Alimentation humaine et métabolisme
Publié en ligne le 17 janvier 2025 - Alimentation -
« Vivre d’amour et d’eau fraîche » ne s’applique pas aux humains… du moins au-delà d’une certaine limite. Le jeûne entre les repas (dit physiologique) ou de quelques jours ne met pas en danger. Mais au-delà de quelques semaines, il entraînera inéluctablement la mort. En 1981, les nationalistes irlandais B. Sands et K. Doherty décédèrent après 66 et 73 jours d’une stricte grève de la faim (ne buvant plus que de l’eau).

Le corps humain, pour fonctionner, a besoin d’énergie et de composants nécessaires à la structure et au bon fonctionnement de l’organisme. Ces molécules sont soit produites par l’organisme, soit apportées par l’alimentation. Elles sont ensuite transformées par un ensemble de processus biochimiques regroupés sous le terme de métabolisme.
De quoi avons-nous besoin ?
Les substances fournies par notre alimentation et utilisées par le corps pour son fonctionnement peuvent être classées en macronutriments (glucides, lipides et protéines) et micronutriments (vitamines et minéraux). Il faut y ajouter l’eau qui représente environ 55 % du poids corporel et l’oxygène, indispensable à la production de l’énergie.
Les glucides
Les glucides – aussi appelés hydrates de carbone (voir les étiquettes alimentaires) – constituent une source d’énergie rapide et (trop) facilement accessible dans l’alimentation, mais notre foie, nos reins, nos intestins sont également capables d’en produire. Les glucides simples (les « sucres » : fructose, glucose, saccharose, lactose…) sont présents entre autres dans les fruits, les produits laitiers et sont rapidement assimilables par l’intestin. Les glucides complexes (majoritairement l’amidon présent dans les céréales et certains végétaux) sont digérés plus lentement, avec une libération progressive de glucose. Toutes nos cellules utilisent le glucose comme source d’énergie, mais, quantitativement, le cerveau avec plus de 100 g par jour a, de loin, la « médaille d’or » ! Une partie du glucose est stockée dans le foie et les muscles sous forme de glycogène qui est mobilisé entre les repas (par le foie) ou pendant une activité physique intense (par les muscles). L’excès de glucose par rapport aux besoins est stocké sous forme de lipides dans le foie et le tissu adipeux ; le fructose en excès dans l’alimentation peut entraîner une stéatose hépatique non alcoolique (NASH, accumulation de graisses dans le foie associée à une inflammation et qui peut évoluer vers une fibrose, puis une cirrhose).
Les lipides
Les lipides (aussi appelés matières grasses) servent, entre autres, de source d’énergie, de constituants pour les membranes cellulaires, de précurseurs d’hormones, etc. Les acides gras sont les principaux constituants des lipides et deux d’entre eux sont « essentiels » (par définition, les « acides gras essentiels » ne peuvent être synthétisés par l’organisme) et doivent être présents en quantités suffisantes dans l’alimentation.
On distingue plusieurs familles d’acides gras en fonction de leur structure moléculaire. Citons les acides gras saturés (largement présents dans les graisses animales, l’huile de palme…), les monoinsaturés (huile d’olive…) et les polyinsaturés qui se divisent en deux sous-familles, les oméga-6 (huiles de maïs, soja, tournesol…) et les oméga-3 (colza, lin, huiles de poissons gras…). Chacun joue un rôle différent dans la physiologie.
Le cholestérol est une des autres formes de lipides qui intervient dans de nombreux processus : structure des membranes cellulaires, synthèse des hormones stéroïdiennes et des sels biliaires pour la digestion des graisses. L’alimentation apporte des lipides via les produits animaux (charcuteries, œufs, poissons, produits laitiers et viandes) et végétaux (graines et fruits oléagineux, huiles).
Les protéines
Les protéines interviennent dans la structure des cellules et tissus et dans leur fonctionnement (enzymes, collagènes…), mais également dans de très nombreux processus : immunité, transports, digestion… Les protéines sont composées d’acides aminés : parmi tous les acides aminés existants dans la nature, seuls vingt peuvent être présents, en quantité variable, dans une protéine. Huit sont essentiels (ils doivent être présents dans l’alimentation), deux sont « semi-essentiels » chez l’enfant en croissance et deux sont supplémentaires chez le prématuré. Les protéines sont apportées tant par l’alimentation d’origine animale (lait, œuf, poissons et viande) que végétale (essentiellement céréales et légumineuses).
