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Phénomènes inexpliqués

Publié en ligne le 13 novembre 2023
Phénomènes inexpliqués
Renaud Evrard
humenSciences, 2023, 250 pages, 19,90 €

Dans cet ouvrage découpé en sept parties, l’auteur entend nous présenter une synthèse d’un certain nombre de « phénomènes » n’ayant pas encore trouvé d’explication mais qui, selon lui, seraient mis en évidence par diverses expériences menées à travers le monde.

Le prologue du livre : « Le trouble-fête », donne le ton. C’est en effet le rôle que s’attribue Renaud Evrard tout au long de ces pages. Le lecteur découvrira ainsi comment le « parapsychologue » consciencieux doit lutter contre les sceptiques ne voulant pas s’intéresser à des phénomènes établis par de nombreuses expériences.

Le chapitre suivant, comme son nom l’indique, tente d’expliquer que « La parapsychologie n’est pas ce que vous croyez ». Puis le lecteur découvrira les résultats incroyables de quelques expériences pourtant réalisées avec succès selon l’auteur, comme la facilitation rétroactive du rappel1. La suite du livre présente un historique plutôt détaillé de 150 années de phénomènes paranormaux, allant même jusqu’à exhumer de l’oubli, auquel l’histoire les avait fort heureusement relégués, des personnages comme les sœurs Fox, à l’origine du spiritisme.

Que ce soit la pratique du « magnétisme animal » défendue par Franz-Anton Messmer, les tables tournantes ou encore la télépathie, l’auteur cherche toujours à convaincre le lecteur que tous ces phénomènes étranges ont été disqualifiés sans que l’on cherche réellement à les analyser. Il écrit ainsi : « Il est toujours étonnant de constater qu’en matière de jugement scientifique, l’histoire nous fournit tant d’épisodes où ces sujets sulfureux font l’objet de rejets motivés par des nécessités stratégiques. »

R. Evrard n’hésite pas non plus à faire intervenir quelques grands noms de la science s’étant intéressés de près ou de loin à ces phénomènes, comme une sorte de caution scientifique. Il évoque ainsi Alfred Russell Wallace dont il écrit « […] qui deviendra lui-même un des principaux soutiens de la parapsychologie naissante » et d’autres noms dont l’histoire aura surtout retenu leurs importantes contributions à l’avancée de la science.

En faisant le panorama des divers « laboratoires internationaux » qui s’intéressent à la parapsychologie, il explique aussi au lecteur que certaines recherches suggèrent la possibilité d’intervenir sur les particules élémentaires. Mais la notion complexe d’intrication quantique qu’il évoque n’a de signification réelle qu’au niveau des particules et vouloir en faire une analogie avec des phénomènes se déroulant à une échelle humaine n’a absolument aucun sens.

Dans un chapitre intitulé « L’opposition factice de la zététique », R. Evrard se positionne comme le défenseur du « vrai » scepticisme, celui qui reste animé d’une volonté d’étudier les phénomènes quels qu’ils soient. Il s’attaque ainsi aux « ennemis supposés » de cette démarche sans a priori : l’Afis, mais aussi Henri Broch, Gérald Bronner et tant d’autres.

La suite de l’ouvrage ressemble à une sorte de catalogue de phénomènes parapsychologiques (télépathie, manifestations ectoplasmiques, rencontres avec les extraterrestres, etc.) dont l’existence aurait été, selon l’auteur, démontrée par plusieurs études sérieuses. Toutes ces « anomalies » ont certes été étudiées par un certain nombre d’organismes comme l’Institut métapsychique international (IMI) ou encore l’Institut de recherche sur les expériences extraordinaires (Inress), reconnus dans la sphère de la parapsychologie, mais les preuves avancées par ces études restent bien maigres et les effets qui restent à mettre en évidence ne sont certainement pas à la hauteur de leur caractère extraordinaire.

