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Thèse d’Élizabeth Teissier : réactions dans les médias (3)

Publié en ligne le 26 avril 2001 - Astrologie -

Découverte N° 291 Octobre 2001

À propos de la « thèse » de Madame Élizabeth Teissier

Nous nous devons d’expliquer les raisons qui ont motivé nos prises de positions et nos réactions à l’occasion de l’attribution par l’Université René Descartes (Paris V - Sorbonne) du titre de docteur en sociologie avec la mention très honorable à Madame G. Élizabeth Hanselmann-Teissier, dite Élizabeth Teissier, à l’issue de la soutenance le 7 avril 2001 de son mémoire de thèse intitulé « Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination / rejet dans les sociétés postmodernes ». La rédaction de ce mémoire de 900 pages a été supervisée par M. Michel Maffesoli, professeur de sociologie à l’Université René Descartes et responsable du Centre d’Étude sur l’Actuel et le Quotidien (CEAQ) à cette Université. Le jury était présidé par M. Serge Moscovici, directeur à l’École des Hautes Études des Sciences Sociales et constitué par M. Michel Maffesoli bien sûr ainsi que par M. Gilbert Durant, professeur émérite à l’Université de Grenoble, Mme Françoise Bonnardel, professeur de philosophie à l’Université de Paris I, M. Patrick Watier, professeur à l’Université de Strasbourg et M. Patrick Tacussel, professeur à l’Université de Montpellier.

Compte tenu des affirmations relayées dans tous les médias par Mme Teissier, célèbre et ardente défenseur de l’astrologie, l’un de nous, Jean Audouze, avait alerté le Président de l’Université René Descartes Paris V, M. Pierre Daumard, et lui avait demandé de surseoir à la soutenance de la dite thèse. Cette démarche n’a pas abouti et cette soutenance, dont toute la presse en fit l’écho, eût lieu à la date prévue. Les jours suivants, nous eûmes, comme c’est la règle, enfin accès au mémoire de thèse proprement dit. Sa lecture justifia hélas nos appréhensions. Mme Teissier avait effectivement remis un texte dont la valeur, à la fois sur le plan sociologique et universitaire, soulève les plus extrêmes réserves et en tous cas ne remplit en aucune manière les critères universitaires ordinaires. Un groupe de sociologues et d’astrophysiciens constitué par M. Bernard Lahire, sociologue, professeur à l’École Normale Supérieure (Lettres et Sciences Humaines) de Lyon, M. Philippe Cibois, sociologue, professeur à l’Université de Versailles St-Quentin, M. Dominique Desjeux, anthropologue, professeur à l’Université Paris V, M. Henri Broch, Physicien, professeur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, M. Jean-Paul Krivine, secrétaire général de l’Association Française pour l’Information scientifique, M. Jean-Claude Pecker, astrophysicien, professeur honoraire au Collège de France, membre de l’Institut et nous-mêmes, auquel s’est joint Jacques Bouveresse, professeur de philosophie au Collège de France, vient de publier une analyse détaillée de la « thèse ». Cette analyse est disponible sur demande. Nous nous bornerons ici à clarifier notre point de vue dans cette affaire qui peut porter préjudice à la fois à l’institution universitaire dans son ensemble et qui aurait jeté le discrédit sur la sociologie si de nombreux spécialistes de ce domaine n’avaient pas réagi comme nous.

1 - Il ne s’agit pas pour nous de s’attaquer aux personnes, ni à Mme Teissier, ni aux membres du jury qui ont accepté cette thèse au mépris des exigences universitaires élémentaires en matière d’objectivité et d’honnêteté intellectuelle. Nos collègues et nous-mêmes cherchons tout simplement à rappeler les principes qui régissent l’obtention du titre de docteur à partir d’une véritable thèse.

2 - Malgré le caractère éminemment non scientifique de l’astrologie, il n’est pas illégitime d’analyser son impact sur le public en termes sociologiques. De plus, ce sujet, s’il est traité correctement et de façon impartiale et objective, est susceptible d’être abordé par quiconque, y compris par Mme Teissier, si elle avait consenti à respecter les règles inhérentes à ce type de travail universitaire.

3 - L’analyse pluridisciplinaire de ce volumineux mémoire démontre qu’aucun critère pertinent (rigueur dans l’analyse, objectivité, indication des sources, style de la rédaction...) n’a véritablement été rempli. Elle confirme notre conclusion selon laquelle ni le directeur de thèse ni le jury n’ont rempli leur rôle en l’espèce qui était de demander à l’auteur de revoir sa rédaction et de ne l’accepter que lorsque les conditions qui viennent d’être rappelées étaient effectivement remplies.

4 - À ceux qui affirment : « la belle affaire ! ce ne sera ni la première ni la dernière mauvaise thèse soutenue à l’université », nous faisons remarquer que ce sont la célébrité de Mme Teissier, les avantages qu’elle espère retirer de cette thèse en termes médiatiques et pécuniaires, et surtout sa volonté de faire reconnaître à nouveau l’astrologie (qui a disparu de l’enseignement de la Sorbonne à la suite d’une décision de Colbert au 17ème siècle) comme une véritable discipline méritant de faire partie des programmes universitaires, qui nous ont poussé à réagir de la sorte en publiant le rapport déjà cité ainsi que cet article.

Malgré nos mises en garde qui ont été exprimées avant la soutenance proprement dite auprès du directeur de thèse M. M. Maffesolli, ainsi qu’auprès du président de l’Université René Descartes, M. P. Daumard, le grade universitaire suprême, celui de docteur, a été décerné par un jury, au mépris de la déontologie qui s’applique en pareil cas et ce, malgré les torts que cela aurait pu causer à la sociologie qui a été utilisée dans cette tentative de conférer à l’astrologie elle-même une reconnaissance qu’elle ne mérite pas.

Devant ce dysfonctionnement patent des procédures universitaires, il nous a semblé qu’il était de notre devoir de défendre l’institution à laquelle nous appartenons, de rappeler que la qualité de professeur d’Université ne donne pas licence d’attribuer des diplômes à tort et à travers et de faire en sorte que la sociologie puisse continuer à être considérée comme une véritable discipline scientifique malgré cet épisode regrettable. L’astrologie est peut-être un passe-temps ou un objet d’étude sociologique. Le seul mérite peut-être du texte de Mme Teissier aura été de démontrer une fois de plus qu’elle ne mérite pas le statut de discipline intellectuelle susceptible d’être enseignée dans un cursus universitaire.

Jean AUDOUZE
Directeur du Palais de la découverte

Denis SAVOIE
Chef du département astronomie - astrophysique du Palais de la découverte


Le nouvel observateur N° 1925 du 27 au 3 octobre 2001

Les prophètes à neuneu

Par François Reynaert

Ô l’étrangeté des rencontres, le hasard et les coïncidences, eussé-je jamais cru qu’en ces temps troublés le secours viendrait de là ? Oui, cette fois encore, amis humains, je vous l’avoue, le chapeau pointu de guingois, le serpentin ramolli et le fond de teint blanc se craquelant sous les ridules de l’effroi, je me sentais face à la cruauté de ce monde aussi frais et gaillard qu’un vieux clown tuberculeux, neurasthénique et sous le coup d’un plan social riant comme une guillotine. Au loin, là-bas, à l’ouest, les bruits de bottes de la colère américaine ; au loin, là-bas, à l’est, les cris des pauvres peuples entalibanés, et moi ici, au milieu, pauvre mariolle de second rayon, il faut encore que je tente de vous faire sourire avec ce pistolet à eau et la langue de belle-mère qui sont mes outils de travail ?

