Principaux résidus et contaminants de la chaîne alimentaire
Publié en ligne le 22 mars 2025 - Alimentation -
La sécurité alimentaire a toujours préoccupé les humains. L’enjeu initial était d’avoir accès à de la nourriture en quantité suffisante. Mais de nos jours c’est la salubrité des aliments qui constitue le plus grand défi. Aujourd’hui, selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, agence spécialisée des Nations unies), la sécurité alimentaire « existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » [1]. Cela suppose une absence de contamination des aliments par divers agents chimiques ou biologiques qui peuvent engendrer à court ou à long terme des effets sur la santé des consommateurs. Ces agents peuvent être des restes de substances volontairement utilisées lors de la production d’aliments (on parle alors de résidus) ou des agents chimiques ou biologiques externes non attendus qui s’immiscent dans la chaîne alimentaire (on parle alors de contaminants).
Quels résidus et contaminants dans la chaîne alimentaire ?
Des aliments sains peuvent se définir comme étant des aliments dans lesquels résidus (de pesticides, de médicaments…) et contaminants sont absents, ou du moins présents en teneurs suffisamment faibles pour ne pas affecter la santé des consommateurs. Compte tenu des moyens d’analyse capables de détecter des traces infimes de composés à des concentrations telles qu’elles n’auront aucun effet sur la santé du consommateur, l’absence complète est difficile à obtenir. Ces résidus et contaminants peuvent s’immiscer à différents points d’entrée de la chaîne alimentaire : il est ainsi nécessaire de considérer cette chaîne alimentaire dans sa globalité, c’est à dire « de la fourche à la fourchette » [2] (premier encadré).
On distingue deux types de dangers majeurs risquant d’affecter la salubrité des aliments : les composés chimiques et les organismes biologiques [3].
Les agents chimiques
Les dangers chimiques se caractérisent par leur persistance qui peut être faible ou prolongée. Dans le premier cas, on redoute essentiellement des effets à court terme comme par exemple des indigestions, irritations et intolérances, tandis que, pour les composés plus persistants, ce sont surtout les effets à moyen et long terme qui sont redoutés. Ceux-ci se manifestent généralement après une période d’accumulation dans certains organes comme les reins (exemple du cadmium, élément néphrotoxique appartenant à la famille des métaux lourds) ou certains tissus gras (exemple des dioxines et biphényles polychlorés, ou PCB, composés lipophiles susceptibles d’engendrer des effets toxiques tels que cancers et dérèglements hormonaux).
Les agents biologiques
Les agents biologiques peuvent être dangereux en eux-mêmes ou par les toxines émises. Ils se démarquent par le fait qu’ils peuvent se multiplier naturellement après introduction dans la chaîne alimentaire, mais aussi par le fait qu’il est possible de stopper leur croissance, voire de les neutraliser, par l’application de certains traitements physiques ou chimiques. Les effets néfastes sont souvent observés à court terme. Le système digestif, par exemple, peut être atteint de façon bénigne (simple indigestion) ou sévère (dysenteries, toxémies), voire fatale.
Les dangers chimiques
Les dangers chimiques sont tout d’abord dus à des composés d’origine naturelle, avec une présence dans l’environnement de production alimentaire qui peut être aggravée par certaines activités humaines historiques. C’est le cas de nombreux éléments tels que des métaux lourds comme le plomb, le mercure et le cadmium [4]. C’est également le cas de composés chimiques organiques générés par des moisissures (mycotoxines) aux propriétés toxicologiques redoutables (induction de cancers, maladies rénales, hépatiques, neurodéveloppementales, etc.) [5].
Les activités humaines liées à la production alimentaire sont également responsables de la présence de certains de ces composés dans la chaîne alimentaire (on parle, dans ce cas, de résidus – pesticides, intrants, etc.). Finalement, on mentionnera les agents chimiques apparaissant suite à un traitement (surtout thermique) réalisé à divers points du processus de transformation des aliments ou de préparation culinaire (que ce processus soit industriel ou ménager) [6, 7].
Soulignons toutefois que de nombreux contaminants sont à la fois naturellement présents dans l’environnement de production alimentaire et issus des activités humaines : c’est le cas des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) [8] et de certains produits organiques persistants (POP) comme les dioxines, synthétisés par la nature (par exemple, lors d’incendies de forêts) mais également générés par certaines activités humaines telles que l’industrie métallurgique, les transports, l’incinération des déchets, etc. [9].

