Comment la musique transforme notre cerveau
Publié en ligne le 17 novembre 2024
Avec quatre mille milliards de chansons téléchargées en un an dans le monde, comment ne pas se demander de quelle façon la musique agit sur les cerveaux ? Michel Rochon est journaliste scientifique et musicien. Il porte ici un regard scientifique, médical et social sur les liens entre l’écoute, la pratique musicale et le cerveau.
Dès l’origine, certaines perceptions sonores intra-utérines permettraient déjà d’induire une forme de plasticité cérébrale 1 et d’y laisser une trace, ce qui laisse penser que notre cerveau est sensible à la musique. L’auteur s’attaque ensuite à quelques mythes souvent répandus, comme la prétendue supériorité intellectuelle des enfants prodiges dans le domaine musical. En fait, leur QI n’est pas significativement supérieur, mais d’autres prédispositions cérébrales pourraient faciliter leur réussite, d’autant que leur pratique précoce et intense intervient au moment où leur plasticité cérébrale est maximale.
M. Rochon apporte un éclairage nuancé sur les bénéfices de la musique pour traiter des troubles mentaux. Si elle peut avoir un effet relaxant, entraînant, euphorisant sur le comportement, la variabilité des résultats des diverses études ne permet cependant pas à l’heure actuelle de conclure sur un quelconque impact à long terme de la musicothérapie.
L’ouvrage devient de plus en plus palpitant, chaque partie aiguise, en crescendo, notre curiosité. L’exploration des liens entre les troubles mentaux et la musique mérite à elle seule que l’on se plonge dans ce chapitre. L’auteur détaille la façon dont la musique est décodée par le cerveau et comment elle est susceptible de l’influencer. Il décrypte aussi l’impact de l’écoute sur la santé mentale, par exemple les liens entre la passion pour le heavy metal et l’acceptabilité du suicide.
Lorsque la musique s’allie aux drogues, son action s’amplifie alors considérablement, comme dans les rituels chamaniques. En Occident, au XVIe siècle, les premiers explorateurs ont d’ailleurs été étonnés de découvrir l’existence de substances permettant d’être bien plus rapidement en contact avec le surnaturel que la prière judéo-chrétienne !
Dans le chamanisme, phénomène universel qui remonterait selon certains historiens à plus de 40 000 ans, ce sont les transes – malgré tout peu étudiées – qui, par la rythmique du tambour affectant le cerveau de manière unique, permettent d’atteindre un état de conscience altéré, voire une impression d’extase vers un monde surnaturel, l’impression de sentir son âme s’envoler ou de vivre une expérience de dissociation corps/esprit.
Dans le domaine de la spiritualité, la musique peut aussi stimuler de vastes réseaux cérébraux à l’aide des cadences tourbillonnantes des derviches tourneurs, les cantillations islamiques envoûtantes, le chant kirtan des bouddhistes ou les psaumes liturgiques.
On appréciera que l’auteur relève le manque de rigueur de certaines études, les trop petites cohortes des cas particuliers ne permettant pas de tirer de conclusions générales. Ce sont des domaines où elles sont légion. Des encarts en fin de chapitres présentent principalement des références musicales et trop peu de références scientifiques et médicales, mais la générosité de l’ouvrage ouvre des pistes intéressantes. La musique a le pouvoir de secouer notre psyché, il est passionnant de tenter de comprendre sa puissance.
1 La capacité du cerveau à créer de nouveaux neurones et connexions.
Publié dans le n° 351 de la revue
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