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Marcel-Francis Kahn (1929-2024)

Publié en ligne le 4 janvier 2025 - AFIS -

Marcel-Francis Kahn nous a quittés à l’âge de 95 ans. Ancien chef du service de rhumatologie à l’hôpital Bichat, il avait été membre du comité de parrainage de l’Afis, qu’il a malheureusement quitté avec fracas en 2007 [1]. Il défendait avec acharnement la médecine fondée sur les preuves et dénonçait toutes les pseudo-médecines qu’il qualifiait de « patamédecines », en référence à Alfred Jarry qui décrivait la pataphysique comme la science des solutions imaginaires [2]. En 1988, il s’était opposé à Jacques Benveniste à la télévision lors de l’affaire de la mémoire de l’eau supposée valider scientifiquement les dilutions infinitésimales de l’homéopathie [3]. Pour lui, la pratique de la médecine est une technique et, à ce titre, « elle applique les données que lui fournit la connaissance scientifique ». Certes, ajoutait-il, « on peut concéder que bien exercée, elle devient une manière d’art » et qu’il n’y a de science que dans la recherche. Mais, concluait-il, « qui accepterait de s’envoler dans un avion dont toutes les caractéristiques n’auraient pas été scientifiquement établies ? ». Il s’étonnait alors que, « à côté de cette médecine classique, scientifique, orthodoxe, fleurissent toujours des pratiques irrationnelles » [4].

Son activité rationaliste était une petite partie de son engagement militant. En 1944, âgé de quinze ans, il devint agent de liaison des Forces françaises de l’intérieur (FFI) dans la région de Grenoble. Il s’engagea ensuite dans différents mouvements politiques : au Rassemblement démocratique révolutionnaire de Jean-Paul Sartre et David Rousset au lendemain de la guerre, puis au Parti socialiste unifié (PSU) alors présidé par le mathématicien Laurent Schwartz et enfin à la Ligue communiste révolutionnaire jusque 1973. Ses engagements ont été particulièrement importants contre la guerre d’Algérie, puis contre celle du Viêt-Nam et enfin dans les conflits au Moyen-Orient (Israël, Palestine, Jordanie) à propos duquel il récusait les enfermements identitaires ou communautaires [5].

Né dans une famille juive et marié à une ancienne déportée rescapée du Ghetto de Varsovie et des camps nazis, il était également très sensible aux persécutions antisémites et avait participé en tant que médecin à la prise en charge médicale et juridique d’anciens déportés [5].

À titre personnel, je salue un ami de ma famille avec qui j’avais parfois des désaccords, mais pour qui j’avais une grande estime.

Jean-Paul Krivine

1| « Elle court elle court la rumeur… », communiqué de l’Afis, 11 mars 2013. En ligne sur www.afis.org
2| Collège de Pataphysique, Les 101 mots de la Pataphysique, Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, 2019.
3| « Duel sur la 5 : l’homéopathie avec le docteur Jacques Benveniste + professeur Marcel Francis Kahn », archives INA, 4 juillet 1988.
4| Kahn MF, « Médecine et irrationnel », Science et pseudo-sciences n°260, décembre 2003
5| « Marcel-Francis Kahn », Le Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social (consulté le 3 janvier 2025).


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L'auteur

Jean-Paul Krivine

Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (…)

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