Il existe également une catégorie de contaminants chimiques qui, au départ, a été synthétisée par l’Homme pour des usages spécifiques (comme les pesticides, voir encadrép. 25), puis bannis en raison de propriétés délétères, mais toujours présents dans l’environnement. Des exemples bien connus sont le DDT (un insecticide organochloré définitivement banni dans ses usages agricoles en 2001 [10]) et les PCB, composés ayant connu divers usages industriels (par exemple comme liquide isolant dans les condensateurs électriques) et interdits (en France en 1987) quelques décennies après leur mise sur le marché.

L’environnement et les intrants de production interviennent tout en amont mais sont suivis de nombreuses autres sources de contamination lors du transport, de la conservation et de la transformation des produits pour aboutir aux denrées alimentaires qui seront consommées (voir le corps du texte pour la signification des abréviations utilisées).
Source de la figure
Pussemier L, Goeyens L, Des aliments sains pour une nutrition de qualité, Safe Food Consult & Life and Chemistry Office, 2020.
Il est utile également de préciser que de nombreuses contaminations chimiques se réalisent de façon indirecte. C’est le cas par exemple de certains matériaux entrant en contact avec les aliments (emballages, ustensiles de cuisine, vaisselle…) qui peuvent libérer des métaux lourds à partir de matériaux en céramique ou métalliques, des perturbateurs endocriniens (plastifiants et autres composants des matières plastiques) et des composés perfluorés aux vertus antiadhésives et imperméabilisantes (PFAS) [11].
Les dangers biologiques
Les dangers biologiques proviennent de nombreux organismes pathogènes (bactéries, virus, champignons et parasites) susceptibles de contaminer les aliments [12].
Parmi les bactéries, on mentionnera essentiellement les salmonelles, mais aussi des indicateurs de pollution fécale comme Escherichia coli dont certaines souches présentent un degré de pathogénicité redoutable. Le genre Listeria est également préoccupant car il comprend des agents susceptibles de se développer à basse température et d’occasionner la listériose, une maladie dont les effets peuvent être très dangereux, surtout lorsque le système immunitaire est affaibli, comme c’est plus souvent le cas chez les personnes âgées, les femmes enceintes et les nouveau-nés.
Parmi les virus, à côté de celui responsable de l’hépatite A, on mentionnera la famille des norovirus affectant souvent les productions de fruits de mer. Enfin, il est utile de rappeler que la famille des agents biologiques comprend également des organismes plus évolués comme les amibes ou les vers parasites.
Les mycotoxines, quant à elles, sont générées par les moisissures, soit au champ, soit pendant la conservation des denrées.
Régulièrement, les médias alertent sur la présence de résidus de pesticides dans nos aliments et vont parfois jusqu’à conseiller d’éviter de consommer certains fruits et légumes (voir par exemple [1]), au risque de remettre en cause les recommandations nutritionnelles fondamentales telles que la consommation quotidienne de cinq portions de fruits et légumes. En 2022, une association de consommateurs révèle que « plus de la moitié des fruits et légumes de l’agriculture intensive testés sont contaminés par des pesticides suspectés d’être cancérogènes, toxiques pour la reproduction ou l’ADN ou perturbateurs endocriniens » [2]. Qu’en est-il vraiment ? Faut-il réellement craindre que la présence de ces résidus impacte notre santé ? Que dit la science à ce sujet ?
Conformément à la législation de l’Union européenne, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa) est tenue de fournir chaque année un rapport évaluant les niveaux de résidus de pesticides dans les aliments sur le marché européen. Le dernier rapport publié (avril 2023) porte sur l’année 2021 [3]. Des dizaines de milliers d’échantillons représentatifs du « panier de la ménagère » ont ainsi été prélevés et plusieurs centaines de résidus recherchés dans chacun d’eux. Au total, 96,1 % des échantillons analysés se situaient dans les limites légales et donc 3,9 % dépassaient les limites maximales autorisées (LMR – limites maximales de résidus). Ce taux est descendu à 2 % pour les produits originaires de l’Union européenne, voire 1,3 % si l’on fait intervenir, au bénéfice du producteur, la marge d’incertitude liée à l’imprécision inhérente aux méthodes analytiques utilisées. Le taux de dépassement des LMR a diminué entre 2020 et 2021, passant de 5,1 % à 3,9 %.