Oui, disais-je, pauvre hamster à nez rouge tournant comme un fou dans la petite roue de son angoisse, je cherchais quelque sujet qui pût enfin vous distraire......... venons-en enfin à cette divine surprise qui me transporta la semaine passée.... Elle survint sous la forme d’un pauvre livre traînassant dans mon bureau depuis des lustres et intitulé « le Passage de tous les dangers » (Laffont). Je l’ouvris, page 243 et suivantes, au chapitre « Prévisions 2001 pour les États-Unis », et savez-vous ce que j’y lus ? : « À partir de l’automne, très précisément en septembre, phase d’expansion et de prospérité. » Hé oui, amis facétieux, vous l’avez compris, il s’agit du dernier livre de prédictions d’Élizabeth Teissier et tout y est à l’avenant. Même en pire, d’ailleurs, la malheureuse prévoyait également pour 2001 aux États-Unis que « l’aéronautique serait très favorisée », mais je me rends bien compte que, dans les circonstances, noter ce point est d’un goût douteux. Hé oui, voilà donc ce que j’ai découvert cette semaine. Mme Teissier, la plus fameuse de nos prophètes à neuneu, prévoyait de la « prospérité » pour les États-Unis en 2001, et même, pour la période d’août à novembre, des relations diplomatiques « excellentes » avec les autres pays ; elle devait avoir raté l’Afghanistan dans son coin de boule de cristal. Oh, entendons-nous, je me rends bien compte de la portée modérée de cette découverte. Elle ne rendra la vie à personne et après tout, en terme de prévision, on pourra toujours dire que la Paco Rabanne de la thèse de sociologie n’aura pas fait tellement plus grotesque que la CIA, ce qui n’a rien de réjouissant. Mais je me disais simplement, après ces semaines éprouvantes, que cette petite nouvelle absurde serait peut-être de nature à donner, l’espace d’un instant, un rien de sourire à tous les amis du progrès et de la raison. On en conviendra, les amis du progrès et de la raison, par ces temps, ont assez peu l’occasion de sourire pour qu’on les privât d’aucune. F. R.

freynaert@nouvelobs.com


AFP PARIS, 28/08/2001

L’astrologue Élizabeth Teissier estime mardi, dans un communiqué adressé à l’AFP, qu’« en se substituant à un jury régulier », les scientifiques de l’Association française de l’information scientifique (AFIS) « bafouent l’une des institutions les plus prestigieuses, la Sorbonne ».

Plusieurs scientifiques de l’AFIS ont publié début août une critique virulente de la thèse de doctorat en sociologie soutenue par l’astrologue le 7 avril et pour laquelle elle a obtenu la mention « très honorable ».

Mme Teissier juge notamment que « ces personnes ne sont nullement qualifiées pour apporter un jugement sur un travail qui fut jugé excellent par un jury de six professeurs ».

Elle précise également que les scientifiques de l’AFIS se sont basés sur un exemplaire de sa thèse « auquel manque une liste de 7 pages contenant différents errata ». « Il est totalement ridicule de me reprocher certaines erreurs qui sont déjà indiquées par moi-même dans ce supplément de ma thèse », ajoute-t-elle.

Des personnalités scientifiques avaient dénoncé dans des termes peu amènes le contenu de la thèse portant sur la « situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes », estimant qu’elle n’était « à aucun moment ni en aucune manière, une thèse de sociologie ».


Le Canard Enchaîné du 22/08/2001

Élizabeth Teissier a réussi à gâcher les vacances d’une dizaine d’universitaires qui ont épluché sa thèse de sociologie, soutenue en avril dernier à Paris V. ce long texte de 900 pages analyse cette « non thèse », véritable « plaidoyer pro-astrologique ». Offensée, la pimpante Madame Irma de Télé 7 Jours affirme prêcher dans le sens de l’Histoire : « L’astrologie va être enseignée partout ».

Partout ? Encore une prédiction stupide... VSD 16-22 août


Polémique. Sociologues et astrophysiciens analysent le travail de l’astrologue.

L’antithèse d’Élizabeth Teissier fait pschitt.
Le 7 avril dernier, Élizabeth Teissier obtenait un doctorat de sociologie en soutenant une thèse ayant pour titre (... je passe, vous connaissez). À ses nombreux détracteurs, l’astrologue répondit que ce n’était pas bien de juger sans lire. Plusieurs personnalités scientifiques l’ont donc prise au mot. Verdict : « C’est un plaidoyer pour l’astrologie qui ne s’appuie sur aucune preuve scientifique », conclut leur rapport *. Ainsi, l’auteur avance qu’il existe une corrélation entre cancer, sida et astrologie. « Où sont ces expériences qui prouveraient que l’astrologie permet de prédire une guérison ? », s’interrogent-ils. Mystère. Par ailleurs, la thèsarde occulte nombre de faits astronomiques remttant en cause l’astrologie. « Il y a dans le ciel des milliards de soleils et de planètes comparables aux nôtres, souligne l’astrophysicien Jean-Claude Pecker. toutes ces planètes, à toutes ces distances, ont-elles une influence sur nous ? Élizabeth Teissier y répond-elle elle-même ? Non. » Bref, un travail placé sous le signe du... néant.

Sandrine Mouchet.

* À consulter sur le site Internet de l’Association française pour l’information scientifique.


Charlie Hebdo, 22/08/01, numéro 479

Teissier expertisée

Antonio l’avait dit : ce n’est pas une thèse !

Gérard Biard a rendu compte de la soutenance de thèse d’Élizabeth Teissier (Charlie Hebdo n 460) et Antonio Fischetti a eu le courage de se taper pour nous les neuf cents pages sans s’arracher les cheveux (n° 466). Nous aurions pu en rester là. Seulement voilà, ce qu’en dit Charlie Hebdo a peu de chances d’émouvoir les responsables de l’université René-Descartes (1). Un comité de spécialistes a épluché. celle thèse dite « de sociologie » Deux sociologues, deux astrophysiciens, un anthropologue, un physicien, un historien des sciences et un philosophe ont eu la patience ce faire ce travail d’hygiène publique. La palette des compétences est adaptée au sujet (l’astrologie). Le niveau global objectif de compétences, comme les réputations, est nettement supérieur à ceux de la sulfureuse brochette qui constituait le jury Donc de quoi émouvoir l’université. Leur rapport est accessible auprès de l’Association française pour l’information scientifique (2). En voici quelques éléments.

Ce n’est pas une thèse de sociologie. Au lieu d’analyser l’astrologie comme fait social à l’aide des concepts et méthodes de la sociologie, c’est l’astrologie - objet d’étude - qui investit totalement une pseudosociologie. Imaginez une seule seconde un historien qui voudrait dans une thèse analyser les racines de l’idéologie nazie et qui y développerait une paranoïa du complot juif international ! Eh bien, la thèse de Teissier est un plaidoyer proastrologie fondé sur l’intime conviction et le témoignage personnel, le consensus populaire, le tout promu au rang de science grâce à une position relativiste radicale selon laquelle toutes les affirmations sont également valides puisqu’il faut les considérer chacune dans le référentiel de chacun On y trouve des prophéties, des anecdotes personnelles où Élizabeth Teissier se permet même de polémiquer en répondant aux détracteurs de l’astrologie comme s’ils étaient là. On y crache sur la science, mais on prétend que l’astrologie est « la reine ces sciences ». Les experts montrent que la candidate ne maîtrise pas les statistiques, ce qui est ennuyeux en sociologie. Mieux, elle revendique une méthode dite « empirique » où « il suffit d’ouvrir les yeux et les oreilles », et repousse les statistiques, jugées trop « carrées et linéaires », mais s’en sert dès qu’un sondage vient confirmer les faveurs du public pour l’astrologie. Au passage, les experts remarquent que la thèse de Teissier ne contient strictement aucune donnée empirique. Les experts constatent que les bases de l’astronomie ne sont pas comprises, ce qui est ennuyeux en astrologie. La moindre des choses est de ne passe tromper sur la position des astres en fonction du temps ! Ainsi, Teissier ne serait même pas une bonne astrologue, si l’astrologie avait un sens. Les experts relèvent de nombreuses citations où Teissier fait dire à un auteur ce qu’il n’a pas dit, ou même parfois le contraire de ce qu’il a dit. Ce qui laisse penser qu’elle ne les a pas lus ou pas compris. Les citations évacuent les expériences ou falsifient les témoignages qui invalident l’astrologie. Enfin, elle insiste sur l’absence d’enseignement de l’astrologie à l’Université, ce qui confirme ses objectifs et montre les enjeux de cette thèse. Au sujet de la forme, les experts parlent d’« écriture boursouflée et creuse ».

