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Courrier des lecteurs : octobre à décembre 2010

Publié en ligne le 24 mai 2011 - Rationalisme -

Les croyances dans le paranormal

J’ai lu avec attention votre article sur la proportion de « croyants » dans la population. Le sondage date de 2003 et je souhaitais savoir s’il existait un sondage plus récent et si vous pouviez m’en donner les références.

S. K.

Vous faites référence à l’article « Un sondage sur les croyances au paranormal » paru dans SPS n° 259 octobre 2003, qui rendait compte d’une analyse sociologique du phénomène de croyance et d’adhésion aux thèses du paranormal. Cette analyse s’appuyait sur un sondage réalisé par la SOFRES en 2002 et confirmant les résultats des enquêtes précédentes (portant sur 20 années), montrant une très grande stabilité en la matière. Rappelons quelques chiffres de cette étude sur les croyances des Français. La guérison par magnétiseur, imposition des mains obtient 54 %, la transmission de pensée 40 %, les rêves qui prédisent l’avenir 35 %, l’astrologie (explication des caractères) 33 %, les prédictions des voyantes 18 %, les horoscopes, prédiction par les signes astrologiques 18 %, les tables tournantes 15 %, les fantômes et revenants 13 %.

Nous n’avons pas connaissance d’une suite de cette série de sondages. En Suisse, un récent sondage publié dans le numéro de décembre du Reader’s Digest 1 révèle que pour 35 % des personnes, « il y a peut-être du vrai dans l’astrologie ». En Belgique, le CRIOC, une association de consommateurs, a fait réaliser une enquête en 2010 qui met en évidence des chiffres du même ordre 2 : 22 % des Belges croient aux guérisseurs, 15 % aux prédictions de l’astrologie et de l’horoscope, 12 % aux prédictions des voyants et 10 % à la lecture de l’avenir dans les lignes des mains.

Difficile de comparer les chiffres d’un pays à l’autre, d’une enquête à l’autre, car les questions ne sont pas exactement les mêmes. Mais ce qui ressort partout, c’est une certaine stabilité (voire une croissance) avec des chiffres inquiétants pour notre début de 21e siècle. Et nous partageons la recommandation de l’association belge des consommateurs : « Le CRIOC met en garde le consommateur contre ce type de pratiques qui ne visent pas à prédire le futur ni à trouver des solutions, mais plutôt à offrir du réconfort aux consommateurs contre de l’argent ».

Amanite et amanite

Au regard d’un texte traitant, inter alia, de l’Amanite phalloïde [dans l’article « La nature, c’est ce qu’on a fait de mieux après les OGM », SPS n° 292, octobre 2010], il est surprenant de trouver une photographie qui pourrait bien représenter l’amanite tue-mouche, très différente, et bien moins toxique.

Jacques Hamon

Nous sommes fiers d’avoir des lecteurs aussi attentifs. Nous nous sommes laissés séduire par la beauté des couleurs de l’amanite tue-mouche, délaissant quelque peu la rigueur scientifique...

Wikiscience ?

Je suis abonné à votre revue depuis quelques années et j’apprécie l’éclairage qu’elle peut apporter sur les problèmes de méthodologie à des personnes qui, comme moi, ne sont pas des scientifiques de formation. Le travail d’une raison critique et, surtout, intellectuellement exigeante et honnête, est un apport indispensable à tous, je ne puis que vous encourager à poursuivre sur cette voie.

Concernant les problèmes liés à la méthode, sur le thème de la validation, [j’ai lu] un article du Monde [sur le blog du Monde : « Le Web met à mal le monopole des revues scientifiques » et reprenant un article du New-York Times] sur lequel je serais curieux de voir naître un débat. Car il s’agit bel et bien ici de discuter de nouvelles filières de validation des thèses scientifiques, filières qui ne sont pas l’outil exclusif de cette validation, certes, mais qui en sont tout de même un maillon d’importance. C’est avec plaisir que je lirai des réflexions complémentaires sur le sujet si par chance vos collaborateurs s’y attèlent.

C. B.

L’article du New-York Times évoque un système « participatif » de relecture des articles scientifiques. Au lieu de la « peer review », une relecture par les pairs, les articles seraient mis en ligne et commentés par des internautes inscrits au site. Une première expérience est relatée dans le domaine des sciences humaines. L’avantage proclamé est de permettre une validation bien plus rapide des articles. Cette méthode, qui est finalement proche de celle mise en œuvre par le site Wikipédia, suppose que la « vox interneti » saura démêler le vrai du faux. Si ce système marche raisonnablement bien pour des connaissances établies (sans être à l’abri de manipulations pour des sujets polémiques ou sensibles), on peut douter de son efficacité dans le domaine de la recherche.

