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Courriels et courriers : juillet à septembre 2009

Publié en ligne le 13 octobre 2009 - Rationalisme -

Science & Vie Junior et les Crop-Circles

Je suis professeur-documentaliste [dans un lycée hôtelier]. Le CDI est abonné à Science & Vie Junior. Dans le numéro 232 de janvier 2009 est paru un gros article sur les crop-circles. Le raisonnement implicite est de dire qu’il y a des faux cercles faits de main d’homme et des vrais qui seraient faits par des extra-terrestres, vu leur degré de complexité. En effet, le nombre Pi serait écrit de façon cachée dans un crop-circle récent. La bibliographie qui suivait exprime cette thèse sans jamais citer un point de vue rationnel, celui exprimé par Agnès Lenoire dans SPS d’octobre 2008 par exemple. J’ai photocopié l’article de SPS que j’ai placé dans Science & Vie Junior, avec une petite introduction préalable. Il est dommage qu’une revue pour adolescents se fasse le véhicule de l’obscurantisme.

[J’ai adressé au] rédacteur en chef de Science & Vie Junior un courrier demandant des explications sur cet article qui vise au sensationnel, et l’ai signalé aux collègues documentalistes sur nos listes de diffusion professionnelle.

P.M.

Il est regrettable qu’une revue de vulgarisation scientifique, touchant un très large public, et ici un public d’adolescents, ne soit pas plus vigilante, et cède à la mode du sensationnel, et parfois du paranormal. Est-ce un manque de formation scientifique des journalistes ? Une absence d’esprit critique qui les empêche de prendre un peu de recul ? Science & Vie Junior vient de récidiver, avec un dossier sur la sorcellerie dans le numéro de septembre 2009 (voir l’analyse dans ce numéro de SPS).

Un traitement déséquilibré ?

[…] L’AFIS s’attache à informer sur les idées reçues, les pseudo-sciences... Ce thème, noble et indispensable, est cependant traité de façon écrasante ce qui fait que, à mes yeux, cette association finit par être cataloguée par certains dans un extrémisme assez comparable à ce qu’elle pourfend. À ceux qui sèment abusivement la peur et la théorie du complot est opposée une attitude qui est parfois comprise comme exagérément et anormalement rassurante et donc pas toujours crédible... C’est un comble !

J’ai cependant été agréablement surpris de découvrir l’article de Science et pseudo-sciences « Quand l’industrie du tabac cache la vérité scientifique » du mois de janvier 2009, qui permet d’aller à l’encontre de cela. J’espère retrouver ce type d’article dans d’autres numéros !

Lorsque des études scientifiques de qualité permettent d’aller à l’encontre de certaines idées reçues, l’AFIS se doit d’informer tout un chacun.

Elle le fait avec ses moyens. Lorsque des industries, des entreprises, des vendeurs de rêve font du profit sur des idées reçues, l’AFIS devrait s’en émouvoir plus souvent. Lorsque les réglementations ne suivent pas les résultats des études scientifiques, l’AFIS devrait alerter.

Les articles de SPS me semblent trop tournés vers le premier point. […]. Il ne me semble pas avoir vu d’article sur le troisième […]. Afin que l’AFIS ne soit pas comprise comme étant aveuglément à la botte de l’industrie et des États, qu’elle fasse comprendre qu’il existe une autre voie, elle-même différente de celle des « anti- », je trouve qu’elle devrait s’attacher à traiter plus souvent, voire systématiquement, ces deux derniers points. Je suis conscient que cela lui donnerait une orientation encore plus militante... mais perçue comme plus indépendante, plus crédible.

Un dernier mot, je trouve que la nouvelle formule des SPS traitant à chaque fois d’un dossier complet est une réussite. Chaque numéro de SPS devient (encore plus) une référence. Félicitations !