Du point de vue administratif ; une thèse ne s’élabore pas spontanément. L’université René-Descartes porte une lourde responsabilité dans la délivrance d’une thèse de sociologie sur la base d’un document a-sociologique, antirationaliste et pro-astrologique. On voit là l’effet d’un relativisme ambiant (3) qui finira par tuer toute possibilité de penser et qui contamine les milieux de la sociologie, où certains professionnels affichent une attitude antirationaliste. Le tout agrémenté d’un mystérieux laisser-aller universitaire dont Jean-Pierre Kahane (1) demande s’il s’agit d’un manque de vigilance ou d’une connivence. -

GUILLAUME LECOINTRE

(1) J.-P. Kahane, « Grave laxisme universitaire », Pour la science août 2001, p. 7.

(2) Abonnez-vous en écrivant à AFIS, 14, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 PARIS

(3) J. Bricmont et D. Johnstone, « L’astrologie, la gauche et la science », Le Monde Diplomatique, août 2001, p. 22.

Source : Charlie Hebdo, 22/08/01, numéro 479


POUR LA SCIENCE N° 286 AOÛT 2001 p. 7

Grave laxisme universitaire

JEAN-PIERRE KAHANE

La trahison de l’esprit des textes universitaires a amené un scandale.

Pour la Science a déjà évoqué la soutenance de thèse d’Elisabeth Teissier sur l’astrologie, et l’atmosphère de scandale qui l’avait entourée. Je m’en tiendrai à un aspect de ce scandale, la responsabilité des universités en matière de sanction des travaux scientifiques.

Dans la tradition française, le doctorat était le grade le plus élevé décerné par la Faculté. La réglementation des thèses est précise. En lettres, cette réglementation a été fixée par un règlement du 17 juillet 1840 qui prévoit l’examen préalable, le visa et la soutenance publique.

En sciences, une circulaire du 8 mai 1880 explicite les modalités de constitution du jury et la responsabilité de ses membres avant l’autorisation de soutenance : « Ils donnent, chacun par écrit, leur approbation ou leur désapprobation et en sont responsables ; ils signent en commun un rapport d’ensemble, où ils indiquent la valeur de la thèse et font ressortir les faits nouveaux qui la rendent originale. »

L’introduction de l’Habilitation à diriger des recherches, en septembre 1988, et la réduction du temps considéré comme nécessaire à l’acquisition d’une thèse de doctorat, n’ont pas modifié l’exigence de grande qualité qu’exprimait déjà la circulaire de 1880. En face du nombre croissant des thèses et du risque de laisser passer des thèses médiocres, des départements ou des universités ont pris l’initiative de créer des « Commissions des thèses » et de rendre plus transparent et plus rigoureux le fonctionnement des instances universitaires et des jurys.

Il y a toujours risque de dérapage complaisance, malveillance, incompétence ou désintérêt. Il est remarquable que les abus soient rares. Une déontologie non formalisée fait de la délivrance du grade de docteur un événement grave, qui engage l’Université dans son ensemble, le jury et chacun de ses membres. Le rôle de la soutenance publique est de placer non seulement le candidat, mais le jury, et par son intermédiaire l’Université elle-même, sous le contrôle du public. C’est à la fois un élément de rigueur et de démocratie qui devrait être maintenu à tout prix (notons que le décret de juillet 1984 permettant qu’une partie d’une thèse soit couverte par le secret et que la soutenance ne porte que sur l’autre partie constitue une entorse sérieuse à la tradition universitaire). Comme il est rare qu’il y ait scandale, il convient de saisir en quoi il consiste et quelles sont les leçons à tirer.

Dans le cas présent, le scandale n’est pas dans l’étude de l’astrologie comme fait de société. Il tient, d’une part, aux intentions affichées par l’auteur et, d’autre part, à la désinvolture de l’Université et du jury. Précisons.

Une thèse de sociologie sur l’astrologie, la fascination qu’elle exerce, le rejet qu’elle suscite, serait bienvenue. Mais ce n’était pas le propos d’Elisabeth Teissier. L’intention était de donner un statut scientifique à l’astrologie et d’aboutir à la création d’enseignements universitaires d’astrologie. Ce but est affirmé dans d’autres écrits, mais la revendication du statut scientifique a été explicite au cours de la soutenance, et se trouvait en filigrane dans le titre de la thèse : « Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination/rejet dans les sciences postmodernes ». Au seul vu du titre de la thèse, la vigilance s’imposait.

En sciences sociales, plus encore qu’ailleurs, n’est-il pas indispensable de mesurer l’impact social des travaux présentés, et ne convient-il pas de mettre en œuvre l’interdisciplinarité lorsque des sciences physiques et leur interprétation sont en jeu ? Il y eut manquement sous ces deux aspects. Malgré des interventions nombreuses et répétées, l’Université René Descartes ne s’est pas démarquée des prétentions d’une candidate portée par les médias. La consultation d’astronomes et d’astrophysiciens s’imposait : l’Université les ignora. Il y a donc eu vice de fonctionnement de la machine universitaire.

L’Université René Descartes, comme toute université, est astreinte à des règles qui sont aussi des garde-fous. D’abord, l’inscription au doctorat n’est pas automatique : elle passe par l’avis du directeur de thèse et une proposition de l’école doctorale concernée ou du conseil scientifique, et elle est prononcée par le président de l’université. Ensuite, la publicité du travail de thèse doit être assurée, avant la soutenance, par la large diffusion d’un résumé. Enfin, depuis 1998, les universités ont adopté une charte de thèses, qui engage à la fois l’université et le candidat, et que doivent signer le doctorant et le directeur de thèse au moment de l’inscription. Selon la charte type (que les universités ont eu la faculté de moduler), « la préparation d’une thèse doit s’inscrire dans le cadre d’un projet personnel et professionnel clairement défini dans ses buts comme dans ses exigences... ; le candidat doit recevoir une information sur les débouchés académiques et extra-académiques dans son domaine... ».

Ainsi Élisabeth Teissier devait faire état de son projet : introduire à la Sorbonne un enseignement d’astrologie. Et l’Université devait lui dire quelles portes lui seraient ouvertes ou fermées, en particulier si elle envisageait que soit créée en France une chaire d’astrologie subventionnée par mécénat, comme c’est le cas, malheureusement, aux Etats-Unis. Si ces règles n’ont pas été respectées, ou interprétées de façon laxiste, il y a plus que vice de forme, mais vice de fond. L’hypothèse du manque de vigilance paraît comme la plus indulgente. L’autre hypothèse serait la connivence.

L’Université René Descartes porte la responsabilité du scandale, mais toutes les universités sont concernées. Leur rôle dans la nation est enjeu. Le scandale aura été bénéfique s’il est l’occasion de prévenir de semblables errements.

Jean-Pierre KAHANE, est président de l’Union rationaliste, et ancien président de l’Université Paris-Sud.

Source : POUR LA SCIENCE N° 286 AOÛT 2001 p. 7 LE MONDE 18/08/01


La thèse d’Élizabeth Teissier passée au crible des critiques rationalistes

L’attribution d’un doctorat de sociologie à la célèbre astrologue a suscité l’émoi de certains scientifiques et sociologues. Un petit groupe d’entre eux, décidés à juger sur pièces, livrent une analyse critique du texte, particulièrement sévère pour son auteur et ses examinateurs. Se réfugiant derrière la souveraineté du jury de thèse, Élizabeth Teissier proteste énergiquement et dénie toute légitimité à ses contradicteurs.

Ils avaient prévenu qu’il leur faudrait du temps pour « décortiquer » une telle somme. Et c’est au coeur de l’été, longtemps après que la polémique qui a divisé diverses écoles sociologiques est retombée, que les rationalistes livrent le fruit de leur travail : une analyse détaillée de plus de 900 pages de la thèse de sociologie d’Élizabeth Teissier consacrée à la « situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes », soutenue en Sorbonne le 7 avril.