Psychanalyse et TCC

Je surfe sur votre site régulièrement, j’ai été particulièrement intéressée par le dossier sur la psychanalyse. Or je suis tombée par hasard sur le site d’un médecin psychiatre et psychanalyste, qui se revendique d’une étude présentée comme scientifique, pour vanter les mérites de la psychanalyse et « prouver » les échecs des TCC. J’ai cru utile de vous transmettre le lien vers son site, me disant que vous y trouveriez peut-être matière à de nouveaux articles sur le sujet.

L. M.

En se reportant sur le texte original, cité dans la page que vous nous transmettez, on constate que les conclusions des auteurs de l’étude ne sont pas exactement celles reportées sur le site Internet du Docteur Emmanuel Fleury que vous mentionnez. Par exemple, là où l’étude indique que « le traitement par des approches comportementaliste est associé avec de meilleurs résultats en termes de sévérité des symptômes » soulignant toutefois que « ces résultats positifs s’érodent avec le temps 3 », le psychiatre psychanalyste traduit « quand des effets positifs ont été constatés au début, ils avaient disparu à la fin ». Ce qui n’est pas la même chose, vous en conviendrez. D’une façon générale, cette étude conforte l’action positive des TCC.

À propos de l’évaluation comparée de différents types de psychothérapies, rappelons l’expertise collective de l’Inserm (février 2004) qui, pour les troubles analysés, montre un net avantage aux thérapies cognitivo-comportementales, devant les approches psychanalytiques. Enfin, signalons que SPS vient de consacrer un numéro hors-série au sujet de la psychanalyse.

J-P.K.

Que Choisir choisit les magnétiseurs

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Je viens de recevoir « une sélection de 16 pages pour découvrir Que Choisir Santé », qui comporte un article sur les guérisseurs-magnétiseurs que je trouve scandaleux. Il est vrai qu’ils avaient déjà sévi d’une manière analogue il y a quelques années, en distinguant les « bons astrologues »
et les charlatans ! Au cas où vous ne l’auriez pas, je vous mets cet article
en P.J. Je pense qu’une réaction de l’AFIS (note à la presse ou autre)
serait souhaitable.

Pierre Frenkiel

Si la défense des consommateurs est une noble cause, il est dommage qu’elle ne s’appuie pas toujours sur la rigueur et le sérieux scientifique, préférant trop souvent aller dans le sens des croyances les plus répandues.

Yves Rocard et la bombe atomique française

Page 65 de SPS 292 (octobre 2010), on présente Yves Rocard comme le « père de la bombe atomique française ». Cette affirmation, souvent trouvée ailleurs, est inexacte. Il a participé au projet, mais uniquement dans sa spécialité : la détection, par des méthodes sismiques, des explosions nucléaires. Son image de « père » provient probablement du fait que c’était l’un des rares physiciens de renom qui s’engageait dans le projet, la plupart des autres étant bloqués par leurs convictions idéologiques, tout à fait respectables d’ailleurs. […] L’échec d’Yves Rocard dans sa candidature à l’Académie des Sciences est-elle due aux idéologues anti-bombe, à ses dérives sourcières, ou aux deux ? Voilà un bon sujet, bien dans la ligne des relations science/société que SPS traite. Après tout, Marie Curie, prix Nobel, a elle aussi échoué, parce qu’elle était femme et de gauche, face à Branly, soutenu par la droite catholique, et qualifié à cette occasion de « père » de la radio, ce qu’il n’était pas. D’ailleurs, depuis bien longtemps, la « paternité » des grandes réalisations techniques est collective.

Jean Günther

À propos de l’alterscience

[L’article d’Alexandre Moatti « L’alterscience, une autre forme d’opposition à la science » paru dans SPS n° 292] est une longue récrimination, un réquisitoire contre un personnage d’opérette censé incarner ceux qui – à tort ou à raison – sont appelés « alterscientifiques ». Entendez : les hétérodoxes de la science, ceux qui n’entrent pas dans le moule, ceux qui ne s’associent pas ou adhèrent peu ou moins au « courant dominant ». […] Beaucoup de ce qui est stigmatisé chez les « alterscientifiques », pourrait très bien s’appliquer aussi aux vrais, aux durs, aux bons, aux orthodoxes de la science, aux consensus qu’ils forment, à l’ordre qu’ils établissent. […] Si on en croit l’auteur, les scientifiques orthodoxes – qui seraient évidemment tous affranchis du besoin de reconnaissance scientifique, médiatique ou mondaine – ne feraient jamais appel à leurs relations et amis haut placés, sur lesquels ils n’exerceraient jamais aucune pression dans le but de se faire publier ou honorer d’une quelconque distinction ; ils ne feraient jamais d’attaques ad personam, n’imagineraient jamais de théorie du complot… Ajoutons qu’ils ne joueraient sans doute jamais des coudes ni ne tireraient sur un confrère, pourvu qu’il soit orthodoxe comme lui […]. Mais ces quelques marginaux, originaux non conformistes, visionnaires ou savants fous, font-ils vraiment trembler l’édifice conservateur de l’establishment scientifique ? Qu’il soit permis d’en douter au moins à la lecture, dans ce même numéro 292, de l’exposé de Jean-Claude Pecker ou de la recension de Martial Van der Linden, par exemple : s’ils s’écartent des conceptions et approches majoritairement admises (le « courant dominant »), s’ils portent « à l’intérieur de la science une remise en cause de certains de ses résultats », tous deux fournissent une information scientifique de qualité, laissant au lecteur le soin – et le plaisir – d’exercer son esprit critique…

