Accueil / En direct de l’ASP / Sur les traces du lait de jument

Sur les traces du lait de jument

Publié en ligne le 19 octobre 2005 -
par Marie-Sandrine Auger - ASP

En France, le lait de jument fait tranquillement son apparition aux rayons des aliments qui guérissent tout. C’est à grandes gorgées que ses adeptes en boivent pour diminuer leur stress ou améliorer leur digestion. Ajouté aux produits cosmétiques, il deviendrait un protecteur de la peau contre le psoriasis et autres maladies cutanées. Panacée ou simple attrait de l’exotisme ?

En Asie centrale, une fois fermenté, le lait de jument devient une boisson traditionnelle, le koumiss. Alors qu’en Europe occidentale, il s’inscrit au rang des cures de jouvence dernier cri. La production destinée à la consommation humaine se fait de façon artisanale, ce qui explique son prix (17 $ le litre). On dénombre une dizaine de producteurs en France, en Belgique et en Allemagne.

Selon un rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation), le lait de l’espèce équine, se démarque par sa forte concentration de vitamine C. Des analyses des compositions de divers laits démontrent que le lait de jument se rapproche de celui des humains, surtout pour les teneurs en protéine et en caséine (une protéine soluble qui facilite la digestion). Malgré cette ressemblance, le rapport de cet organisme des Nations Unies ne justifie pas sa consommation comme substitut du lait humain. Il spécifie au contraire que l’intérêt nutritif d’un lait diminue s’il est destiné aux membres d’une autre espèce.

Dans le domaine de la recherche, les scientifiques canadiens s’intéressent davantage au lait bovin et à ses composantes qu’à l’équin. Mais les quelques données dont il dispose conduisent Paul Paquin, vice-doyen à la recherche de la Faculté des Sciences de l’Agriculture et de l’Alimentation de l’Université Laval, à affirmer que tous les mérites attribués à ce lait semblent mitigés.

Par exemple, bien qu’il soit considéré sans danger pour les personnes allergiques au lait de vache, le lait de jument se révèlerait un allergène pour d’autres. Ce sont « les protéines bovines (qui) causent l’allergie au lait. Naturellement, le lait équin n’en contient pas », observe M. Paquin, également membre du Centre de recherche en sciences et technologie du lait. Mais cela n’empêche pas qu’un individu « peut développer une allergie au lait de jument. Si on n’en entend pas parler, c’est peut-être parce que le lait de vache compte un très grand nombre de consommateurs, ce qui facilite la détection des gens allergiques. »

Pour entretenir la beauté de sa peau, Cléopâtre se baignait dans le lait d’ânesse et de jument. Or, d’après les observations de Paul Paquin, le lait de vache aurait suffi. « Ce phénomène n’est pas uniquement associé au lait de jument, il est connu de la littérature scientifique que tous les différents laits contiennent certaines molécules qui peuvent avoir des effets sur le tissu cutané. Présentement, la compagnie Advitech de Québec a réalisé une étude clinique chez l’humain sur le psoriasis avec une fraction très spécifique du lait bovin. »
Qu’en est-il des vertus antistress du lait de jument ? Eh oui, le lait de vache les possèderait aussi... Des recherches effectuées par un confrère de M. Paquin, Yves Pouliot, ont démontré que la consommation à fortes doses de certains peptides (constituant des protéines) retrouvés dans le lait de vache procurerait des effets calmants.

Alors, en attendant que la mode traverse l’Atlantique, pour les curieux qui s’impatientent de goûter au lait de jument, qui a, paraît-il, un goût de coco et de noisette, ils se contenteront d’un bon verre de lait de vache. Ils y trouveront presque toutes les mêmes vertus... pour beaucoup moins cher !


Mots-clés : Science


Partager cet article