Constitué de sociologues (Bernard Lahire, Philippe Cibois), d’un anthropologue (Dominique Desjeux), d’astrophysiciens et physicien (Jean Audouze, Jean-Claude Pecker, Henri Broch), d’un historien des sciences (Denis Savoie), du responsable d’une revue rationaliste (Jean-Paul Krivine) et d’un philosophe (Jacques Bouveresse), ce « groupe de lecture » informel, constitué spontanément au lendemain de la soutenance, n’a eu de cesse de cerner la pensée de l’astrologue de Télé 7 jours, dans sa version académique. La copie est sèchement notée, le bonnet d’âne pointe : les deux épais volumes rédigés par Mme Teissier, comme certains l’avaient dénoncé avant même la soutenance, ne constituent, « à aucun moment et en aucune manière une thèse de sociologie. »

Pour le sociologue Bernard Lahire (École normale supérieure), le texte « manifeste un point de vue d’astrologue qui défend sa « science des astres » du début à la fin, sans repos ». Alors que le propos de la sociologie n’est pas de porter un regard normatif sur le monde ni de dire le bien et le mal sur des pratiques sociales, il constate qu’Élizabeth Teissier multiplie les jugements - positifs sur l’astrologie, « reine des sciences », négatifs sur la « science officielle », qui lui est hostile. On ne trouvera pas non plus de « trace de problématique sociologique un tant soit peu élaborée, de données empiriques (scientifiquement construites) ou de méthode de recherche digne de ce nom ». Propos « clairement a-sociologiques et antirationalistes exprimés dans un style d’écriture pompeux et creux », « données anecdotiques et narcissiques », « commentaires le plus souvent polémiques », « citations d’auteurs rarement en rapport avec les propos qui les précèdent et avec ceux qui les suivent », le diagnostic, exemples à l’appui, est sévère.

Si Élizabeth Teissier invoque l’« esprit de rigueur qui l’habite depuis toujours », écrit-elle, « visiblement, l’esprit ne parvient pas à guider les gestes », déplorent ses critiques. Mais les sociologues ne la tiennent pas pour responsable de ces dérapages, et pointent plutôt du doigt son directeur de thèse, le sociologue Michel Maffesoli (Paris-V) : « Elle n’aurait pas même eu l’idée de frapper à la porte de notre discipline pour trouver un lieu de légitimation de ses propres intérêts d’astrologue si celle-ci n’était pas le refuge d’enseignants-chercheurs dépourvus de rigueur et parfois très explicitement antirationalistes. »

C’est là que les scientifiques « durs », dont l’astrophysicien Jean-Claude Pecker, professeur honoraire au Collège de France, habitué de longue date à ferrailler avec les astrologues, prennent le relais. Il s’agit notamment de récuser les « preuves irréfutables » en faveur de l’influence des astres présentées par Élizabeth Teissier en annexe de sa thèse. Ces rationalistes, que l’astrologue qualifie dans son texte d’« attardés », dénoncent les affirmations sans preuves, l’usage partial des statistiques et la méconnaissance des concepts scientifiques qu’elle brandit volontiers pour défendre sa spécialité, quelle qualifie, par exemple, de « mathématique du tout. »

POINTER L’INCOHÉRENCE

Chargé de conclure, le philosophe Jacques Bouveresse, spécialiste de l’épistémologie, pointe l’incohérence fondamentale au cœur de la thèse de l’astrologue : « Elle revendique pour l’astrologie la dignité très convoitée de science et même de science par excellence (...) mais en même temps ruine définitivement toute possibilité de tracer une ligne de démarcation quelconque entre la science et la non-science. Jacques Bouveresse, pourfendeur avec Sokal et Bricmont de l’usage fantaisiste de concepts scientifiques par certains penseurs français, voit dans cette thèse un nouveau symptôme du « niveau d’exigence extraordinairement bas auquel on est aujourd’hui descendu dans les questions de cette sorte ». Élizabeth Teissier donne en tout cas le mode d’emploi aux chiromanciens, numérologues et autres voyants avides de reconnaissance universitaire, conclut-il : il ne leur reste qu’à rédiger une thèse de sociologie sur leur discipline, accommodée à la sauce postmoderne.

Avant même d’avoir lu cette analyse, Élizabeth Teissier se dit « complètement révoltée » qu’un « petit groupuscule » ose remettre en cause le bien-fondé de l’attribution de son doctorat. Elle y voit une intolérable atteinte à la liberté d’expression, mais n’exclut pas d’attaquer en justice l’Association française pour l’information scientifique (AFIS) sur le site de laquelle est publiée et critiquée sa thèse. « On me tire dessus, mais il s’agit d’une mise en cause à double ressort, assure-t-elle : vider une querelle entre sociologues, qui vise mon directeur de thèse, Michel Maffesoli, et aussi m’attaquer parce que je suis emblématique de l’astrologie. » Ces assauts n’empêcheront pas l’inéluctable, prévient-elle, « l’astrologie va être enseignée, partout ».

Les rationalistes se prêtent, eux aussi, au jeu des prévisions. Jacques Bouveresse ne serait pas surpris qu’un éditeur commercial soit « tenté par la perspective d’un bon coup à jouer et prêt à exploiter le succès de scandale qui accompagnait déjà la soutenance ». Élizabeth Teissier travaille effectivement à la réécriture de sa thèse, allégée cependant de ses parties « trop techniques, trop sociologiques, dont le public n’a rien à faire ». Le résultat sera publié « très rapidement. »

Hervé Morin

Source :LE MONDE 18/08/01
http://www.lemonde.fr/imprimer_article/0,6063,215232,00.html


Lettres de protestation et pétition

L’analyse critique de la thèse d’Élizabeth Teissier n’aura pas d’influence sur l’attribution à l’astrologue de son doctorat de sociologie. L’un de ses signataires, Jean Audouze, directeur du Palais de la découverte, avait pris l’initiative d’alerter le président de l’université Paris-V, avant même la soutenance, dans l’espoir que celle-ci soit suspendue, et que le texte soit préalablement examiné par un scientifique « dur », astronome ou astrophysicien. Cette initiative n’a pas abouti, pas plus que les lettres de protestation adressées par quatre Prix Nobel au ministre de l’éducation nationale, Jack Lang. De leur côté, certains membres de l’Association des sociologues enseignants du supérieur ont lancé une pétition, qui a rassemblé 370 signatures, pour demander à l’université de surseoir à l’enregistrement de la thèse. Sans succès. La présidence de Paris-V, indiquant que le cursus et la soutenance ont été parfaitement réguliers, a implicitement renvoyé les sociologues à leurs querelles d’école. Le Canard Enchaîné 14/08/2001

La thèse en Sorbonne de l’astrologue Élizabeth Teissier, sur la « Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination/rejet dans les sociétés post-modernes », soutenue le 7 avril dernier, avait obtenu la mention « Très honorable » de la part d’un jury de sociologues présidé par Michel Maffesoli. Et autant de hurlements dans la profession, qui parlait de foutaises (voir Le Canard de l’époque). Un autre sociologue, professeur de l’École Normale supérieure, Bernard Lahire, vient de dire qu’il ne s’agit pas d’une thèse « mauvaise » ou « moyenne » mais d’une « totale absence de point de vue sociologique »... « Pourtant, Élizabeth Teissier ne peut être tenue pour responsable de ce qui s’est passé à la Sorbonne, [ce] refuge d’enseignants chercheurs dépourvus de rigueur et parfois explicitement anti-rationaliste. »

Comme en Corse, les rationalistes Canal épistémologique vont-ils sortir les fusils contre les sorbonnards antirationalistes Canal astrologique ?


AFP, 09/08/2001

Université-astrologie

La « non-thèse » d’Élizabeth Teissier dénoncée par des scientifiques renommés

PARIS, 9 août (AFP) - Plusieurs personnalités scientifiques ont rendu publique cette semaine une analyse sans pitié de la thèse de sociologie soutenue en avril par l’astrologue Élizabeth Teissier à l’université de Paris V, estimant qu’elle n’est « à aucun moment ni en aucune manière, une thèse de sociologie ».

