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Gilles-Éric Séralini débouté dans sa plainte en diffamation

Publié en ligne le 19 décembre 2023 - OGM et biotechnologies -
Compte-rendu de procès

En 2012, le professeur Gilles-Éric Séralini publiait une étude sur des rats concluant à une importante toxicité d’une part du glyphosate et d’autre part d’un maïs OGM [1]. La sortie de l’article était accompagnée d’une opération médiatique avec un article à la une du Nouvel Obs, un livre et un documentaire. L’Afis avait recensé les avis des institutions scientifiques rendus à cette occasion [2] et relayé un appel de scientifiques appelant à la rétractation de l’article [3]. L’article avait finalement été rétracté par la revue en janvier 2014, estimant que les résultats étaient non conclusifs [4] , mais sans l’accord des auteurs.

Les réactions défavorables de la communauté scientifique n’avaient cependant pas empêché une forte médiatisation conduisant la Commission Européenne et la France à lancer plusieurs projets afin de tenter de reproduire les résultats de l’étude. D’un coût total de quinze millions d’euros, ces projets ont finalement conclu à l’invalidité des conclusions de l’étude menée par Gilles-Éric Séralini [5].

Si l’affaire était close dans le monde scientifique, on aurait pu s’attendre à ce qu’il en soit de même dans les médias. Pourtant, en janvier 2019, France 2 diffusait une émission du magazine Envoyé spécial présentée par Élise Lucet sur le glyphosate, émission dans laquelle le professeur Séralini et son étude étaient réhabilités (voir l’analyse complète de cette émission [6]).

L’émission, et en particulier la présentation qui était faite des travaux de Gilles-Eric Séralini et son équipe, avait beaucoup fait réagir. Ainsi les journalistes Patrick Cohen, Géraldine Woessner et le vulgarisateur scientifique MacLesggy s’étaient émus de constater la réhabilitation de l’étude, utilisant des termes tels que « étude frauduleuse » ou « fraudeur Séralini ». Le professeur avait alors porté plainte en diffamation contre ces trois personnes.

L’audience s’est tenue le 1er septembre 2023. Les prévenus avaient cité comme témoin Marc Lavielle, directeur de recherche à l’INRIA qui avait siégé au Haut Conseil des Biotechnologies pendant l’affaire, Marcel Kuntz, directeur de recherche au CNRS en biologie, et Jean-Christophe Pages, professeur des universités et ancien président du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies. La partie civile avait appelé Yvan Le Maho, directeur de recherche émérite au CNRS, Guillaume Tumerelle, avocat, et Claude Gruffat, député européen et président du groupe BioCoop de 2004 à 2019.

Le jugement prononcé le 17 octobre 2023 a ordonné la relaxe des trois prévenus.

Le 23 novembre 2023, le professeur Séralini a donné son compte-rendu personnel du procès [7]. Il présente les conclusions du tribunal en affirmant que « les diffamateurs ont été relaxés pour “bonne foi” » suggérant que ceux-ci avoueraient « ne pas lire les publications scientifiques, ne pas en avoir les compétences ». En arrière-plan, ce sont les « lobbies » qui sont accusés, parmi lesquels Gilles-Éric Séralini range l’Afis à plusieurs reprises.

Afin que nos lecteurs puissent faire leur propre opinion sur les véritables raisons qui ont conduit le tribunal à prononcer une relaxe, nous publions ici le texte complet du jugement qui détaille les arguments apportés par chacune des parties, et les motifs de la relaxe. La « bonne foi » invoquée par le tribunal l’est au sens du droit, c’est-à-dire, la réunion de quatre éléments : la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression, ainsi que l’existence d’une enquête sérieuse » [8].

Précisons qu’il s’agit là du jugement spécifique à Géraldine Woessner ; ceux des autres prévenus étant très similaires, mais chacun était poursuivi pour des propos précis dans des organes de presse distincts.

Nous publions ici la version « image » du jugement qui nous a été transmise ainsi qu’une version « texte » que nous avons générée à partir de la première en utilisant un logiciel de reconnaissance de caractères. Cette version texte permet de faire une recherche par mot clé, mais peut contenir des erreurs de reconnaissance et donc des lettres mal reconnues (merci de nous les signaler si nécessaire).