Rappelons que les limites maximales de résidus sont des seuils réglementaires établis de manière à ce que les quantités de résidus qu’un individu est susceptible de retrouver quotidiennement dans son alimentation soient compatibles avec le respect des bonnes pratiques agricoles (dosage, moment d’application, etc.) et qu’elles ne soient, en outre, en aucun cas toxiques, à court et à long terme, donc bien en dessous des valeurs toxicologiques de référence (voir encadré suivant) [4].
L’Efsa conclut que « globalement, pour la plupart des échantillons analysés dans le cadre des programmes de surveillance des pesticides de 2021, l’exposition alimentaire aux pesticides pour lesquels des valeurs limites d’exposition professionnelle sont disponibles est très faible pour présenter un risque pour la santé des consommateurs ». L’agence précise que, dans les rares cas où l’exposition alimentaire est susceptible de poser un problème, « les autorités compétentes ont pris des mesures correctives appropriées et proportionnées pour faire face aux risques potentiels pour les consommateurs, comme le retrait de l’échantillon du marché ou son rappel avant même qu’il ne soit mis sur le marché ».
Par ailleurs, régulièrement, les autorités sanitaires, tant au niveau européen qu’au niveau national, décident de l’interdiction de certains produits. En effet, les connaissances sur les propriétés toxicologiques des différentes matières actives, ainsi que leurs interactions, évoluent avec le temps, tout comme les méthodes d’évaluation s’améliorent. De plus, l’exposition réelle des consommateurs peut également évoluer lorsqu’une matière active particulièrement efficace voit ses usages se multiplier. C’est ainsi que récemment (2020) on a vu l’interdiction de deux insecticides (le diméthoate et le chlorpyriphos) [5].
Références
1 | « Pesticides : quels fruits et légumes faut-il éviter de consommer ? », Europe1, 20 février 2018.
2 | « Pesticides à risques, 50 % de fruits et légumes contaminés : le temps n’est plus au laxisme avec les pesticides », UFC-Que Choisir, 24 mars 2022.
3 | Carrasco Cabrera L et al., ‘‘2021 European Union report on pesticide residues in food’’, EFSA Journal, 2023, 21 :e07939.
4 | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, « Maîtrise des produits phytosanitaires : limites maximales de résidus (LMR) », page web, 29 avril 2013.
5 | Journal officiel de l’Union européenne, « Règlement d’exécution (UE) 2020/17 de la Commission du 10 janvier 2020 portant sur le non-renouvellement de l’approbation de la substance active ‘‘chlorpyriphos-méthyl’’ ». Sur eur-lex.europa.eu
Les contaminations par des agents biologiques, et notamment par les bactéries pathogènes, peuvent poser des problèmes particuliers dans la gestion de l’hygiène des denrées car un simple contact avec un outil non désinfecté ou une surface de travail souillée peut permettre aux bactéries de se développer et engendrer un problème plus ou moins sérieux de contamination alimentaire.
Selon Santé publique France, chaque année en France, entre 10 000 et 16 000 personnes sont touchées par une toxi-infection alimentaire collective (Tiac), que ce soit en milieu familial, en restauration commerciale ou collective [13]. Pour être qualifiée de Tiac, une intoxication doit toucher au moins deux personnes. Les Tiac sont à déclaration obligatoire par le médecin. En 2022, l’agence de santé rapportait 16 763 personnes qui en étaient victimes, conduisant à 643 hospitalisations et 17 décès (ce dernier chiffre étant à prendre avec précaution car la cause de décès n’est pas toujours bien renseignée). La principale cause était une salmonellose (42 % des cas) [14]. En 2011, une toxi-infection particulièrement importante a touché environ 4 000 personnes dans une quinzaine de pays de l’Union européenne. Due à une bactérie E. Coli présente sur des lots de graines à germer de fenugrec importées d’Égypte et issues de l’agriculture biologique, elle a causé une cinquantaine de décès et près de 900 cas de syndrome hémolytique urinaire, essentiellement en Allemagne, principal pays impacté [15].