Après une lecture rigoureuse de la thèse de 900 pages « dans son entier », Bernard Lahire, sociologue, professeur à l’École normale supérieure (ENS) Lettres et Sciences Humaines, arrive à un jugement « assez simple » : il ne s’agit pas d’une « mauvaise thèse de sociologie » ou d’une thèse « moyenne » mais d’une « totale absence de point de vue sociologique ».

Ce travail, intitulé « Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination/rejet dans les sociétés post-modernes », et pour lequel la célèbre astrologue avait obtenu la mention « très honorable avec les félicitations du jury », ne fait que « développer un point de vue d’astrologue », défendre la science des astres » et manque de « tout ce qui caractérise un travail scientifique de nature scientifique », conclut M.Lahire.

« Pourtant, poursuit-il, Élizabeth Teissier ne peut être tenue responsable de ce qui s’est passé à la Sorbonne » (...) « refuge d’enseignants chercheurs dépourvus de rigueur et parfois très explicitement anti-rationalistes ».

Sous le titre « Une non-thèse qui cache bien mal une vrai thèse : un plaidoyer pro-astrologique », les astrophysiciens Jean Audouze et Jean-Claude Pecker dénoncent dans le même document les « affirmations sans preuve », les « interprétations erronées » dont est truffée selon eux la thèse de Mme Teissier.

Le professeur Jean-Claude Pecker, qui préside l’Association Française pour l’Information Scientifique, avait demandé au président de l’université de Paris V de retarder la validation du doctorat en sociologie d’Élizabeth Teissier, après s’être opposée en vain à la soutenance de la candidate.

Au cours de sa soutenance, l’astrologue s’était défendue de toute « démarche apologétique », expliquant que son travail, « dénué de tout parti-pris », avait porté uniquement « sur le malentendu » que l’astrologie, « connaissance multimillénaire », véhicule « entre l’attraction multiformes et le rejet qu’elle suscite ».


Charlie Hebdo, 04/07/2001
(...) A propos d’astrologie, jeudi dernier, j’ai encore failli casser ma télé. Field avait invité Élizabeth Teissier. A force de compliments sur son « si beau regard » et « la rigueur de [son] travail », on devinait qu’il avait surtout envie de la sauter... Mais le pire, c’est lorsqu’il s’est mis à brocarder les « rationalistes purs et durs » qui critiquaient la thèse céleste « sans l’avoir lue »...
Si Field était journaliste, il saurait que des gens ont réellement lu la « thèse » de Teissier. Au moins Charlie et le physicien Henri Broch. Et que les preuves ne manquent pas pour démontrer que le verbiage de l’égérie mitterrandienne n’a rien d’une thèse.
Au lieu de ça, Field a pris soin de n’inviter que le pâlot sociologue Jean-Paul Kaufmann, qui n’a pas lu la thèse. Sous ses airs intellos, Field est plus nuisible que Jean-Pierre Foucault ou Christine Bravo. Eux, au moins, ne jouent pas aux philosophes. Tandis que Field donne l’illusion d’une réflexion, alors qu’il ne sert que la même vacuité neuronale.
Au passage soulignons la couardise des sociologues. Le lendemain de la thèse de Teissier, ils étaient trois cents à signer une pétition de protestation. Ils voulaient la publier dans Le Monde, mais c’était trop cher. Alors on leur a offert gratos les pages de Charlie. Eh bien, ils ont refusé ! On rouspète pour la forme, mais on fait dans sa culotte dès qu’il y a trop de vagues ! En somme, Teissier a gagné : n’importe qui peut être docteur en remplissant mille pages d’inepties. Ceci grâce au silence d’universitaires mollassons qui ont peur de se fâcher avec leurs collègues.

Antonio Fischetti.

Source : rubrique « La Science Amusante » Charlie Hebdo, 4/07/01
Le Canard Enchaîné 04/07/2001

L’œil de Mosco.

Historien des sciences, professeur de psychologie sociale, Serge Moscovici était membre du jury qui a entendu puis accepté la thèse en Sorbonne de la voyante Élizabeth Teissier. Il prend sa défense dans le dernier numéro du magazine Nouvelles Clés (1/7), en déclarant : « comme je l’ai déjà dit à la Sorbonne, étant d’origine roumaine, j’ai moi-même appris à lire dans le marc de café, ainsi que la divination dans les lignes de la main. Cet univers ne m’est pas étranger, insolité, mystérieux : dans les cultures traditionnelles, il est tellement banal ! ».
Son fils, Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes, va sûrement se dépêcher de faire appel à papa et lui offrir la paume de sa main ou du marc de café pour deviner l’avenir de son ami Jospin, dont dépend fortement le sien !

Source : Le Canard Enchaîné Bulletin de la Commission française de l’Unesco juin 2001


Astrologie et sociologie ? !

Jean Audouze - Vice-président de la Commission nationale française pour l’Unesco

Le 7 avril 2001, à l’université Paris-V René Descartes, la très célèbre astrologue Mme Germaine Hanselmann, dite Élizabeth Teissier, a soutenu une « thèse de sociologie » intitulée « Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes ». Présidé par le professeur Serge Moscovici, directeur d’études à l’EHESS, le jury était constitué de Mme Françoise Bonnardel, professeur de philosophie à Paris-I, MM. Patrick Watier, professeur de sociologie à Strasbourg, Patrick Tacussel, professeur de sociologie à Montpellier, et bien sûr du directeur de la thèse, M. Michel Maffesoli, professeur de sociologie à Paris-V et responsable du Centre d’étude sur l’actuel et le quotidien (CEAQV). Ce Jury décerna à E. Teissier le grade de docteur avec mention très honorable.

Nous avons été plusieurs, dont Jean-Claude Pecker, membre de l’Institut et ancien vice-président de la Commission nationale, à nous élever contre l’attribution de ce grade universitaire dans des conditions véritablement inacceptables, largement rapportées par les médias. Je suis dans l’obligation de réaffirmer ici que les membres du jury ont à tout le moins agi là avec légèreté, sans mesurer combien cet ensemble d’événements inadmissibles porte préjudice non seulement à l’image de l’université Paris-V mais aussi à celle de la sociologie et à la respectabilité scientifique et intellectuelle de cette discipline.

Qu’on ne se méprenne pas : il n’a jamais été question d’interdire à quiconque, fût-ce à E. Teissier, de préparer et de soutenir une vraie thèse de sociologie. Par ailleurs, je suis disposé à admettre que si El. Teissier avait consenti un véritable effort d’objectivité et souscrit aux règles de la rédaction d’une thèse (pas d’affirmation sans preuve, exactitude des citations accompagnées de l’indication précise de leurs sources, démonstration plutôt que répétition incantatoire) son travail, auquel M. Maffesoli aurait dû prêter davantage d’attention critique, aurait pu être acceptable.

Les raisons de notre réprobation portent sur le fond même de cette non-soutenance et du caractère non universitaire des 900 pages rédigées par E. Teissier. Leur lecture, même rapide, montre que loin de procéder à une analyse sociologique de l’astrologie et de ses croyances l’auteur n’a de cesse d’ériger ladite astrologie en véritable science. Consacrant de nombreuses pages à régler ses comptes avec l’astronomie et les astronomes, E. Teissier révèle une ignorance stupéfiante de la méthode et des progrès scientifiques. Ainsi, non contente de faire sienne la conception géocentrique de l’Univers - heureusement abandonnée depuis la Renaissance -, qualifie-t-elle le Soleil de planète (pour ne citer que quelques exemples). D’ailleurs, Bernard Lahire, professeur de sociologie à l’Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences humaines de Lyon a rédigé un rapport démontrant combien son texte est inacceptable du point de vue des sociologues.