Frédéric L. (78)

Sur le principe, il semble effectivement logique et nécessaire de traiter les trois facettes évoquées. Mais gardons-nous de vouloir les rendre égales, équivalentes, et équilibrées a priori, au risque de surmédiatiser certains événements et d’en minimiser d’autres. Partons des faits, de la réalité. Vous regrettez de ne pas avoir lu d’article sur la dénonciation de réglementations qui ne suivraient pas les résultats des études scientifiques. Mais, dans nos nombreux articles sur les OGM, n’est-ce pas ce que nous avons souligné ? Les décisions françaises sur les OGM se couvrent de façon indue d’arguments scientifiques, alors qu’elles vont à l’encontre de ce qui est établi sur le plan scientifique. Nous ne demandons toutefois pas que les politiques prennent des décisions dictées par les seules connaissances scientifiques, mais nous dénonçons quand ils couvrent leurs choix politiques, économiques ou sociaux, par des faux arguments scientifiques. On pourrait dire la même chose du statut de l’homéopathie (la réglementation ne suit pas la connaissance scientifique).

J-P.K

Peut-on citer Wikipédia ?

[J’ai bien reçu vos deux numéros de cet été]. J’ai déjà dévoré le premier, de la première à la dernière ligne, et l’autre va suivre ! En tout cas merci pour le travail que vous faites contre les forces de l’obscurantisme !

Si je peux me permettre une petite remarque, je suis étonné que vous citiez Wikipedia comme source bibliographique dans certains articles ou entrefilets. Je n’ai rien contre Wikipedia, et je l’utilise fréquemment, mais c’est un outil dont il faut mesurer les limites, du fait de son principe de fonctionnement. Enfin, c’est vraiment une petite remarque en passant, pour le reste, ne changez rien !

Fabrice Milovanoff

Wikipedia, comme toute source sur Internet, doit être considéré avec précaution et esprit critique. Il faut toujours remonter à la source, vérifier ce qui est affirmé, croiser les informations. Wikpedia, plus que d’autres sites, mérite encore plus cette élémentaire prudence. Comme vous le rappelez, son contenu n’est validé par personne, ou plutôt par tous ceux qui le veulent. Ainsi, certains articles de l’encyclopédie en ligne sont régulièrement l’objet de « batailles » et controverses entre Internautes, et les textes sont perpétuellement remis en cause, passant d’une affirmation à son contraire. À tel point que les animateurs de la version anglaise du site ont décidé de se doter d’une équipe de modérateurs pour vérifier l’ensemble des articles liés à des personnages publics encore vivants. Dans notre rubrique « Un monde fou, fou, fou… » (page 90 de ce numéro de SPS), nous montrons comment une fausse citation a pris son envol dans Wikipedia, et circule maintenant de site en site, reprise par des journaux. Sur des sujets bien établis, qui ne sont pas l’objet de controverses, la source devient raisonnablement fiable. C’est ainsi que nous citons parfois Wikipedia, par exemple pour la définition de termes en physique, en biologie ou en chimie (ce qui n’empêche pas de croiser et vérifier l’information).

Vaccination

J’ai récemment vu un documentaire diffusé sur France 5, intitulé Silence on vaccine. Comme souvent dans ce type de film, le commentaire, le montage et les musiques anxiogènes montrent qu’on est encore trop dans le registre de l’émotion. Cependant, certaines questions posées valent peut-être la peine d’être explorées. Ainsi, les effets possibles des adjuvants – mercure et aluminium, pour faire simple – semble-t-il nécessaires au fonctionnement même du vaccin, n’auraient pas (ou pas assez) été étudiés, et seraient en cause dans l’apparition ou la potentialisation de maladies neurologiques.

Je suis moi-même tout à fait favorable au principe de la vaccination, et très agacée par la prolifération des courants de type « pensée magique » et autres terreaux du charlatanisme. Mais il ne faudrait pas que ces rhétoriques anti-rationalité puissent prendre appui sur de dangereuses lacunes en matière d’évaluation des effets des adjuvants entrant dans la composition des vaccins (je songe par ailleurs à la précipitation avec laquelle risque d’être élaboré le vaccin censé nous protéger de la grippe A H1N1). Entre lobbies obscurantistes et lobbies pas toujours scrupuleux de certains laboratoires, vertige !