Aux Tiac, il convient d’ajouter les infections alimentaires individuelles, plus nombreuses, mais plus difficiles à comptabiliser. Pour la période 2008-2013, Santé publique France les évaluait entre 1,28 et 2,23 millions par an, donnant lieu à un nombre d’hospitalisations allant de 15 800 à 21 200 et conduisant à un nombre de décès entre 232 et 358 [16]. Un tiers de ces infections trouvent leur origine au domicile (hygiène, non-respect de la chaîne du froid, etc.) [17].
Le concept d’évaluation du risque et son application aux risques chimiques
Les dangers potentiels identifiés dans l’ensemble de la chaîne alimentaire sont particulièrement nombreux. Il est donc impératif pour les autorités sanitaires, mais également pour les fabricants, d’établir des priorités afin de pouvoir mettre au point une stratégie efficace de maîtrise des risques. Car si de nombreux dangers peuvent causer un problème sanitaire, rien ne permet de penser que le risque est toujours avéré et que son importance est identique dans tous les cas. C’est pourquoi la réglementation oblige à réaliser une évaluation du risque qui doit permettre, ensuite, de cibler les agents chimiques et biologiques nécessitant le plus de vigilance.

L’évaluation du risque consiste à calculer la probabilité que la population dans son ensemble, ou certaines fractions plus sensibles d’entre elle (femmes enceintes et jeunes enfants, par exemple) soient exposées à des teneurs en agents toxiques pouvant entraîner des effets néfastes. Pour les composés chimiques, le seuil à partir duquel ces effets peuvent se manifester est fixé par la valeur toxicologique de référence du résidu ou contaminant [18] (voir encadré ci-dessous). Pour les agents biologiques, une approche méthodologique similaire est appliquée afin d’apprécier le niveau d’exposition potentiel du consommateur et la gravité des effets néfastes attendus. Pour réaliser ces estimations de l’exposition du consommateur, il est généralement fait appel à la modélisation [19].
La comparaison de cette valeur toxicologique de référence à l’exposition estimée du consommateur pour un contaminant donné (les sources d’ingestion peuvent être multiples) permet d’estimer l’importance du risque : si l’exposition dépasse la valeur toxicologique de référence, le risque est jugé inacceptable ; en revanche, une exposition largement inférieure autorise à conclure que le risque est négligeable.
Pour le consommateur moyen, les risques les plus élevés pour les agents chimiques sont rencontrés dans le cas de contaminants environnementaux comme les métaux lourds (exemple du mercure présent dans certains poissons prédateurs comme le thon) ainsi que les dioxines et PCB (risque également lié à la consommation de poisson, mais cette fois-ci les poissons gras comme le maquereau et le hareng) [20]. Des composés organiques naturels comme les mycotoxines posent également problème. Comme on l’a vu, celles-ci sont générées par des moisissures, soit au champ (exemple des fusariotoxines produites par un champignon affectant les céréales), soit pendant la conservation des denrées (exemple des aflatoxines et de l’ochratoxine produites dans des produits oléo-protéagineux comme les arachides et les pistaches).
La valeur toxicologique de référence (VTR) d’un composé chimique est déterminée à partir d’une batterie de tests de laboratoires effectués sur des organismes vivants (comme les rats, les souris, les lapins, etc.), sur des cultures de cellules ou sur tout autre système d’expérimentation in vitro permettant de mesurer avec précision la plus faible teneur en contaminant susceptible de provoquer un effet délétère sur la santé, à court terme (toxicité aiguë) ou à long terme (toxicité chronique). Des modèles mathématiques permettent ensuite de déterminer, à partir de ces données expérimentales et moyennant la prise en compte de divers facteurs d’incertitude, les doses qu’un être humain peut ingérer sur un laps de temps défini (jour, semaine ou mois) sans risque pour la santé (dose sans effet nocif observable).
Ces doses sont généralement exprimées en milli, micro ou nanogrammes de composé chimique et constituent les valeurs toxicologiques de référence. Une forme particulière très utilisée dans l’alimentation est la dose journalière admissible (DJA) qui peut être exprimée en milligrammes de contaminant ingérable par kg de poids corporel (du consommateur) et par jour [1].
