« Science officielle », « science réglementaire » : comment discréditer la science au nom de la science
Publié en ligne le 9 avril 2025 - Information scientifique -
« Science officielle », « science réglementaire » : comment discréditer la science au nom de la science
Certains promoteurs de pseudo-sciences tentent de légitimer leurs affirmations en dénonçant une supposée « science officielle » qui leur interdirait toute reconnaissance. Selon eux, cette science dominante serait protégée par des gardiens du savoir, soucieux de préserver leurs intérêts et d’étouffer toute approche alternative. Pour justifier leur approche, les partisans des médecines alternatives rejettent la « médecine officielle » et revendiquent une autre médecine, par exemple « holistique », « quantique » ou « intégrative ». Ils proclament l’efficacité de pratiques fondées sur des concepts ésotériques là où les analyses rigoureuses n’observent, au mieux, qu’un effet placebo. De même, certains opposants au consensus scientifique sur le climat accusent la « science officielle » d’étouffer leurs explications alternatives des causes du réchauffement climatiques [1].
Une variante plus subtile de cette rhétorique reprend l’idée de deux sciences distinctes et oppose une prétendue « science réglementaire » à propos de laquelle est affirmé « ce n’est pas de la science » à ce qui serait « la science tout court » [2]. Ces deux « sciences » produiraient des vérités opposées, parfois contradictoires. Les militants qui contestent les avis scientifiques sur les produits phytosanitaires (pesticides) et les journalistes qui leur font écho usent abondamment de cette argumentation (voir par exemple [3]).
En réalité, la diversité des finalités ne révèle pas des sciences concurrentes, mais implique des processus spécifiques avec des exigences propres. Ainsi, la réglementation s’intéresse aux risques pour les personnes ou pour les écosystèmes. Les procédures d’évaluation y sont précisément codifiées et s’appuient sur l’utilisation conjointe de données académiques, de bases de données existantes, de résultats des études réglementaires que doivent réaliser ou faire réaliser les industriels via des laboratoires certifiés, etc. (voir par exemple [4]). Il en est de même quand on veut utiliser la science pour faire avancer la connaissance (évaluation par les pairs, etc.) ou pour définir les normes des applications technologiques.
Des mauvaises pratiques existent, qu’il s’agisse de manipulations de données, de conflits d’intérêts ou de fraudes scientifiques, mais elles ne sont pas propres à une finalité particulière. Des industriels ont manipulé la science et les agences réglementaires pour leurs intérêts (industrie du tabac, affaire du Mediator…). De son côté, le monde académique connaît son lot de publications rétractées ou de fraudes. À cela s’ajoutent des « études » publiées par certains groupes militants, qui ne respectent aucun critère scientifique, mais sont largement relayées dans l’espace médiatique comme autant de vérités scientifiques (voir par exemple les récents communiqués de l’Afis 1 sur le tritium dans l’eau ou les résidus de pesticides dans les fruits et légumes).
La connaissance scientifique constitue un corpus universel pouvant servir à de nombreux objectifs : explorer de nouveaux savoirs, comprendre des phénomènes, développer des applications, prévenir les risques et réglementer des usages… Il n’existe donc pas une « science officielle », une « science réglementaire », une « science appliquée » ou une « science alternative », chacune avec ses propres vérités opposables à celle des autres.
Mettre en avant une « science réglementaire » pour discréditer le travail d’agences sanitaires n’a pas plus de fondement que d’opposer une « médecine alternative » à une prétendue « médecine officielle » ou, à l’époque de l’Union soviétique, opposer « science bourgeoise » et « science prolétarienne ». Le véritable enjeu est de veiller à l’intégrité et à l’éthique de toute la production scientifique, en promouvant la transparence, la rigueur et l’évaluation critique des travaux.
1 | " La science ‘officielle’ du climat en roue libre ? ", SCE-info, 28 juin 2024
2 | Laurens S, Sermondadaz S, " Le glyphosate, révélateur de l’influence des lobbys industriels sur la "science réglementaire"", The Conversation, 15 octobre 2023.
3 | Foucart S, " Pesticides SDHi : la controverse révèle le hiatus entre science réglementaire et académique ", Le Monde, 20 septembre 2019
4 | EFSA, "Dealing with evidence", consulté le 25 février 2025
1 Consultables sur www.afis.org
Publié dans le n° 352 de la revue
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