De fait, l’intention d’E. Teissier était de faire en sorte que l’astrologie soit de nouveau enseignée à l’université. Et pour stigmatiser la décision de Colbert d’en interdire l’enseignement en Sorbonne dans les années 1660, elle invoque l’autorité tout à fait « qualifiée » du peintre Georges Matthieu... Au moment où, au sein de la Commission nationale, les sciences exactes se rapprochent des sciences sociales et humaines, témoignant que la science ne se limite pas à l’étude des phénomènes naturels mais a aussi légitimité pour décrire les phénomènes sociaux, un tel événement jette un grave discrédit sur la sociologie, les sociologues et l’université, en particulier l’université René Descartes.

C’est là ce contre quoi je me suis élevé en rendant publiques, bien avant cette soutenance, mes appréhensions (qui se sont hélas révélées exactes) et ma réprobation face à la façon dont les universitaires de ce jury n’ont pas assumé leurs responsabilités.


The New York Times - June 2, 2001

Star Wars : Is Astrology Sociology ?

By EMILY EAKIN

Eizabeth Teissier is well known in France as the weekly horoscope columnist for a popular television guide, the author of a half-dozen books on astrology, and the astrologer to the French president François Mitterrand.

But Ms. Teissier, 63, has recently found herself on the front page of French newspapers for something that hundreds of people do every year : defending her dissertation.

A Ph.D. candidate in sociology, Ms. Teissier spent almost 10 years completing a 900-page thesis on astrology and in April received a passing grade at the Sorbonne for her efforts.

On the personal Web site where she lists her accomplishments - which include predicting the attempted assassination of Ronald Reagan, the 1987 stock market crash and the fall of the Berlin Wall - Ms. Teissier has mounted a photograph of herself in scholar’s cap and gown accompanied by the words : “She would like to create a chair in astrology at the Sorbonne."

An account of Ms. Teissier’s thesis defense ran on the front page of Le Monde, France’s most important daily newspaper. Suggesting that at least parts of the manuscript (cumbersomely titled "The Epistemological Situation of Astrology in Relation to the Ambivalent Fascination/Rejection of Postmodern Societies") read more like the justification of a true believer than a scholarly analysis by a skeptical scientist, the article set off a storm of protest.

Over the last few weeks, fueled by fresh revelations - like Ms. Teissier’s having referred to Max Weber, one of sociology’s founders, as a "pragmatic Taurus" - the debate has only gathered steam, pitting sociologists who insist that the case concerns a thesis that fails to meet minimum academic standards against those who argue that the real target isn’t Ms. Teissier but a maverick strain of sociology that has failed to win establishment approval.

By now, most of the major French newspapers have published opinion pieces. More than 400 sociologists have signed a petition asking the president of the Sorbonne to make an independent evaluation of the case. And the French Association of Scientific Information has assigned a group of scientists and social scientists to review the thesis. They hope to release their report within the next two weeks. On the advice of her academic advisers, Ms. Teissier has decided not to speak to reporters, at least until she receives her diploma later this summer. But her supporters contend that her thesis, whatever its faults, is the casualty of a larger conflict within the discipline over methodology. The real debate, they say, is between the followers of Émile Durkheim and followers of Weber. Or, to put it another way, between positivists who rely on quantitative techniques and objective measures when assessing social life and phenomenologists who attach greater importance to subjective experience and emotion.

Writing in Le Figaro earlier this week, Judith Lazar, a lecturer in sociology at a University of Paris branch campus, complained that Ms. Teissier was the victim of a witch hunt. Noting that most of her critics hadn’t even read the thesis, Ms. Lazar said : "Wouldn’t it be braver to admit that what we’re really after isn’t the author of this thesis (because what harm can this woman do to sociology ?) but her adviser, Michel Maffesoli ? Indeed, on many occasions, this professor has expressed his differences with a discipline mired in old-fashioned academicism and has not hesitated to defend original subjects in order to bring a little fresh air into a moribund sociology."

There is no question that Mr. Maffesoli’s scholarship falls at the extreme end of the phenomenological camp. "What I do is a very Weberian sociology, which is not well represented in France because of the Durk heim current that insists all must be explained by reason," said Mr. Maffesoli. His books include studies of contemporary hedonism and New Age practices as well as a treatise on "ordinary knowledge," which he sees as rooted in everyday life and encompassing the irrational, illogical and emotional aspects of human experience.

In the view of many sociologists, this work lacks methodological rigor. Writing in Le Monde in April, for example, Christian Baudelot and Roger Establet, sociologists at the University of Provence at Aix-en-Provence, accused Mr. Maffesoli of promoting a social science that favors "lived experience, groundless interpretation and off-the-cuff analysis" over reason and objectivity.

Despite these jabs, however, Mr. Maffesoli’s critics insist that their objections to Ms. Teissier’s thesis have nothing to do with methodological disputes. "There is an opposition between Weber and Durkheim, but it has nothing to do with Élizabeth Teissier," said Alain Touraine, a sociologist at the École des Hautes Études en Sciences Sociales in Paris, pointing out that Weber stressed the need to back up all assertions with objective evidence.

According to her critics, Ms. Teissier’s thesis is simply not social science. "I’ve read the whole thing," said Dominique Desjeux, a sociologist at the Sorbonne. "It’s the testimony of somebody who is a well-known astrologer and writes about her experiences. She cites letters from ordinary people as well as testimony from Mitterrand. There is no sociology."

Bernard Lahire, a sociologist at the École Normale Supérieure de Lettres et Sciences Humaines in Lyon and director of the group charged with reviewing the thesis, agreed. "There is no trace of empirical fact or research method," he wrote via e-mail. "The idea hammered home from beginning to end of the document is that astrology is the victim of domination. That science, which is renamed official science'ormonolithic thought,’oppresses astrology."

It is extremely unlikely that Ms. Teissier’s degree will be revoked, he said. He added : "I personally consider this defense a blow to our discipline and an insult to those who do their work properly. It’s not an accident that Élizabeth Teissier is using sociology to legitimate astrological discourse. Our discipline is all too often a haven for people who are not rigorous and who are sometimes antirationalist."

In a letter published in Le Monde, Ms. Teissier reminded readers that a doctoral degree could not be obtained on the basis of "notoriety and the production of 300 or more pages" alone. Like other students, she noted, she has completed all the course and examination requirements for a sociology Ph.D. She signed the letter "Astrally yours."

Source : The New York Times :

http://www.nytimes.com/2001/06/02/arts/02ASTR.html ?ex=992506200&ei=1&en=e6da11749bcae556


Le Figaro 28/05/01

Faut-il brûler la thèse de l’astrologue Élizabeth Teissier ? Retour sur une chasse aux sorcières.

par Judith Lazar

Quelque chose va mal dans le royaume de la sociologie française ! Il suffit qu’une personne, astrologue de son état, soutienne une thèse à l’université Paris-V pour qu’aussitôt des esprits nobles se sentent obligés de crier "Au loup/Au loup ! Il faut sauver la sociologie ! " On ne pourrait qu’admirer et soutenir cette belle inquiétude si, derrière la noble façade, il n’y avait pas hypocrisie, hargne et lâcheté, comme cela est de plus en plus fréquent dans notre monde vertueux.

Pour ne pas manquer l’événement d’un pouce, le « petit monde de la sociologie " se met en effervescence, et, la nouvelle technologie aidant les pétitions commencent à circuler à la vitesse de l’éclair. Les signataires s’empressent d’exprimer leur indignation, et témoignent de leur fidélité et de leur soutien envers les initiateurs principaux, sans se soucier un instant du contenu de la thèse. Certes, l’auteur n’est pas une inconnue du grand public, elle bénéficie d’une « solide réputation " auprès de nombreux hommes politiques... Mais est-ce suffisant pour proclamer urbi et orbi, avant de lire ne serait-ce qu’une page de sa thèse, la supercherie ?