Référence
1 | Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Valeurs toxicologiques de référence : guide d’élaboration », Rapport d’expertise collective, juin 2017. Sur anses.fr
Une situation à risque important est également rencontrée pour certains contaminants comme les dérivés chlorés du glycérol (3MCPD, 2-MCPD, glycidol…) générés dans les sauces soja et les produits riches en huiles lors des étapes d’hydrolyse des protéines et de raffinage des graisses nécessitant de l’acide chlorhydrique [21], ainsi que lors de certaines transformations industrielles et préparations culinaires impliquant des hautes températures. On peut citer ici l’exemple de l’acrylamide, produit cancérogène généré lors des fritures, du toastage du pain ou de la torréfaction du café [22].
Pour les composés introduits dans la chaîne alimentaire du fait des pratiques agricoles (résidus de pesticides et de médicaments vétérinaires, conservateurs), des limites en résidus réglementaires sont fixées (LMR – limites maximum de résidus), au-delà desquelles la commercialisation n’est plus autorisée. Elles sont déterminées afin de s’assurer que la quantité ingérée par une population donnée ne dépasse pas la valeur toxique de référence compte tenu des habitudes alimentaires d’un consommateur moyen et de l’ensemble des denrées susceptibles de contenir le résidu en question. De nombreux contrôles sont réalisés par les opérateurs ainsi que par les autorités officielles pour s’assurer du respect de la législation.

L’ergot de seigle, champignon parasite de nombreuses céréales et graminées, provoque une intoxication nommée ergotisme ou « feu de Saint Antoine », pouvant mener à une gangrène des extrémités : Bosch illustre cela notamment avec ce pied coupé posé au sol sur un linge blanc. St Antoine, réputé avoir résisté au « feu des tentations », devint le patron de l’ordre hospitalier des Antonins, précurseurs de l’Assistance publique dès le XIIes. La suppression du pain ergoté, en éliminant la cause de l’intoxication, assura longtemps la réputation des Antonins.
Notons que pour certains composés cancérogènes susceptibles de s’attaquer à l’ADN (composés génotoxiques), cette approche n’est pas admise car il n’est pas possible de dégager une VTR (voir encadrép. 27) stricto sensu. En effet, de toutes petites quantités peuvent déjà être problématiques et présentent, de ce fait, un risque inacceptable d’induction de cancer (par exemple : aflatoxines, acrylamide, hydrocarbures aromatiques polycycliques…). Dans ce cas, le principe en vigueur est de fixer la limite maximale acceptable au niveau le plus bas possible compte tenu des valeurs naturellement présentes dans les aliments. Toutefois, les composés chimiques destinés à être introduits délibérément dans la chaîne alimentaire du fait des pratiques agricoles (pesticides et additifs) sont interdits en cas de génotoxicité avérée.
Conclusion
Si dans l’esprit de nombreux consommateurs, les résidus de pesticides et leur toxicité constituent un souci majeur quant à la sécurité sanitaire de leur alimentation, force est de constater qu’ils ne représentent qu’une toute petite fraction des contaminants auxquels ils sont exposés via leur alimentation. À titre d’illustration, le site Rappel Conso mis en place par le gouvernement en 2021 a recensé pour l’année 2022 un total de 1 222 rappels de produits alimentaires. Près de 55 % d’entre eux étaient liés à un danger biologique contre 15 % environ pour les dangers chimiques (le reste porte sur des défauts d’information, fraudes sur le contenu, etc.) [23]. En ce qui concerne spécifiquement les risques représentés par les résidus de pesticides, l’Inserm, dans l’expertise collective qu’elle a menée sur le sujet (2021), constate que « les risques potentiels liés à l’alimentation semblent maîtrisés selon l’état des connaissances actuelles », même si elle invite à plus de recherches, en particulier sur de possibles « effets cocktails » [24].
Il convient donc de relativiser ce risque lié aux résidus de pesticides compte tenu du fait que leur pertinence d’un point de vue toxicologique paraît bien moindre que celle imputable à d’autres contaminants tels que les dioxines, les mycotoxines, l’acrylamide et les métaux lourds pour les effets à long terme, et les agents biologiques pour les effets à plus court terme (cas faisant l’objet de rappels les plus fréquents par les autorités).
