Fabricants d’intox
Publié en ligne le 8 mars 2017La guerre mondialisée des propagandes
Lemieux Éditeur, 2016, 168 pages, 11 €

Les batailles perdues de la vérité
Il ne se passe plus une semaine sans que des vérités scientifiques élémentaires soient piétinées par des militants hostiles à une technologie quelconque (wifi, linky, OGM, pesticides, nanotechnologies, etc.). Le petit livre de Christian Harbulot, directeur de l’École de guerre économique de Paris, traite de politique internationale, d’économie et de guerre ; marginalement de science. Il aide néanmoins à comprendre pourquoi les attaques contre la science sont souvent couronnées de succès, en allant au-delà des clichés sur la paresse des journalistes ou la crédulité du grand public.
Une méthode est à l’œuvre. Mêlant le mensonge pur et simple et la désinformation subtile, elle s’appuie beaucoup sur l’émotion et mobilise, paradoxalement, des sentiments plutôt positifs : compassion pour les victimes, refus de l’oppression, goût pour la transparence. Elle a été conceptualisée pendant la guerre froide, par les Russes comme par les Américains, puis adaptée à l’internet et aux réseaux sociaux. En lui-même, l’arsenal est neutre. Les armes de la guerre de l’information peuvent défendre la vérité comme le mensonge. À ce jeu, toutefois, celui qui arrive à passer pour le « faible » part avec un avantage sur le « fort ». Le guérillero attire plus spontanément la sympathie que le soldat de l’armée régulière. Il en va de même pour le « lanceur d’alerte » face au chercheur, surtout si le laboratoire de ce dernier a un contrat avec un puissant groupe privé.
Au fil des pages, apparaissent des noms familiers aux lecteurs de SPS : Marie-Monique Robin (p. 24), Greenpeace (p. 119), Jean-Paul Krivine (pour sa critique du rapport Bioinitiative, p. 149) ainsi que Pièces et Main d’Œuvre (p. 145). Christian Harbulot rattache ce dernier mouvement, anti-nanotechnologies, à une filière locale grenobloise de lanceurs d’alerte, qui a conquis sa légitimité en dénonçant les abus bien réels de la classe politique sous l’ère Carignon. « La question qui se pose aujourd’hui », et à laquelle ce petit livre ne prétend d’ailleurs pas répondre, « est la manière de faire le tri entre les protestations fondées et infondées émanant de la société civile. N’importe qui peut prendre la parole sur n’importe quoi. Et c’est celui qui a la meilleure méthode d’attaque qui réussit souvent à faire passer un message » (p. 151). Le propos est appuyé par de nombreux exemples. Une lecture stimulante 1.
1 Attention, nombreuses coquilles : l’éditeur Lemieux semble économiser sur les frais de correction.
Publié dans le n° 318 de la revue
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