Que reproche-t-on en fin de compte à cette thèse ? L’astrologie., en tant qu’objet d’investigation sociologique, peut paraître en effet farfelue, mais, d’une part, l’analyse sociologique n’est nullement impossible sur un sujet insolite, et d’autre part, il faut avoir un sacré culot pour prétendre qu’elle serait l’unique sujet à l’écart des attentes « normales " d’une thèse. Sans oublier que ce travail, si critiquable soit-il (mais pour cela il faudrait peut-être le lire), a parfaitement suivi toutes les étapes nécessaires de la procédure ; que le jury a été présidé par un des plus grands psychosociologues de notre époque, et reconnu, une fois n’est pas coutume ( !), sans équivoque, sur le plan international Serge Moscovici ; que d’autres membres du jury sont tous des personnages académiquement « convenables ". Et finalement, pourquoi ne pas imaginer que Mme Teissier, si astrologue qu’elle soit, puisse écrire une assez bonne thèse ?

En réalité, ne serait-il pas plus courageux d’admettre que ce que nos belles âmes visent, ce n’est point l’auteur de la thèse (car quel mal cette dame peut-elle faire à la sociologie ?), mais son directeur, Michel Maffesoli ? En effet, ce professeur a manifesté, à plusieurs reprises, son désaccord avec une discipline alourdie par un académisme un peu vieillot et n’a pas hésité à défendre des sujets originaux afin d’apporter un peu d’air à une sociologie moribonde. Cela ne signifie nullement qu’il est. incapable de juger les travaux des autres.

Quant au réexamen de la thèse, exigé des pétitionnaires consciencieux, cela s’apparente à la fois à de la mascarade et à de la discrimination. Mascarade, car en France, selon les lois universitaires en vigueur, on ne peut que " donner un blâme " à une thèse, même si on découvre ultérieurement qu’elle a été entièrement plagiée (faut-il donner des exemples ?). Discriminatoire, car pourquoi viser cette thèse, quand chacun sait que des thèses soutenues avec complaisance, et d’une rare faiblesse, fourmillent, tant en sociologie qu’ailleurs ? Cela ne les empêche nullement d’avoir et les félicitations du jury et la qualification nécessaire pour permettre à leur auteur de postuler à un poste de maître de conférences. Car, si les procédures opaques de recrutement à l’université ne datent pas d’hier, elles ont atteint un niveau inimaginable durant ces dernières décennies. Le recrutement des copains et autres « subalternes redevables " n’a jamais atteint de tels niveaux. Autant dire qu’il serait préférable de ne pas parler de concours de recrutement. Au lieu de taper sur un bouc émissaire « suffisamment bon ", les universitaires consciencieux feraient mieux de balayer devant leur porte, surtout pendant la période de recrutement ! Car leur silence complaisant s’apparente à un dérapage grave dont on commence à peine à mesurer les conséquences.

Il reste un autre aspect, plus voilé, mais non moins présent, de cette sombre affaire qui mérite réflexion. A l’heure où on n’arrête pas d’analyser la violence sous toutes ses coutures, et où on se plaît à pointer l’incivilité des « sauvageons ", cette affaire permet d’attirer l’attention sur une autre facette de la violence : l’incivilité cognitive, exercée certes avec doigté, mais qui ne manque ni de barbarie ni de virulence. Avant de s’ériger en donneur de leçons, il conviendrait de réfléchir sur cette question. Car la violence des jeunes ne fait que refléter la violence des « clercs ", sous une forme plus directe.

Judith Lazar

Sociologue. Auteur notamment de L’Opinion publique, Sirey.

Source : Le Figaro 28/05/01


Charlie Hebdo 23/05/01

Fumisterie. Annulons la thèse d’Élizabeth Teissier !

La carabosse de la Sorbonne

En avant-première, on s’est tapé les neuf cents pages de la « thèse de sociologie" d’Élizabeth Teissier. Un boulot que les membres du jury n’ont pas fait, sinon ils se seraient bien rendu compte qu’il n’y a pas une ligne de sociologie. Pire qu’une usurpation, c’est de la boue verbale.

On fait bien des thèses sur le nazisme ou la pédophilie, alors pourquoi pas sur l’astrologie. C’est d’ailleurs ce que défend le sociologue Michel Maffesoli, prof à l’université Paris V et directeur de « thèse" de Teissier. Le problème n’est pas là. Le problème, c’est que CE N’EST PAS UNE THESE.

Quel que soit le sujet, une thèse doit respecter un certain nombre de règles. On pose une problématique, puis on l’aborde avec des idées et une démarche logique. En l’occurrence, la question peut concerner l’astrologie, du moment que les méthodes relèvent de la sociologie. Or ce n’est pas, mais pas du tout, ce que fait Teissier.

La reine du copier-coller.

Ce qu’elle fait, c’est raconter sa vie à partir de citations (non référencées pour la plupart). Par exemple, là où quelqu’un de normal dirait « Je suis allé aux toilettes, j’ai chié et j’ai tiré la chasse », Teissier écrit (elle met tous les noms en majuscule pour montrer qu’elle a de la culture) : « Comme disait MUSSET, “il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée”, donc je suis allée dans les toilettes, mais puisque “toute vérité apporte le scandale” selon YOURCENAR, j’ai déféqué, et enfin, pour appliquer la formule de RIMBAUD selon laquelle “la vraie vie est ailleurs”, j’ai tiré la chasse. »

Comme ça, sur neuf cents pages ! Pour peu que vous soyez connu, faites gaffe. Si vous écrivez que les étoiles sont belles la nuit, elle s’en servira pour dire que vous admirez l’astrologie.

La question est donc : comment de vrais universitaires ont-ils pu accepter cette monstruosité ? Il faut dire que Michel Maffesoli fait soutenir huit thèses par an. Un record, trois à quatre fois supérieur à la moyenne d’un prof sérieux, qui n’accepte que les travaux qu’il peut réellement suivre. C’est le même principe qui, à l’université de Lyon III, mène à des thèses négationnistes, dirigées par des profs qui font les étonnés : « Ah bon, c’est pro-nazi ? J’avais pas lu. » Et merde, c’est ton boulot ! T’es payé pour ça, et avec notre argent en plus !

La méthode Maffesoli est à l’université ce que Loft Story est à la télévision. Plus besoin de réfléchir pour être universitaire ! Tu deviens célèbre en faisant des conneries, un peu de vernis, et ça suffit.

Dans ce cas, pourquoi les Mémoires du général Aussaresses ne donneraient-elles une thèse d’histoire, et celles de Brigitte Bardot une thèse de littérature ? Autant transformer tout de suite la Sorbonne en supermarché, au moins il y aura un rayon PQ pour s’essuyer.

Antonio Fischetti.

« La honte de la sociologie. Trouver des perles dans la thèse de Teissier, c’est difficile, pour deux raisons. D’abord par ce des textes à elle, il n’y en a pas beaucoup, entre les tombereaux de citations. Et, ensuite, parce que dans ce qu’il reste de textes à elle il n’y a que des conneries. En voilà une infime sélection. »

Classes sociales (page 407)

« Si les organismes officiels et la majeur partie de la sociologie continuent à fonctionner sur les sempiternelles catégories socioprofessionnelles, il semble que ce soit transversalement que s’élaborent les signes de reconnaissance : pratiques culturelles, couches d’âge, participation à des groupes affectifs. En bref, ce que l’on appelle la pratique des réseaux. A n’en pas douter l’astrologie, fondée elle-même sur le principe de l’analogie et des affinités électives, est certainement l’un des réseaux, et parmi les plus vivaces. »

En clair, la notion de classe sociale est démodée, et il faut la remplacer par celle de signe astrologique. Ce qui compte n’est pas de rouler en Rolls ou de prendre le métro, mais d’être Vierge ou Taureau. Et mon poing dans la Balance de ton compte en Suisse, ça ferait quoi ?

Statistiques (page 760)

« Il faut préciser que leur conclusion consistait à dire que les ressources prévisionnelles de l’astrologie ne dépassait pas le hasard, à savoir une chance sur deux. Comme notre expérience nous avait donné des résultats très différents (environ quatre prévisions sur cinq avérées), nous n’étions pas prête à laisser l’astrologie ainsi malmenée. »

En voulant répondre à ses détracteurs, Teissier révèle qu’elle est encore plus nulle en statistique qu’en sociologie. Car le hasard, madame le docteur, ce n’est pas une chance sur deux. Exemple : si je fais quinze prévisions du genre « il y aura un accident d’avion » ou « une princesse aura un enfant », je dis ça au pif, et pourtant, bien plus de la moitié de mes affirmations seront exactes ! On se renseigne, Mme Teissier, lorsqu’on ne sait pas.

