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Idées reçues sur la science et le rationalisme, éditorial SPS n°301

Publié en ligne le 20 juillet 2012 -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°301 (juillet 2012)

« Au-delà de la réalité avérée ou non de ces phénomènes [les phénomènes paranormaux], c’est le fait que les personnes les aient vécus comme étant vrais qui est important, explique Renaud Evrard, membre du Groupe étudiants de l’IMI [Institut métapsychique international]. Nous sommes sur une ligne de crête entre les "illuminés" et les hypersceptiques, précise le pédopsychiatre des hôpitaux Paul-Louis Rabeyron, également membre du comité directeur de l’IMI. Notre approche se veut rationnelle, mais ouverte. Pas besoin selon lui de qualifier trop vite les personnes témoignant de telles expériences de psychotiques ».

C’est ainsi qu’une journaliste rend compte[1] d’une conférence organisée par l’IMI. Passons sur le fait que les membres d’une association tentant de valider les pseudo-sciences sous couvert d’une « étude objective des phénomènes paranormaux » soient présentés sans le moindre recul comme « des professionnels de la santé mentale [se penchant] sur des cas pratiques ». Et arrêtons-nous un instant sur les propos rapportés.

En quelques lignes, ce n’est pas moins de quatre idées reçues qui sont assénées et relayées. Celles-ci sont malheureusement bien caractéristiques de discours trop souvent colportés sans le moindre esprit critique, dans de nombreux médias.

« Au-delà de la réalité avérée ou non de ces phénomènes, c’est le fait que les personnes les aient vécus comme étant vrais qui est importante »

Propos étranges. Veut-on laisser entendre que croire réels des phénomènes les rende ipso facto réels ? Difficile à admettre, à moins d’adopter un point de vue radicalement relativiste. Veut-on alors dire que le « vécu » importe plus que la réalité ? Mais de quel point de vue ?

« Nous sommes sur une ligne de crête entre les "illuminés" et les hypersceptiques »

Il est une rhétorique très à la mode consistant, pour légitimer un propos, à inventer des extrêmes de part et d’autres pour conclure que la vérité et la sagesse sont probablement au milieu. Et le stratagème fonctionne : qui souhaiterait, en effet, se voir qualifier d’« illuminé » ou d’hypersceptique ?

« Notre approche se veut rationnelle, mais ouverte »

Le rationalisme a mauvaise presse et le doute radical serait la sagesse même. Pourtant, le rationalisme, c’est l’ouverture aux faits et aux arguments. Le doute est certes nécessaire, non pas comme position ultime, mais comme point de départ d’une investigation critique.

« Pas besoin de qualifier trop vite les personnes témoignant de telles expériences de "psychotiques" ».

Éternel amalgame qui consiste à décrédibiliser le propos des sceptiques en affirmant qu’ils s’en prennent aux croyants, et non pas aux croyances. L’être humain a souvent de bonnes raisons de croire en des choses fausses. L’astrologie, la psychanalyse, l’homéopathie sont autant de croyances que la connaissance scientifique a invalidées, par expérimentation, par constatation de l’absence d’adéquation des allégations à la réalité. Pour autant, et nous l’avons souvent illustré dans nos colonnes, la persistance de la croyance trouve des racines dans de nombreux facteurs qui sont, pour une bonne part, extérieures aux individus eux mêmes.

Science et pseudo-sciences

Références


1 | 20 minutes, 20 avril 2012. http://www.20minutes.fr/societe/920...

Publié dans le n° 301 de la revue


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