Énergie primaire ou énergie finale ?
Publié en ligne le 16 mai 2022 - Énergie -L’énergie primaire est celle dont on peut disposer avant toute transformation. Ce peut être, par exemple, l’énergie du charbon, du gaz, du pétrole brut, ou du bois, ou encore l’énergie du vent ou du rayonnement solaire. Elle correspond à des sources d’énergie disponibles dans la nature.
L’énergie finale est celle directement disponible pour un utilisateur (particulier, entreprise, industrie) pour sa consommation. C’est celle dont la quantité est affichée au compteur. Ce peut être l’énergie chimique contenue dans l’essence raffinée ou encore le kWh électrique. Comme il y a nécessairement des pertes lors des transformations, la quantité d’énergie finale distribuée aux consommateurs est inférieure à la quantité d’énergie primaire.
C’est surtout pour l’électricité que la différence est importante. En effet, l’électricité ne se puise pas directement dans l’environnement et nécessite un processus de transformation, avec une perte d’énergie importante, en particulier dans le cas de la production à partir de chaleur (voir encadré ci-dessous).
L’électricité peut être produite de différentes manières. La production à partir de la chaleur est aujourd’hui le mode de production principal, en France et dans le monde. De la vapeur d’eau est injectée sous pression dans une turbine qui va entraîner la rotation d’un alternateur et produire ainsi de l’électricité. La vapeur peut être obtenue à partir de la chaleur générée par des combustibles fossiles (la plupart du temps du charbon), des sources d’énergies renouvelables (par exemple du bois) ou des réactions nucléaires.
L’électricité peut aussi être produite à partir d’énergie mécanique sans passer par la vapeur d’eau. L’énergie peut alors provenir d’une turbine à gaz ou d’un moteur à explosion. Elle peut aussi provenir de l’énergie du vent ou de l’énergie hydraulique qui entraîne directement la rotation de l’alternateur.
Le rayonnement solaire peut également être converti directement en courant électrique dans les panneaux solaires via l’effet photovoltaïque.
Le rapport entre l’énergie finale et l’énergie primaire traduit donc le rendement de la transformation (ou les pertes subies dans le processus de transformation). Il dépend bien entendu du mode de production et de la performance des installations.
La notion d’énergie primaire associée à une énergie finale est pertinente pour le cas des énergies fossiles ou du bois, car révélatrice de la consommation de la ressource naturelle, donc des pollutions associées, en particulier celles liées aux émissions de dioxyde de carbone (CO2). Elle l’est beaucoup moins pour le nucléaire, l’éolien, le solaire ou la géothermie. La production d’électricité par géothermie, par exemple, a un mauvais rendement et fait donc apparaître une grande quantité d’énergie primaire par rapport à l’énergie finale, mais il s’agit d’une énergie renouvelable affectant peu l’environnement.
Pour déterminer le contenu en énergie primaire de la production d’électricité, plusieurs méthodologies existent [1] et vont s’appliquer différemment selon la source d’énergie considérée. Ainsi, par exemple [2], pour les énergies directement combustibles (gaz, bois, charbon, etc.), on prend en compte la quantité d’énergie contenue dans le combustible brûlé. Pour le nucléaire, on compte l’énergie de l’eau chaude, largement inférieure à l’énergie contenue dans les atomes combustibles. Pour l’électricité produite par géothermie, on compte la chaleur initiale de la source d’eau chaude. Pour le solaire photovoltaïque, l’éolien ou l’hydroélectricité, on retient l’électricité produite, sans tenir compte des pertes.
Le coefficient d’énergie primaire (Primary Energy Factor) utilisé par bon nombre d’institutions internationales désigne, pour la consommation d’électricité, le rapport entre l’énergie primaire et l’énergie finale. Le choix d’une méthode de calcul plutôt qu’une autre est affaire de convention ou de réglementation.
Ces statistiques couvrent toutes les consommations (pas seulement les usages électriques). La part du nucléaire est très importante dans l’énergie primaire : la production d’électricité par l’intermédiaire de vapeur d’eau a un mauvais rendement qui fait apparaître une consommation d’énergie primaire élevée. Le rendement du processus de conversion de l’énergie nucléaire en électricité est moins bon que celui, par exemple, du gaz.
L’inflexion observée en 2020 est liée à la pandémie de Covid-19. Le rapport entre énergie finale et énergie primaire est d’environ 60 %.
