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Le chant de la Sibylle, éditorial SPS n°287

Publié en ligne le 9 juillet 2009 - Astrologie -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°287 (juillet 2009)

Au fil des siècles, l’art divinatoire s’est adapté aux modernités qui se sont succédé et, du moins sous nos cieux occidentaux, il s’est petit à petit débarrassé de ses artifices grandiloquents et de ses outils encombrants. Il n’y a plus désormais d’aruspices triturant des viscères palpitants, plus d’augures surveillant le vol des oiseaux, plus de sibylles révélant la destinée des hommes. Il n’y a plus de prêtresses, plus de pythies, plus de devins, donc plus de prophéties, de vaticinations ni d’oracles. Mais contrairement à ce qu’on pourrait imaginer du haut de notre vingt et unième siècle, l’art divinatoire n’a pas disparu. En témoigne un de ses avatars : l’astrologie.

Si on peut comprendre l’attrait qu’éprouvaient les Anciens (ou certains d’entre eux) pour cette « science », il est difficile, aujourd’hui, de l’aborder avec le sérieux qu’elle revendique.

Et pourtant…

Cette pratique désuète, dénuée de tout fondement rationnel, et dont les Lumières annonçaient l’extinction, est devenue un phénomène de société dont l’impact culturel ne peut être nié : elle répond à un certain nombre de besoins et de désirs, elle est productrice de « sens », elle rassure. Le succès de l’astrologie ne tient nullement à une quelconque « vérité » mais bien au crédit que l’on accepte de lui accorder.

Malgré les multiples démystifications dont elle a fait l’objet, l’astrologie continue donc d’exercer son influence à tous les niveaux de la société, y compris auprès de certains décisionnaires politiques qui, en l’invoquant, contribuent à accroître son pouvoir. Elle a ses entrées dans des lieux marqueurs d’autorité – comme la Sorbonne – ses publications bénéficient d’un marketing percutant, les médias lui ouvrent leurs colonnes, l’invitent sur leurs plateaux et font écho à ses prétentions de scientificité.

Quand l’astrologie se cantonne à une vocation lénifiante et quasi religieuse dont les implications restent individuelles et privées, on serait tenté de penser que chacun est libre de préférer l’illusion à la réalité et de chercher du réconfort là où il veut. Cependant, même si dans ce cas l’astrologie semble inoffensive, il est impératif de la dénoncer car, comme toute croyance, elle sape l’esprit critique et compromet la pensée rationnelle.

De plus, lorsque l’astrologie s’arroge un statut scientifique et intervient dans les affaires publiques, elle outrepasse dangereusement son rôle en conseillant hommes d’État ou chefs d’entreprises, ou par l’influence indirecte que ses représentants et leurs discours, largement médiatisés, peuvent avoir sur les prises de positions politiques et sociales.

Qu’elle soit ou non ce qu’Edgar Morin a appelé une « croyance clignotante », incertaine, fluctuant selon les humeurs, ballottée entre curiosité amusée et vague adhésion et dont personne ne serait vraiment dupe, il n’en reste pas moins que l’astrologie est une aberration qu’il convient de remettre à sa place de vestige fondé sur un système de croyances archaïques.

Science et pseudo-sciences