Les vitamines
Notre alimentation doit également contenir des vitamines (A, groupe B, C, D, E, K). Sans valeur énergétique, elles sont indispensables au bon fonctionnement de notre organisme. Un apport insuffisant, mais aussi des excès pour certaines d’entre elles, peuvent entraîner des troubles ou des pathologies parfois graves.
Les minéraux
Les minéraux indispensables au bon fonctionnement de l’organisme sont nombreux : calcium, chlore, chrome, cobalt, cuivre, fer, fluor, iode, magnésium, manganèse, phosphore, potassium, sélénium, sodium, soufre et zinc. Ils sont exclusivement fournis par l’alimentation. Ainsi, le fer joue un rôle majeur dans la structure et le fonctionnement de l’hémoglobine, le calcium dans la contraction musculaire et les régulations physiologiques, l’iode dans la fabrication des hormones thyroïdiennes…
Les probiotiques
Notre microbiote intestinal contient des dizaines voire des centaines de milliers de milliards de micro-organismes, soit autant que de cellules du corps humain. Sa composition varie d’un individu à l’autre et sa fonction est cruciale dans la digestion et les relations avec le cerveau, le système immunitaire… Pour le réguler, notre alimentation devrait comporter des probiotiques (micro-organismes vivants), des prébiotiques (nourriture pour le microbiote intestinal) dont les fibres, favorisant certaines bactéries, et des postbiotiques (micro-organismes inactivés, composants ou produits du métabolisme bactérien).
Notre alimentation contient également de nombreuses substances bioactives aux effets soit positifs (polyphénols…), soit négatifs (perturbateurs endocriniens, micro-et nano-plastiques…).
Besoins de l’organisme et apports énergétiques
Les besoins énergétiques
Il convient de distinguer l’énergie nécessaire pour le métabolisme de base et celle dépensée lors d’activités physiques (sport, travail, etc.). L’énergie nécessaire au métabolisme de base est la quantité qu’il faut fournir pour assurer les fonctions indispensables à la survie de l’organisme : thermorégulation, fonctionnement des systèmes physiologiques – cœur, cerveau, système digestif, respiration, etc.
Le besoin en énergie du métabolisme de base dépend de facteurs individuels (âge, sexe, poids, taille…) ou de l’environnement (climat par exemple). Il existe des formules plus ou moins complexes pour calculer ce besoin en énergie (voir [1] pour une présentation détaillée et [2] pour une présentation grand public). Une manière simple d’évaluer ce besoin consiste à retenir une kilocalorie (kcal, unité de mesure de l’énergie) par kilogramme de poids corporel et par heure. On arrive ainsi à 1 608 kcal par jour pour une femme de 67 kg (poids moyen en Europe) et de 2 040 kcal pour un homme de 85 kilos (poids moyen).
Plusieurs méthodes évaluent l’apport d’énergie nécessaire lors d’une activité physique : la plus simple multiplie le métabolisme de base par un facteur représentatif du niveau d’activité : de 1,2 à 1,9, respectivement pour une personne inactive et une personne très active. Des méthodes plus complexes existent, comme « l’équivalent métabolique » (Metabolic Equivalent of Task, MET) qui établit un rapport entre une série d’activités physiques et le métabolisme de base. Ce rapport va de 1 (regarder la télévision) à 23 (course à pied de type marathon) et inclut des distinctions basées sur le sexe et l’âge. Enfin, on trouve des objets connectés qui l’évaluent à partir d’algorithmes. Ainsi, l’énergie nécessaire pour le métabolisme de base et des activités physiques conduit à des valeurs comprises entre 1 800 à 2 200 kcal par jour pour une femme de 60 kg et 2 500 à près de 3 000 kcal par jour pour un homme de 80 kg.
Dans des cas extrêmes, on arrive à des valeurs bien plus élevées : 7 500 kcal pour un coureur du Tour de France lors d’une étape moyenne [3] ; pour un Sumo en phase intense d’entraînement (poids moyen de 150 kg), cette valeur pourrait atteindre 20 000 kcal par jour [4].

Avec quels aliments ?