Nadine de Vos

J’ai été clair dans la délimitation de mon champ : des personnes de formation scientifique, ingénieurs notamment, aux théories physiques
fumeuses, ou des scientifiques utilisant la science à des fins religieuses
ou idéologiques. Jean-Claue Pecker n’entre assurément pas dans une de ces catégories ; d’ailleurs les nombreux exemples donnés ne laissaient aucune ambiguïté sur le champ décrit. Ceci dit, je vous accorde bien volontiers que les scientifiques orthodoxes (pour reprendre votre expression) ont parfois des attitudes similaires à celles que j’ai décrites – mais tel n’était pas mon propos.

Alexandre Moatti

Journaliste sans esprit critique

Étant abonné à votre revue, j’apprécie beaucoup votre démarche et votre travail. Voici un lien vers un article paru dans le Dauphiné Libéré (« Ces ermites allergiques aux ondes », 28 novembre 2010) à propos des électrosensibles, qui vivent dans des caravanes « blindées d’aluminium » pour se protéger. Le journaliste rapporte les dires de ces personnes sans aucune critique, ni commentaire, ce qui n’est pas surprenant mais reste assez affligeant.

C. D.

Faut-il incriminer l’absence de formation scientifique de beaucoup de journalistes ? Toujours est-il que le nombre de journaux se contentant de relater des expériences paranormales, des interventions de sourciers, des prédictions de voyants, sans la moindre distance, sans le moindre esprit critique, est inquiétant. Et sont également traités de la sorte les controverses dites environnementales (OGM, ondes électromagnétiques). La presse et l’information en général n’en sortent pas grandis. Et c’est sans doute bien plus dommageable que l’ignorance, car les gens se croient « informés » !

Quand le journal du CNRS manque de discernement

Franck Ramus nous a adressé copie de la lettre qu’il a envoyée au Journal du CNRS.

J’ai été quelque peu surpris à la lecture, dans Le journal du CNRS de juillet-août page 38 de la recension du livre d’Alain Braconnier Protéger son soi pour vivre pleinement. Je me suis demandé pour quelles raisons ce livre faisait l’objet d’une recension dans le journal du CNRS, et a fortiori d’une recension aussi élogieuse et dépourvue d’esprit critique. Sur le plan du contenu, ce livre semble être un livre de « self-help » basé sur de la psychologie naïve sans aucune validité scientifique, comme il en sort des centaines par an. Pourquoi mettre en avant ce livre-là, dans un magazine à vocation scientifique comme le journal du CNRS ? L’auteur peut-il se prévaloir d’un lien particulier avec le CNRS ? Visiblement, non, il n’est ni chercheur au CNRS, ni dans un laboratoire CNRS, en l’occurrence il n’est pas chercheur du tout, à aucun titre que ce soit. C’est simplement un médecin psychanalyste qui, comme tant d’autres avant lui, croit avoir trouvé comment soulager ses patients, mais s’abstient de tester ses hypothèses de manière scientifique.

Cette recension, qui ne m’aurait provoqué aucun froncement de sourcil dans un magazine féminin, me déçoit particulièrement dans le journal du CNRS. Et ce d’autant plus que, de toutes les institutions de recherche françaises, le CNRS est celle qui a su la première, et le plus résolument, prendre le virage scientifique en psychologie. Le CNRS emploie et abrite aujourd’hui dans ses laboratoires de nombreux chercheurs en psychologie qui font des recherches au meilleur niveau scientifique international. Je n’en connais aucun qui prendrait le livre de Braconnier au sérieux.

Cette constatation m’amène à me demander, qui, au journal du CNRS, décide des livres devant faire l’objet d’une recension, et écrit celles-ci. Et à me dire que vous gagneriez peut-être à faire un plus grand usage de l’expertise disponible au sein de notre établissement.

Bien cordialement,

Franck Ramus

3 « Treatment with CBT was associated with a better long-term outcome than non-CBT in terms of overall symptom severity […] the positive effects of CBT found in the original trials were eroded over longer time periods »