1 | Food and Agriculture Organization of the United Nations, « Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale », Sommet mondial de l’alimentation, 13 novembre 1996. Sur fao.org
2 | Fung F et al., ‘‘Food safety in the 21st century’’, Biomedical Journal, 2018, 41 :88-95.
3 | Renwick AG et al., ‘‘Risk characterisation of chemicals in food and diet’’, Food and Chemical Toxicology, 2003, 41 :1211-71.
4 | Rai PK et al.,‘‘Heavy metals in food crops : health risks, fate, mechanisms, and management’’, Environment International, 2019, 125 :365-85.
5 | Pleadin J et al., ‘‘Mycotoxins in food and feed’’, Advances in Food and Nutrition Research, 2019, 89 :297-345.
6 | Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Dangers chimiques liés à la présence de substances néoformées dans les aliments au cours des procédés de fabrication, de transformation et de préparation des aliments », Fiche outil, novembre 2015. Sur anses.fr
7 | Nerín C et al., ‘‘Food contamination during food process’’, Trends in Food Science & Technology, 2016, 48 :63-8.
8 | Bansal V, Kim KH, ‘‘Review of PAH contamination in food products and their health hazards’’, Environment International, 2015, 84 :26-38.
9 | Guo W et al., ‘‘Persistent organic pollutants in food : contamination sources, health effects and detection methods’’, International Journal of Environmental Research and Public Health, 2019, 16 :4361.
10 | « Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP) », texte et annexes, 2009. Sur pops.int
11 | Ramírez Carnero A et al., ‘‘Presence of perfluoroalkyl and polyfluoroalkyl substances (PFAS) in food contact materials (FCM) and its migration to food’’, Foods, 2021, 10 :1443.
12 | Li M et al.,‘‘Identification of biological hazards in produce consumed in industrialized countries : a review’’, Journal of Food Protection, 2018, 81 :1171-86.
13 | Santé publique France, « Près de 2 000 toxi-infections alimentaires collectives déclarées en France en 2022 », actualités, 21 février 2024.
14 | Santé publique France, « Surveillance des toxi-infections alimentaires collectives : données de la déclaration obligatoire 2022 », bulletin national, 21 février 2024.
15 | Autorité européenne de sécurité des aliments, « L’Efsa publie le rapport de sa Task Force sur les foyers épidémiques d’E. coli 0104 :H4 survenus en Allemagne et en France en 2011 et formule de nouvelles recommandations pour protéger les consommateurs », news, 5 juillet 2011. Sur efsa.europa.eu
16 | Van Cauteren D et al., « Estimation de la morbidité et de la mortalité liées aux infections d’origine alimentaire en France métropolitaine, 2008-2013 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 21 août 2017.
17 | Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Conseils d’hygiène dans la cuisine : dix gestes simples pour prévenir les risques microbiologiques », page web, 24 décembre 2020. Sur anses.fr
18 | Organisation mondiale de la santé, ‘‘Principles and methods for the risk assessment of chemicals in food’’, manual, 21 décembre 2008. Sur who.int
19 | « En bref : évaluation des risques microbiologiques dans les aliments », Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation mondiale de la santé, brochure, 2021. Sur cdn.who.int
20 | Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, « Poissons et produits de la pêche : synthèse des recommandations de l’Agence », 5 juillet 2013. Sur anses.fr
21 | Autorité européenne de sécurité des aliments, « Contaminants liés aux processus de transformation dans les huiles végétales et les aliments », 3 mai 2016. Sur efsa.europa.eu
22 | Autorité européenne de sécurité des aliments, ‘‘Acrylamide in food is a public health concern’’, 4 juin 2015. Sur efsa.europa.eu
23 | Analyses qualité microbiologie conseil, « Bilan des rappels de produits alimentaires 2022 », actualités, 10 septembre 2023. Sur aqmc.fr
24 | Institut national de la santé et de la recherche médicale, « Pesticides et effets sur la santé : nouvelles données », expertise collective, 2021.
Publié dans le n° 350 de la revue
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L'auteur
Luc Pussemier

Expert en sécurité des aliments auprès du Conseil supérieur de la santé (Bruxelles). Il a dirigé un laboratoire (…)
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