Pour les protéines (un gramme apporte 4 kcal), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) évalue les besoins des humains à environ 0,83 g de protéines par kg de poids corporel et par jour, mais ces valeurs montent à environ un gramme pour les seniors, 1,2 g chez les femmes enceintes ou allaitantes, patients cancéreux, grands brûlés… [5]. Une étude mise en ligne en 2024 sur le site de la Société française de nutrition et coréalisée avec le Réseau action climat [6] propose que, dans le cadre d’un prochain Programme national nutrition santé (PNNS), la proportion de protéines animales descende entre 40 et 48 % (18 % de viandes avec deux ou trois produits laitiers par jour) et celle de protéines végétales monte entre 52 et 60 %. Une autre étude, moins militante, nuance ce propos et suggère qu’environ la moitié des apports protéiques devrait être d’origine animale pour couvrir l’ensemble des besoins nutritionnels des adultes [7].
Pour les lipides (1 g procure 9 kcal), l’apport des acides gras saturés devrait rester en dessous de 50 g par jour et l’acide oléique (monoinsaturé) de 40 à 50 g par jour ; celui des acides gras polyinsaturés (dont ceux qui sont essentiels) à hauteur d’environ 13,5 g par jour. L’ensemble des lipides devrait représenter un maximum de 40 % de notre apport calorique quotidien [8].
Pour les glucides (1 g apporte 4 kcal), il faut distinguer les glucides simples (« sucres ») accédant rapidement à la circulation sanguine des glucides complexes, l’amidon, dont la digestion libère lentement du glucose dans l’intestin. L’Anses « recommande de ne pas consommer plus de 100 g de sucres par jour (hors lactose et galactose) et pas plus d’un verre de boisson sucrée ». La consommation d’amidon, présent dans les céréales, devrait apporter environ 250 g de glucides par jour [9].
Considérons également un « aliment » rarement pris en compte dans les calculs alimentaires : l’alcool. Un gramme d’éthanol apporte 7 kcal et la consommation moyenne d’éthanol – sous différentes formes – est évaluée à 10,76 litres par an en France pour les plus de 15 ans [10], Un verre de bière de 25 cl à 7 % d’alcool, un verre de vin rouge de 12,5 cl à 14 % et un verre de whisky de 4,2 cl à 42 % contiennent tous 14 grammes d’éthanol.
Pour terminer, il est important de garder à l’esprit qu’un aliment ne se résume pas à son profil nutritionnel (composition et charge calorique) et qu’il faut prendre en compte le profil sensoriel (saveurs…) et les aspects liés à la sécurité alimentaire.
1 | Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Actualisation des repères du PNNS : élaboration des références nutritionnelles », Rapport d’expertise collective, décembre 2016. Sur anses.fr
2 | Lafaurie L, « Métabolisme de base : quel calcul ? », Santé magazine, 14 août 2023.
3 | Menuet JJ, « La dépense calorique du cycliste sur un Tour de France, que mange un coureur ? », Médecine du sport conseils, 12 juillet 2016.
4 | « Que mange un lutteur sumo ? », Zenpop, blog, 23 juillet 2019. Sur zenpop.jp
5 | Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Les protéines : définition, rôle dans l’organisme, sources alimentaires », page web, 24 janvier 2013. Sur anses.fr
6 | Société française de nutrition, « Comment concilier nutrition et climat ? », Étude RAC-SFN, 2024. Sur sf-nutrition.fr
7 | Vieux F et al., “Approximately half of total protein intake by adults must be animal-based to meet nonprotein, nutrient-based recommendations, with variations due to age and sex”, The Journal of Nutrition, 2022, 152 :2514-25.
8 | Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Les lipides », page web, 15 mars 2021. Sur anses.fr
9 | Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Sucres dans l’alimentation », page web, 18 mars 2024. Sur anses.fr
10 | Observatoire français des drogues et des tendances addictives, « Quantité d’alcool mis en vente par habitant âgé de 15 ans et plus depuis 1961 (en litres équivalents d’alcool pur) », site de données, 2022. Sur ofdt.fr
Publié dans le n° 350 de la revue
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L'auteur
Yves-Jacques Schneider

Docteur en biochimie cellulaire et agrégé de l’enseignement supérieur en pharmacologie cellulaire (Institut de (…)
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