cause. Le ministre de la santé de l’époque a pris alors la décision de retirer ce document du site de son Ministère, au mépris de la science et de l’intérêt des patients. Aujourd’hui les psychanalystes se sentent contestés et craignent de perdre une partie de leur clientèle. C’est peut-être la raison des attaques violentes contre les TCC, accusées encore récemment de pratiquer le « dressage humain », en utilisant prétendument les méthodes de Pavlov et du Dr Coué. Les attaques contre les personnes (allant jusqu’aux accusations d’antisémitisme) font aussi partie de cette défense désespérée.

Ce numéro spécial de Science et pseudosciences se propose d’apporter dans ce débat une réflexion sur trois volets : le statut scientifique de la psychanalyse, la réalité des allégations thérapeutiques des psychanalystes, et la place injustifiée occupée par la psychanalyse dans l’espace public (santé, justice, médias, etc.). Ainsi, le lecteur pourra découvrir ou mieux comprendre ce que Aldous Huxley appelait la « supercherie »

Science et pseudo-sciences

Références


1 | Lefigaro.fr, 24 octobre 2005, Simon Daniel Kipman et Christophe André, « Le difficile héritage de Sigmund Freud ». Propos recueillis par Frédéric Fritscher, Marie-Laure Germon et Alexis Lacroix.
2 | Psychothérapie, trois approches évaluées Éditions Inserm, ISBN 2-85598-831-4, 568 pages, Février 2004.

Publié dans le n° 293 Hors-série Psychanalyse de la revue


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