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Tout va très bien, Madame la Marquise ?, éditorial SPS 283

Publié en ligne le 5 octobre 2008 -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°283 (Octobre 2008)

Nous sommes souvent amenés à démystifier des peurs et des rumeurs infondées ou à démonter des « explications » technophobes venant en justification de choix idéologiques. Ainsi, nous avons récemment souligné l’absence de fondement scientifique à l’interdiction du seul maïs OGM cultivé commercialement en France, nous avons écrit que le téléphone mobile et les réseaux Wifi ne représentent pas le danger que certains affirment. Dans ce numéro, nous affirmons que l’aspartame n’est pas responsable des morts et des cancers que certains lui attribuent, que la consommation de lait ne représente pas un danger, comme une certaine campagne essaie de le faire croire. Toujours dans ce numéro, nous analysons en détail l’impact environnemental et sanitaire réel (et extrêmement limité) de l’incident très médiatisé du Tricastin.

Serions-nous des technophiles ne cherchant qu’à nier la réalité des problèmes et les responsabilités des industriels ? Serions-nous aveugles aux maux et dangers qui assaillent notre planète ? Bref, « dormez tranquilles braves gens » serait-elle notre devise ? Toutes les peurs seraient-elles infondées, toutes les rumeurs intéressées ? En réalité, c’est tout l’inverse. Nous sommes inquiets. Par certains aspects, la « maison terre » brûle et « madame la Marquise », pour reprendre la chanson bien connue, a tout lieu de s’inquiéter. Mais nos inquiétudes ne se portent pas là où, médiatiquement et dans nos pays dits riches, certains pointent le doigt.

Des fléaux ravagent des populations entières, des dangers majeurs menacent la planète. Selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), 865 millions de personnes souffrent de dénutrition et chaque jour près de 15 000 enfants meurent de faim. L’envolée des cours de certains aliments de base a provoqué des émeutes de la faim. L’accès à l’eau potable est un problème majeur pour une grande partie de la population mondiale, causant des centaines de milliers de morts (choléra et autres maladies). Le paludisme, à lui tout seul tue chaque année de l’ordre de 3 millions de personnes. Le réchauffement climatique pourrait venir et aggraver encore cette situation. Dans nos contrées, les raisons de s’inquiéter ne manquent pas non plus.

C’est parce que ces problèmes sont des problèmes majeurs qu’il faut prendre des décisions éclairées. Pas des décisions idéologiques, souvent démagogiques, visant à plaire à telle ou telle partie de son électorat. La raison doit présider aux choix qui sont effectués. Ceci implique que nos décideurs s’appuient sur l’état réel de la connaissance scientifique. Nous sommes loin de tout cela. Ainsi, nous l’avons aussi rapporté dans nos colonnes, on trouve régulièrement des responsables politiques amateurs d’astrologie ou fervents défenseurs des vertus thérapeutiques de l’homéopathie (en France et ailleurs, c’est jusqu’aux sommets de l’État que l’on retrouve ces croyances). Comment, pour paraphraser Jean Rostand, peut-on espérer qu’une tête qui croit en l’astrologie ou qui pense que l’homéopathie a fait la preuve de son efficacité, sera en mesure d’effectuer des choix sensés sur le réchauffement climatique, la santé ou les OGM ? Peu de journalistes ont reçu un minimum de formation scientifique leur permettant de faire preuve d’esprit critique. Ils relaient alors ce qui est médiatique, spectaculaire, et traitent de l’information technique comme ils traitent le fait divers.

La connaissance scientifique est une condition nécessaire pour des choix rationnels et sensés. Mais ce n’est bien entendu pas suffisant : la science ne détermine pas les options économiques, sociales ou politiques qui sont à prendre. C’est dans cet esprit que l’AFIS et sa revue visent à promouvoir l’esprit critique et l’éclairage scientifique des grandes comme des petites questions. Des citoyens informés, dotés d’esprit critique sont des gages de démocratie. L’ignorance a toujours été l’arme des dictatures.

Science et pseudo-sciences

Publié dans le n° 283 de la revue


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