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Critiquer les médecines parallèles serait-il de la diffamation ?, éditorial SPS n°286

Publié en ligne le 8 juillet 2009 -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°286 (Juillet-septembre 2009)

Les partisans des médecines parallèles ont en général un rapport paradoxal à la science. D’un côté, ils ne se privent pas de faire grande publicité autour de toute étude, souvent aux fondements méthodologiques incertains, laissant entendre que leurs pratiques seraient efficaces. D’un autre, ils traitent de scientistes tous ceux qui produisent des analyses, bien plus nombreuses et rigoureuses, montrant l’absence d’effet spécifique, et crient à la persécution face aux études soulignant les biais méthodologiques qui entachent leurs propres résultats.

Une association de chiropracteurs d’outre-Manche vient de changer de registre dans ce type de controverse en poursuivant pour diffamation l’écrivain et journaliste scientifique Simon Singh[1]. En cause, un texte publié dans The Guardian du 19 avril 2008 où l’auteur reprenait certains thèmes de son dernier livre, Trick or Treatment ? Alternative Medicine on Trial[2], dans lequel il passe en revue différentes pratiques, telles que l’acupuncture, l’homéopathie, la chiropractie… L’article incriminé qualifiait de « bidon » (bogus) les indications alléguées de la chiropractie pour diverses affections touchant les enfants (telles que l’asthme, les infections à répétition des oreilles).

La British Chiropractic Association a porté l’affaire devant la justice, en s’appuyant sur une particularité de la loi anglaise qui permet de poursuivre pour des propos sur la seule base de l’atteinte à l’image du requérant.

À l’issue de la première audience tenue début mai 2009, le juge a rejeté les arguments de la défense. Simon Singh a fait appel.

Deux options s’offrent alors à la défense : soit prouver qu’il ne s’agissait que d’une simple opinion, et non de faits, soit démontrer la véracité des faits. Mais, en l’occurrence, si aucune étude sérieuse ne montre une quelconque efficacité de la chiropraxie pour les affections mentionnées, prouver de façon absolue l’inexistence d’effet peut s’avérer aussi compliqué que de démontrer l’inexistence du Père Noël. Et ce, d’autant plus qu’il s’agit de le faire, non pas devant ses pairs, ou devant une instance scientifique, mais devant des juristes, et avec une accusation qui saura bien produire des études incertaines, des expérimentations aux fondements fragiles, laissant la porte ouverte à toutes les interprétations, mais suffisantes pour troubler n’importe quel non-spécialiste. Avec le risque à la clé de frais de procédure exorbitants[3].

L’association anglaise Sense about Science, association aux objectifs similaires à ceux de l’AFIS, a lancé une vaste campagne[4] en faveur de Simon Singh et pour un réexamen de la loi en considérant son impact négatif sur les discussions et controverses scientifiques.

Nous nous associons bien évidemment à cette campagne pour la liberté d’expression, pour que le débat et la critique scientifique puissent continuer à se mener en-dehors des tribunaux.

Éditorial écrit le 8 juin 2009. À cette date, 7000 personnes ont signé l’appel en faveur de Simon Singh. Sur notre site Internet, retrouvez tous les éléments de cette campagne, ainsi qu’une traduction en français de l’appel en faveur de Simon Singh.

Science et pseudo-sciences

Références


1 | Simon Singh est l’auteur d’excellents livres, tels que L’histoire des codes secrets de l’Égypte des pharaons à l’ordinateur quantique (voir SPS n° 241, mars 2000), ou encore Le dernier théorème de Fermat.
2 | Médecines douces - Info ou intox ? écrit en collaboration avec Edzard Ernst
3 | Les sommes en jeu défient l’imagination. Accepter le premier jugement serait accepter de faire « amende honorable » devant l’association des chiropracteurs, et de payer 100 000 £. Mais entrer dans la procédure d’appel implique des risques de l’ordre de 500 000 £
4 |http://www.senseaboutscience.org.uk/index.php/site/project/333/ (disponible sur archive.org—31 mars 2020).

Publié dans le n° 286 de la revue


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