Quand il parle de ces expériences, R. Evrard n’en est pas une contradiction près, ainsi écrit-il à propos d’un documentaire de TF1 diffusé le 13 janvier 1982 et présentant une expérience de télépathie : « En réalité le réalisateur a filmé une reconstitution de l’expérience et non l’expérience elle-même dans laquelle émetteur et récepteur sont […] séparés par un mur empêchant ‘toute fuite sensorielle’. » Dans cette reconstitution la séparation n’est qu’un simple rideau. On doit en conclure que l’expérience n’est pas valide puisqu’elle permet ces fuites sensorielles (dont on ignore ce qu’elles sont exactement). On ne comprend déjà pas en quoi un mur serait plus efficace contre ces « fuites ». Mais là où cela devient savoureux c’est lorsqu’il écrit quelques dizaines de pages plus loin : « Les effets mis en évidence par la parapsychologie viennent justement souligner qu’il n’y a pas d’obstacle, aussi important soit-il, qui empêche un phénomène psi. » Dans ces conditions, pourquoi parler de mur empêchant toute fuite sensorielle et, mur ou rideau, quelle différence cela fait-t-il pour l’expérience ?

Finalement, plutôt qu’une vision objective de ce que pourrait être une étude sérieuse des phénomènes parapsychologiques, ce qui était le but annoncé par l’auteur, l’ouvrage ressemble plus à un pamphlet voire un règlement de comptes avec les soi-disant ennemis de la curiosité scientifique. Le seul chapitre présentant un semblant d’intérêt historique est celui qui retrace les « faits » parapsychologiques répertoriés au cours des siècles précédents. Alors certes, on peut reconnaître à l’auteur un certain sérieux dans la démarche, ne serait-ce que par les nombreuses références données (issues cependant d’un nombre réduit de sources) mais, même s’il est plutôt bien écrit, ce livre n’apporte pas assez d’éléments fiables.

1 Evrard R écrit : « La “facilitation rétroactive du rappel” montre que des participants à ces expériences se rappellent mieux une liste de mots s’ils ont l’occasion de s’entraîner “après” le test. Comme si des étudiants réussissaient mieux leurs examens parce qu’ils ont révisé intensément après leurs épreuves ! »


Renaud Evrard, l’auteur du livre Phénomènes inexpliqués (HumenSciences, 2023) nous a fait parvenir ce texte en réaction à la note de lecture que nous avons publiée sur notre site.

Nous la reproduisons ici au titre du libre débat que nous souhaitons promouvoir. Nous précisons que les notes de lecture, dans un format nécessairement court, ne peuvent prétendre à une analyse détaillée et circonstanciée. Par ailleurs, elles ne cherchent pas à être « préjudiciables » ou, à l’inverse, bienveillantes.

L’auteur de la note de lecture maintient les termes de son analyse d’un livre qui, sous l’apparence d’objectivité, conclut que, malgré tout, il y a des résultats significatifs dans la parapsychologie, sans apporter de preuves convaincantes.

Science et pseudo-sciences, le 16 janvier 2024.
Critiques injustifiées

L’Afis a publié le 13 novembre 2023 une recension de mon livre Phénomènes inexpliqués (HumenSciences, 2023) par Thierry Charpentier. Je souhaite rectifier certains points qui me semblent préjudiciables.

Les affirmations faites dans mon ouvrage sont toutes appuyées sur des références (381, sur plus de 300 supports différents). Il ne s’agit donc pas de mon simple avis, mais de constats réalisables par tous quant au progrès des études scientifiques en parapsychologie [1]. À l’inverse de la caricature qui est faite de ma position, celle-ci revient à pointer le paradoxe de positions savantes qui, se proclamant critiques et sceptiques, relèvent plutôt de l’ignorance et de l’incroyance [2].

La recension me fait dire ce que je n’écris pas et ne me fait pas dire ce que j’écris. Par exemple, je n’affirme pas que la « facilitation rétroactive du rappel » a donné lieu à des « résultats incroyables ». Au contraire, j’explique (p. 69) que ce paradigme expérimental est le seul qui n’a pas pu être reproduit de manière satisfaisante [3].

Charpentier commente ma partie historique détaillée (pp. 81-120), basée sur des travaux publiés dans des revues scientifiques et dans un livre [4], en appliquant un biais de picorage (cherry-picking) faisant uniquement ressortir une banale mention de la famille Fox (p. 95). Il me prête un usage abusif de l’argument d’autorité lorsque je cite (p. 101) Alfred Russell Wallace et son intérêt pour la parapsychologie. Or, celui-ci est mentionné parce que je reprends des chiffres que lui seul fournit. Par ailleurs, d’autres grands noms de la science ont été des partisans de ces recherches [4].