Si l’on peut, à chaque fois, garantir que la vaccination pour tel virus est moins risquée que la « naïveté » face au virus, tant mieux. Mais le film martèle que des minorités de patients sont vulnérables face à ces adjuvants vaccinaux, et que l’on vaccine avec un manque de précaution parfois périlleux […].

L.S.

En matière d’adjuvants, ce qui a été utilisé jusqu’à ce jour c’est essentiellement l’aluminium (le mercure n’est pas un adjuvant mais un produit conservateur, nécessaire pour les vaccins multidoses). Cet adjuvant a été utilisé dès le début des vaccins (diphtérie, tétanos). Le recul est très important, et rien de sérieux ne permet de le mettre en cause 1. Les nouveaux adjuvants (type squalènes) sont bien moins connus. Aucun signal de pharmacovigilance n’est apparu suite à leur utilisation (vaccin adjuvé grippe de Novartis ou vaccin Cervarix) mais l’expérience reste limitée, notamment dans des populations fragilisées.

Le mercure (thiomersal) est à l’ordre du jour puisqu’il sera présent dans les vaccins A H1N1 délivrés en flacons multidoses. Ce produit a fait l’objet de polémiques aux USA où il a été incriminé dans la survenue de l’autisme, ce qui a été démenti par les études, qui n’ont pas cependant permis d’affirmer ou d’exclure la relation avec d’autres troubles neurologiques. Dans le cadre d’une politique de santé publique, ce risque de complication, lié à un terrain génétique ou environnemental particulier, par exemple, doit être mis en rapport avec les conséquences de l’infection ciblée par le vaccin sur l’ensemble de la population.

Concernant le documentaire Silence on vaccine, on y retrouve toujours les mêmes ingrédients. Des cas individuels sont mis en scène, cas dramatiques, douloureux, parfois difficilement supportables à voir. Viennent ensuite des affirmations assénées sans plus d’analyse : c’est la vaccination qui est la cause. Le spectateur ne peut qu’être révolté. L’ensemble du documentaire est alors à charge, avec, bien entendu, les insinuations, ou affirmations explicites, sur le complot, sur les experts qui sont corrompus, liés à la « Big Pharma », et les « autorités » qui nous cachent la réalité. Rien ne sera dit sur toutes les études objectives, les analyses coûts-bénéfices qui ont été faites. Rien ou presque sur toutes les études qui nuancent, pour ne pas dire plus, les relations entre les cas de pathologies développées et le vaccin, et aucun chiffre sérieux sur les effets secondaires (nombre de cas, etc.). Rien sur les processus de validation et de vérification de l’efficacité et la sûreté des produits mis sur le marché. Bref, de l’émotion enrobée dans un discours à charge. N’ont pas été interviewés ceux qui ont été sauvés d’une maladie grave par le vaccin... c’est moins spectaculaire. Pas non plus ceux qui sont victimes de la maladie, faute d’une campagne de vaccination adaptée...

La vaccination et les arguments de ses détracteurs feront l’objet d’un prochain article dans notre revue.

J-P K (Avec les aimables précisions du Pr Floret – CHU-Lyon)

Château Petrus n’existe pas

J’ai trouvé dans le numéro indiqué une erreur « monumentale » à la page 106 : le « Château Petrus » n’existe pas ! Il faut dire simplement Petrus. Je souhaite à l’auteur de goûter un millésime 2000 ! Bon appétit !

Jean Mery

Merci pour votre vigilance. Notre article rapportait des études qui montraient la difficulté des experts œnologues à distinguer, en aveugle, des bons crus de vins médiocres. Mais nul doute, en tout cas, que ces experts auraient flairé la supercherie à l’annonce d’un « Château Petrus ».

1 Voir par exemple http://www.who.int/vaccine_safety/topics/aluminium/fr/index.html (indisponible—31 mars 2020).