Politique (page 680)

« j’ai écrit que, d’après les configurations planétaires, on allait certainement franchir un pas décisif fin 1995, quand Pluton quitterait le Scorpion, où il était entré en 1983, au moment où le sida a commencé à être une épidémie redoutable. »

Politique (page 680)

« j’ai écrit que, d’après les configurations planétaires, on allait certainement franchir un pas décisif fin 1995, quand Pluton quitterait le Scorpion, où il était entré en 1983, au moment où le sida a commencé à être une épidémie redoutable. »

Pendant que des sociologues sérieux s’échinent à décrypter les grèves de 1995, à l’université de Paris V, c’est plus simple : on regarde les étoiles pour expliquer l’Histoire.

Médecine (page 213)

« Neptune semble pouvoir être rapproché de la glande pinéale et du canal rachidien et Pluton de la glande pituitaire. (...) De récentes recherches nous ont en effet permis d’établir la corrélation entre le cancer, voire le sida, avec des dissonances de ces deux planètes par rapport au thème natal. »

Là, c’est pour exercice illégal de la médecine qu’il faut condamner le docteur Teissier.

Criminalité (Annexe page XVI)

« La Lune et la folie cyclique.

Les commissariats connaissent bien cette recrudescence tout à fait significative, en fonction des phases lunaires, des actes criminels et faits divers liés à une sorte de perte de la mesure et du bon sens. »

N’importe quel étudiant de première année de fac ferait une recherche bibliographique sur une base de données (accessible par internet) et découvrirait en un quart d’heure qu’il s’agit d’un mythe absolument faux. De toute évidence, Teissier n’a jamais visité ni une bibliothèque universitaire, ni une base de données scientifiques.

Modestie (page 740)

« une seule chose me chagrine au plus haut point : qu’il soit du même signe que KEPLER, NEWTON, Jeanne d’Arc... et moi. Il est vrai que STALINE, lui aussi, était Capricorne... »

Elle parle d’un scientifique. Seule chose pertinente ici, la comparaison avec Jeanne d’Arc : en effet, brûlons Teissier une fois pour toutes.

Physique (page 697)

« b. Du point de vue scientifique : évoquer la théorie des quanta (HEISENBERG, M. PLANCK, D. BOHM) et la problématique complexe véhiculée par la théorie du chaos, en particulier à travers la notion d’attraction chaotique, ce point de convergence d’une multitude de probabilités qui, paradoxalement, semblent aboutir à une notion opposée à l’idée de chaos, rejoignant en cela le paradigme astrologique et sa notion d’interdépendance universelle. »

Elle déblatère du verbiage auquel elle ne comprend absolument rien. Sans commentaire.

Gratuité (page 434)

« De plus, nous étions secrètement motivée par une loi non écrite, implicite et invisible, qui préside à l’exercice de tout savoir ésotérique - ce dernier fût-il en voie de devenir exotérique - : ne pas utiliser ses connaissances dans un but intéressé, avec des objectifs matériels. »

Pour sûr... Ce n’est pas parce qu’on est milliardaire et qu’on vit en Suisse qu’on aime forcément le fric. On hésite entre rire et vomir.

Complot (page 615)

« Un mois après, c’était l’offensive, déclenchée par des journaux de gauche et par la puissance occulte, peut-être la plus importante de la nation, bien qu’elle joue un rôle d’éminence grise, je veux parler de l’Union Rationaliste de France. »

Vous ne connaissiez pas cette organisation ? Après les Juifs, les francs-maçons et les extraterrestres, voilà le complot des rationalistes !

Logique (page 632)

« On peut en l’occurrence se demander s’il n’y a pas là hypertrophie et tyrannie d’une raison exacerbée, »

Teissier parle de ses détracteurs. Mais c’est absurde. La raison « est » ou n’« est pas », elle ne peut pas être « exacerbée ». La connerie, si.

Absolu (page 513)

« L’astrologie est en effet dégagée de toute idéologie, parce qu’intemporelle, descriptive et quelque part égalitaire : les aspects ont une valeur symbolique identique pour tout le monde, qu’il s’agisse d’un prince ou d’un ouvrier. »

Il faut une sacrée dose de cambouis cérébral pour affirmer que l’astrologie est dégagée de toute idéologie ! On peut s’inquiéter pour les étudiants de Maffesoli. Qu’est-ce qu’on leur apprend ? Que Télé 7 Jours est la revue scientifique de référence ?

Science (page 570)

« il va de soit qu’il y a aussi ce qu’on peut appeler un déchet par rapport à l’efficacité que peut avoir l’horoscope. En fait il s’agit d’un phénomène similaire à celui des vaccins, ou pour un pourcentage très restreint, il y a échec. »

Mettre les vaccins et l’astrologie sur le même plan, ce n’est même plus absurde : c’est criminel.

Aveu N° 1 (page 483)

« Les gens simples, moins victimes d’a priori (il s’agit d’un terrain intellectuel en quelque sorte vierge) sont plus réceptifs, donc plus vrais par rapport à ce genre de constat, de reconnaissance. »

Voilà qui est clair : plus les gens sont incultes, mieux c’est pour l’astrologie.

Aveu N° 2 (page 816)

« À Londres, s’il n’y a pas non plus de chaire d’astrologie à l’université, du moins peut-on obtenir un P.H.D. (doctorat) en astrologie si cette discipline est officiellement dépendante de la branche Psychologie : même biais possibles en France à condition de choisir un sujet de thèse limitrophe de la Sociologie, de la Philosophie ou de l’Histoire des Religions et de se placer officiellement sous l’égide de ses disciplines : on est obligé de camoufler, de tricher, de contourner les institutions qui sont manifestement en retard sur la réalité d’un consensus de plus en plus évident. »

Élizabeth Teissier reconnaît explicitement qu’elle a triché, et que la sociologie n’était qu’un prétexte pour camoufler de l’astrologie. Mais, ce qui est plus grave, c’est que des universitaires soient entrés dans le jeu.

Histoire (page 196)

« L’utilisation, avant et pendant la guerre, de l’art astrologique comme instrument de propagande par HITLER et les dignitaires nazis aura un effet pervers sur le rayonnement de l’astrologie, tout en renforçant la puissance virtuelle des ressources qu’elle véhicule. »

Prodigieux ! Ce qui nuit à l’astrologie, ce n’est pas qu’elle raconte des conneries, mais que les nazis l’ont utilisée ! Mais en quoi cela renforce-t-il sa « puissance virtuelle" ? Comme tout le reste, elle n’explique pas.

Teissier, docteur en marketing (page 426)

« Par exemple, lors de la fusion du groupe Hachette avec le groupe Filipacchi, R. T..., l’une des têtes du premier groupe, nous demanda de procéder à l’analyse du ciel de naissance de la fusion. Une analyse astrale qui fut communiquée devant un parterre de six cents cadres supérieurs de deux groupes lors de la réunion solennelle qui entérinait la diffusion. »

Les patrons nous rabâchent que leurs décisions sont dictées par la logique économique, la rigueur, la nécessité, blablabla... Teissier apporte la preuve que c’est du pipeau. Boycottons les entreprises qui font appel à l’astrologie pour établir leurs plans de licenciements !

Reconnaissance (page 786)

« Charlie Hebdo, d’inspiration marxiste, comme on sait, se trouve bien sûr à un extrême, à la fois au niveau de la virulence et de la pugnacité, mais également au niveau de persévérance : il ne se passe pas une semaine sans qu’il ne nous prenne pour cible, puisque, à tort ou à raison, nous sommes devenue, en quelque sorte, emblématique du sulfureux opium du peuple nommé astrologie. »

Les marxistes rationalistes t’informent qu’ils ne sont pas prêts de s’arrêter.

Source : Charlie Hebdo 23/05/01