Source
« Chiffres clés de l’énergie, édition 2021 », Service des données et études statistiques, ministère de la Transition écologique. Sur statistiques.developpement-durable.gouv.fr
Le coefficient d’énergie primaire et la réglementation thermique des bâtiments
Dans le cadre de l’action publique, il s’est avéré nécessaire de pouvoir comparer les sources d’énergie finale en termes d’impacts sur les ressources et l’environnement. Ce besoin s’est en particulier fait ressentir dans le bâtiment (chauffage, eau chaude sanitaire, climatisation…) pour comparer l’électricité au gaz, au fioul ou au charbon. Un coefficient (appelé « coefficient d’énergie primaire ») a ainsi été défini. L’Union européenne l’inclut dans sa directive sur l’efficacité énergétique des bâtiments. La détermination de sa valeur fait l’objet d’âpres discussions dans la mesure où les décisions réglementaires qui s’y réfèrent sont de nature à favoriser une filière au détriment d’une autre (réglementations thermiques, label DPE – diagnostic de performance énergétique).
Par convention, le charbon, le gaz ou le fioul utilisés directement pour le chauffage ont un coefficient de 1 (ils sont livrés en l’état). Pour l’électricité, la valeur (initialement fixée en 1972) est de 2,58. Les discussions autour de ces choix sont vives. Pourquoi ne pas prendre en compte les pertes lors du transport et de la distribution des combustibles fossiles ? Si le critère à privilégier est le niveau des émissions carbone, le coefficient appliqué à l’électricité a-t-il encore tout son sens dans le cadre d’une production qui a largement évolué depuis 1972 et qui est maintenant très majoritairement à base de nucléaire et d’énergies renouvelables ?
Dans le bâtiment, la réglementation européenne impose d’estimer l’énergie primaire nécessaire aux différents usages. En France, la réglementation thermique 2012 (RT2012 [3]) exigeait que les constructions neuves consomment moins de 50 kWh par m² et par an d’énergie primaire (valeur modulée selon certains facteurs comme la localisation géographique, l’altitude, etc.). Pour l’électricité, la RT2012 utilisait le coefficient de 2,58 afin de quantifier l’énergie primaire nécessaire pour générer l’énergie finale. La nouvelle réglementation environnementale 2020 (RE2020 [4]) qui entre en vigueur en 2022 a choisi un rapport de 2,3, un peu moins défavorable au chauffage électrique. Le gouvernement justifie ce choix par le fait qu’« il correspond à la valeur moyenne anticipée […] au cours des cinquante prochaines années, permettant ainsi de prendre en compte l’évolution prévisionnelle du mix électrique au cours de la durée de vie des bâtiments neufs ».
Ces réglementations n’appliquent aucun coefficient au chauffage au gaz ou au fioul (bien que des pertes existent lors du transport et de la distribution). De ce point de vue, le chauffage électrique nécessite une isolation 2,3 fois plus efficace pour être permis.
En France, le chauffage électrique est moins émetteur de gaz à effet de serre que le chauffage au gaz (79 grammes de CO2 par kWh [5], contre plus de 200 hors pertes [6]). Malgré cela, la réglementation française a donc encouragé, jusqu’à récemment, le chauffage au gaz, plus émetteur de CO2 ; la majorité des logements neufs des années 2010 ont été construits avec installation de ce mode de chauffage. La nouvelle réglementation environnementale 2020 (RE2020) tient compte de ces émissions et devrait encourager le chauffage par pompe à chaleur électrique.
1 | Esser A, Sensfuss F, “Evaluation of primary energy factor calculation options for electricity”, Energy Efficiency Directive 27/2012/EU, final report, 13 mai 2016. Sur ec.europa.eu
2 | Eurostat, “Calculation methodologies for the share of renewables in energy consumption”, Statistics explained, août 2019.
3 | Ministère de la Transition écologique, « Réglementation thermique RT2012 », 23 novembre 2020.
4 | Ministère de la Transition écologique, « Réglementation environnementale RE2020 », 27 novembre 2020.
5 | Agence de la transition écologique, « Positionnement de l’Ademe sur le calcul du contenu CO2 de l’électricité, cas du chauffage électrique », communiqué de presse, 9 juillet 2020.
6 | Agence de la transition écologique, « Mix électrique France continentale », bilans GES, documentation, 2021.
Publié dans le n° 339 de la revue
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L' auteur
Bertrand Cassoret
Maître de conférences en génie électrique à l’université d’Artois. Il est l’auteur de Transition énergétique, ces (…)
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