Charpentier disqualifie mes mentions des liens entre psi et intrication quantique. Or, je cite des études qui ont réellement testé l’influence de la conscience sur l’intrication quantique [5] lorsque je présente les productions scientifiques de l’Institut métapsychique international (IMI) (pp. 157-160). Aucune analogie douteuse n’est faite ici : les processus d’intrication quantique sont véritablement les « cibles » sur lesquelles des tests sont réalisés. Je mets moi-même en garde (p. 189) sur les habituelles tentatives « désastreuses » de rapprochements « métaphoriques » avec le monde quantique.

Charpentier prétend que l’Afis a été attaquée dans mon livre, ce qui n’est évident nulle part. Des analyses très précises sont faites de quelques cas de pseudo-scepticisme. Inciter à une telle défiance est délétère.

Un sophisme basé sur l’amalgame prétend que mon livre met au même plan télépathie, manifestations ectoplasmiques et rencontres avec les extraterrestres, dont l’existence aurait été démontrée par plusieurs études sérieuses. C’est totalement faux. Tout le propos du livre étant d’ailleurs d’opérer des distinctions grâce aux outils de la science.

La recension se poursuit en entretenant une confusion entre l’IMI et l’Institut de recherche sur les expériences extraordinaires (INREES) en tant qu’organismes de parapsychologie. Or, je réalise une critique de ce dernier (pp. 161-164), car sa référence à la « recherche » est usurpée.

Charpentier prétend ensuite que les « preuves avancées par ces études [réalisées par des organismes parapsychologiques] restent bien maigres et les effets qui restent à mettre en évidence ne sont certainement pas à la hauteur de leur caractère extraordinaire ». Sur ce point, j’aurais apprécié de la part de l’auteur une analyse plus détaillée de l’état de l’empirie. Ayant présenté, de manière accessible, plusieurs des débats techniques contemporains autour des preuves parapsychologiques, et ayant fourni toutes les références pour que chacun se fasse son avis, je suis plus que tout désireux de pouvoir engager le débat sur ces études.

Charpentier a cru percevoir une contradiction dans mon propos (p. 170), lorsque j’explique qu’une expérimentation parapsychologique reconstituée pour la télévision présente des conditions de contrôle très insuffisantes qui ne correspondent pas aux conditions réelles de l’étude. La contradiction est vite levée si on rétablit intégralement la citation que Charpentier a tronqué. Ainsi, je ne dis pas (p. 170) que les participants restent au même endroit avec tantôt un rideau, tantôt un mur coupant partiellement la pièce ; mais qu’ils sont placés dans des lieux différents coupant court à toute possibilité de communication sensorielle (vue, ouïe, odorat…). Autre contradiction ajoutée dans la foulée : l’auteur juge « savoureux » que j’écrive plus loin (p. 211) que le psi semble se défaire de tout obstacle physique. Or, le mur en question n’est pas là pour empêcher la « télépathie », mais tout bonnement la communication sensorielle classique.

La recension se conclut en qualifiant mon essai de pamphlet et de « règlement de comptes avec les soi-disant ennemis de la curiosité scientifique ». J’accepte ce verdict. Toujours est-il qu’il faut distinguer sa « forme littéraire » de la qualité des arguments qui en font le contenu.

Renaud Evrard

Références

[1] Cardeña E, "The experimental evidence for parapsychological phenomena : A review", American Psychologist, 73, 663-677, 2018.

[2] Evrard R, « Si le psi existait, ça se saurait ! Défiances et préjugés quant à l’étude scientifique du paranormal », Scepticisme scientifique, 1, 19-36, 2022.

[3] Bem DJ et al., "Feeling the future : A meta-analysis of 90 experiments on the anomalous anticipation of random future events", F1000 Research, 4, 1188, 2015.

[4] Evrard R, La légende de l’esprit. Enquête sur 150 ans de parapsychologie, Trajectoire, 2016.

[5] Radin D et al., "Psychophysical Interactions with Entangled Photons : Five Exploratory Studies", Journal of Anomalous Experience and Cognition, 1(1-2), 9–54, 2021.


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Publié dans le n° 347 de la revue


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Auteur de la note

Thierry Charpentier

Ancien ingénieur système en informatique, spécialisé (…)

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