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Le parapsychologue Yves Lignon défend l’authenticité du suaire

Publié en ligne le 23 novembre 2005 - Paranormal -
Dans VSD - hors série paranormal - août 2005

Après le jugement qui l’a vu débouté face à George Charpak et Henri Broch (lire Science et pseudo-sciences de mai 2005), Yves Lignon ne se décourage pas et se jette, grâce à la très populaire revue VSD - Hors série Paranormal, dans une vieille polémique revenue à la mode : le suaire de Turin (lire l’article « Le suaire de Turin médiatisé et démystifié » dans cette même rubrique).

Un édito en forme de provocation

VSD hors série accueille donc Yves Lignon dans ses colonnes, mais au préalable prend soin de lui préparer le terrain. En effet l’édito de Bernard Thouanel qui ouvre le hors série sera entièrement dédié à la mise à mort de ces zététiciens honnis qui osent se mettre en travers des mystères et des croyances. Pour mieux crucifier la zététique, Thouanel n’hésite pas à user d’un double mensonge. Il affirme : « Les zététiques "modernes" pratiquent trop souvent, hélas, non pas le doute interrogatif, mais le rejet systématique sans examen approfondi. » et plus loin : « Plutôt que de chercher à prouver que d’autres cloches que la leur pourraient sonner faux, les "zététiques" préfèrent carrément les empêcher d’être entendues. »

Double mensonge, d’une part parce que les zététiciens font des études poussées sur tous les sujets qu’ils abordent (mais il faudrait pour cela consulter leurs travaux, ou les rencontrer...), d’autre part parce qu’ils n’ont certainement pas le pouvoir que leur prête Thouanel, pour la simple raison qu’ils sont en petit nombre, et méconnus du grand public. Faites l’expérience : demandez autour de vous ce qu’est la zététique. Vous verrez les yeux ronds de vos interlocuteurs ! La meilleure preuve du peu de place qui est faite à l’esprit critique dans notre société, ce sont les nombreux ouvrages vantant la spiritualité, les mystères, et autres énigmes qui inondent les librairies, ainsi que les miettes jetées à la zététique lors des émissions télévisées. En moyenne, deux minutes leur sont accordées pour contrer une heure de billevesées. Le fameux « son de cloche » évoqué par Thouanel n’est vraiment qu’un grelot, et il a bien du mal à se faire entendre ! Il n’est donc ni dans les moyens ni dans les objectifs des zététiciens de faire obstruction à la parole des tenants du paranormal. Par contre le lecteur ne trouvera dans VSD aucune mention des travaux de la zététique sur le suaire. De quel côté est l’obstruction ?

Après cet édito en forme de tapis rouge déroulé pour les rédacteurs qui vont suivre, l’article de Lignon marche sur du velours : l’esprit du lecteur a été mis dans un moule, minutieusement détourné de toute velléité critique.

Pourtant il faut admettre que l’article commençait bien

M. Lignon nous présente l’historique du suaire et rejoint en cela la qualité du dossier de Science et Vie de juillet 2005. Il n’omet pas de mentionner que, apparu pour la première fois près de Troyes en 1357, le linceul avait été déclaré faux par son évêque. On aurait pu croire à un retour de la raison chez ce parapsychologue. Non, car c’est, comme on peut s’y attendre, l’argumentation qui va le faire basculer du côté de ceux qui veulent absolument croire ou faire croire à l’authenticité du suaire. Il annonce que l’analyse au carbone 14 est remise en question : « On trouve dans les mesures publiées par les trois laboratoires une bizarrerie qui ne devrait être présente que si les échantillons utilisés n’avaient pas la même provenance. Ceci - qui est indiscutable et a été mis en évidence par plusieurs mathématiciens spécialisés - suffit évidemment pour s’interroger sur la fiabilité de l’étude. »
Ces deux dernières phrases suffisent à nous interroger en effet sur la fiabilité... d’une telle argumentation ! Mais quelle est cette « bizarrerie » évoquée, non définie ? À quoi peut donc bien renvoyer ce « ceci » qui tombe dans le vide ? À la bizarrerie bien sûr ! Et la bizarrerie renvoie aux éminents mathématiciens dont nous ne saurons pas le nom. La boucle se ferme.
Vous n’êtes pas convaincus ? Vous avez raison. Yves Lignon se moque du lecteur en utilisant un discours vide d’informations, et vide de sens. De la pure rhétorique.

Petite liste de faits inconnus et vagues

Plus loin, il nous dresse une liste à puces des événements marquants mais ignorés (dédaignés par les médias, d’après lui), où voisinent des infos fiables, comme la prise de position de l’Église qui prend acte, en 1988, de la datation au carbone 14, avec des approximations, du type « Le responsable des opérations de datation dément avoir qualifié le suaire de faux ». Qui était ce responsable ? De quel laboratoire ? De plus, ce « responsable anonyme » aurait réitéré son affirmation un an après. Finalement, peut-être l’anonyme tenait-il à être cité... Trêve de plaisanterie : n’oublions pas que rester vague et ne pas donner de source, c’est le meilleur moyen de tromper.

Les travaux zététiciens éludés

Bien sûr le lecteur ne trouvera aucun développement, ni même aucune mention des travaux des zététiciens, ni de la conférence de Blanrue au Museum d’Histoire naturelle pour expliquer le processus de faussaire utilisé. Le lecteur n’aura droit qu’à une allusion aigrie au physicien Henri Broch, adversaire de toujours : « Ce point de vue [technique de faussaire] a été défendu par un physicien dont l’acharnement donne à penser qu’il ne cherche pas à démontrer que le suaire est faux, mais qu’il veut à tout prix que ce soit un faux. »

Maître dans l’art d’ajuster la réalité

Monsieur Lignon est quand même très mal placé pour dénoncer l’acharnement de ses adversaires, alors qu’il a montré lui-même pendant son procès un solide acharnement dans la mauvaise foi. Il assurait en effet qu’il y avait un auvent au-dessus du sarcophage d’Arles-sur-Tech, alors que tous les témoignages, ainsi que des photos présentées à l’appui, convergeaient vers le contraire. Mais la présence d’un abri servait sa thèse qu’aucune infiltration d’eau ne pouvait s’y produire, il y tenait donc particulièrement.
De façon évidente, Yves Lignon est maître dans l’art d’ajuster la réalité à ses objectifs personnels et aux théories qu’il élabore ! Il est donc tout à fait justifié de prendre ses écrits avec beaucoup d’esprit critique et de méfiance.
En fin d’article, il présente l’auteur de l’article qui suit le sien, sur le même sujet, et qui va lui donner une caution scientifique : André Marion, docteur en physique nucléaire, ancien ingénieur de recherches au CNRS (Institut d’optique, Orsay). C’est sans doute en pensant à ce scientifique partisan de l’authenticité du suaire que Science et Vie a écrit :
« Le caractère sacré de celle-ci [la relique] aurait-il le pouvoir d’impressionner la science au point de lui faire oublier ses propres vertus ? »