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Biotechnologies végétales et biodiversité

Publié en ligne le 4 juillet 2020 - OGM et biotechnologies -

Les biotechnologies sont des outils de plus en plus puissants permettant d’accélérer le processus de création variétale et faciliter les échanges de gènes entre génotypes d’une même espèce ou d’espèces différentes pour apporter des caractères nouveaux 1.

En particulier, les méthodes issues de l’édition du génome (mutagenèse dirigée et remplacement d’un allèle par un autre) sont assez simples à mettre en œuvre et relativement peu coûteuses. Elles peuvent permettre d’accroître la diversité génétique des variétés cultivées performantes, et le nombre d’espèces cultivées pourrait même augmenter. Ainsi, par exemple, les espèces dites orphelines ou quasi-orphelines (qui ne font pas ou peu l’objet de travaux d’amélioration, que ce soit par un organisme public ou une entreprise privée, comme par exemple le sarrasin, le topinambour, la moutarde, la cameline, l’épeautre, l’avoine, le sainfoin, le lotier...) pourraient bénéficier de ces techniques d’amélioration. En effet, sans grand investissement, il deviendrait possible de développer chez ces espèces de nouvelles variétés par un transfert rapide de gènes d’intérêt. En augmentant le nombre d’espèces cultivées, cela pourrait faciliter la diversification des rotations et la diversité des systèmes de culture.

Maladies de la vigne, Larousse illustré (janvier 1920)

Les biotechnologies peuvent aussi contribuer à maintenir la diversité des espèces déjà cultivées, mais menacées par différents bioagresseurs. Ainsi, sans la mise au point de papayers transgéniques résistants à un virus, cette production aurait disparu d’Hawaii [1]. Aujourd’hui en Europe, la culture de certaines espèces fruitières à noyaux du genre Prunus (prunier, abricotier) est menacée par le virus de la Sharka. Des résistances transgéniques à ce virus ont été mises au point [2] et pourraient donc contribuer à sauver la production de prunes ou d’abricots dans les zones infectées par le virus, même si d’autres voies sont possibles (comme, par exemple, le recours à des croisements avec des espèces apparentées), mais qui sont plus longues à mettre en œuvre [3, 4]. Par la transgénèse ou les méthodes d’édition du génome, il serait sans doute possible de trouver des solutions pour la résistance à des parasites émergents comme Xyllela fastidiosa chez l’olivier. Sans investissement dans cette direction, l’olivier risque de disparaître des régions méditerranéennes [5]. De même, la variété de banane Cavendish, la plus consommée au monde, est menacée de disparition par un virus et un champignon [6]. La recherche travaille pour trouver des variétés résistantes au virus et au champignon en cause. La transgénèse, qui a déjà donné des résultats intéressants, pourrait être une solution [7].

La mutagénèse dirigée et le remplacement d’un allèle par un autre peuvent aussi permettre de créer rapidement de nouvelles variétés apportant un progrès sur différents caractères agronomiques comme la résistance à différents bioagresseurs, la tolérance à la sécheresse, la valorisation de la fumure azotée, les qualités technologiques ou alimentaires des produits [8]. Il en résulterait une plus grande diversité des variétés cultivées. Un exemple particulier : par le transfert à la vigne des résistances à l’oïdium et au mildiou, ces techniques, par leur précision, permettraient de conserver les qualités œnologiques des cépages, alors qu’elles seraient remises en cause par les méthodes d’amélioration conventionnelles faisant appel à la voie sexuée [9], ce qui est une forme de contribution au maintien d’une biodiversité.

Enfin, avec le changement climatique, le milieu physique et biologique évolue trop vite (forte température, risque de sécheresse, nouveaux bioagresseurs des plantes) par rapport au temps nécessaire à la sélection conventionnelle pour obtenir des variétés adaptées. L’édition du génome pourrait être un moyen de faire évoluer plus rapidement les peuplements végétaux cultivés pour maintenir la diversité des agroécosystèmes face aux changements climatiques en cours [8].

L’impact sur l’environnement biotique de la culture des plantes génétiquement modifiées doit être étudié au cas par cas. Ainsi, la culture de plantes modifiées pour les rendre résistantes aux insectes permet de n’éliminer que les insectes cibles (par exemple la pyrale et la sésamie pour le maïs), ce qui est favorable pour la biodiversité, alors qu’un traitement insecticide classique affecte tous les insectes sans distinction. De façon plus générale, la culture de plantes génétiquement résistantes à des bioagresseurs (maladies, nématodes ou insectes) permet de diminuer le recours aux pesticides, limitant ainsi leur impact sur l’environnement (sols et eau) et donc sur la biodiversité.

Références

1 | Gonsalves D, Ferreira S, “Transgenic papaya : a case for managing risks of Papaya ringspot virus in Hawaii”, Plant Health Progress, 2003, doi :10.1094/PHP-2003-1113-03-RV

2 | Scorza R et al., “Genetic engineering of Plum pox virus resistance : ‘HoneySweet’plum – from concept to product”, Plant Cell Tissue and Organ Culture, 2013, 115 :1-12.

3 | Decroocq S et al., “New insights into the history of domesticated and wild apricot and its contribution to Plum pox virus resistance”, Molecular Ecology, 2016, 25 :4712-29.

4 | Mariette S et al., “Genome-wide association links candidate genes to resistance to Plum Pox Virus in apricot (Prunus armeniaca)”, The New Phytologist, 2015, 209 :773-84.

5 | « Combattre la bactérie Xylella fastidiosa tueuse d’oliviers : Pas simple !  », ForumPhyto, 19 avril 2015.

6 | Slezak M, “Banana apocalypse : genetic modification may save $12bn industry”. The Guardian, 19 novembre 2017.

7 | Dale J et al., “Transgenic Cavendish bananas with resistance to Fusarium wilt tropical race 4”, Nat Commun, 2017, 8 :1496.

8 | Gallais A., 2019, « Apport des nouveaux outils de l’amélioration des plantes pour résoudre les défis de l’agriculture », in Le Buanec B, L’agriculture face à ses défis techniques. L’apport des technologies, Presses des Mines, 216p. 

9 | Pessina S et al., “Knockdown of MLO genes reduces susceptibility to powdery mildew in grapevine”, Hortic Res, 2016, 3 :160616.

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Voir le dossier « OGM : 20 ans de progrès, 20 ans de controverses  », SPS n° 327, janvier 2019.