Entretien avec Willy Lafran, pour Science et pseudo-sciences

Science et pseudo-sciences. Pouvez-vous rappeler ce qui caractérise ces journées ? Pourquoi les avez-vous mises en place ? Quels sont les principaux objectifs ?

Willy Lafran. L’objectif des Rencontres de l’esprit critique (REC) est de promouvoir auprès du grand public l’intérêt de cultiver sa pensée critique dans tous les domaines de la vie. Les REC proposent également des pistes concrètes pour le faire.

En 2024, plus de la moitié des habitants de notre planète sont invités à participer à différentes élections (présidentielles, européennes, etc.). Les enjeux autour de l’information sont cruciaux. Les technologies aujourd’hui disponibles permettent à quasiment tout le monde de falsifier, caviarder ou valoriser une information, voire d’en créer de purement inventées, et ce, de manière très convaincante. Les grandes plateformes numériques assurent une vitesse de circulation sans précédent. Qu’il s’agisse de santé, de politique ou de société, chacun doit être conscient que l’information qui lui parvient peut être biaisée et qu’il peut être lui-même, sans le vouloir, un maillon dans la chaîne de la désinformation (improvisée ou organisée).

Promouvoir la pensée critique devient donc indispensable à l’élaboration d’une citoyenneté moderne. Cela doit être accessible dès le plus jeune âge, compréhensible de tous, et si possible attractif et ludique. Les collectivités territoriales et les institutions qui parrainent l’événement l’ont compris depuis déjà quatre ans et ont renouvelé leur soutien, malgré un contexte économique compliqué et des budgets serrés.

Merci donc au Sicoval, au département de la Haute-Garonne et à la région Occitanie, mais également au ministère de la Culture, sans qui les Rencontres de l’esprit critique ne pourraient exister. Leur soutien permet en particulier de rendre l’événement gratuit, et donc de diffuser au plus grand nombre et sans distinction le message des REC.

La pensée critique est inséparable de la science et de la méthode scientifique. Les Rencontres visent donc également à favoriser la valorisation des sciences en donnant envie à tous les publics (et en particulier aux jeunes et aux jeunes filles plus spécifiquement) de s’engager dans des filières scientifiques.

2024 : nouveau succès. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Cette année encore, plus de 1 800 personnes sont venues assister à plus de cent tables rondes, conférences et ateliers. Le programme des soirées était également très riche et très varié : une séance de ciné-club avec la projection de Opération Lune, suivie d’une table ronde organisée par les animateurs du podcast « Cinétique » ; de la poésie avec des textes abordant l’esprit critique, lus par Richard Monvoisin et Gabrielle Golondrina et accompagnés par Maela le Badezet, une harpiste de talent (également en concert un peu plus tôt dans la soirée) ; le spectacle « Honnête » de Clément Freze alliant mentalisme et pensée critique, et la première du spectacle de Romain Meunier « Doutes en ronds », mêlant humour, pensée critique et jonglage, véritable succès et révélation de ces rencontres.

Les élus locaux semblent s’intéresser davantage à l’événement.
Chaque année je ressens une appétence de plus en plus forte des élus pour ce festival. Invités à participer depuis la première édition en 2021, leurs premières interventions, principalement lors des séances d’ouverture, étaient assez protocolaires. Nous avons ensuite dédié des sessions à des sujets qui les intéressent directement, comme celui des collectivités confrontées à la désinformation. Cette année, nous sommes allés encore plus loin en les invitant à participer directement aux tables rondes, avec les autres intervenants, sur des sujets comme l’expertise, les médias, les dérives sectaires ou l’intelligence artificielle.

Autre signe de l’intérêt croissant des élus : lors de mon audition à l’Assemblée nationale à l’occasion des États généraux de l’information, des députés ont fait part de leur fort intérêt pour les REC. Des discussions sont en cours pour organiser une version itinérante des Rencontres de l’esprit critiques à l’Assemblée nationale. Projet à suivre.

Quelles autres nouveautés avez-vous introduites dans cette édition 2024 ?
Cette année, la grande nouveauté aura été le lancement des « débats du REC », grâce à l’implication de Peter Barrett, partenaire des REC à travers son entreprise. Pendant les deux jours des Rencontres, une salle lui était réservée. Les sessions étaient entièrement consacrées à l’argumentation et aux méthodes permettant de mener un débat constructif. De nombreux sujets sensibles ont été abordés : sexe et genre, science et idéologie, etc. L’objectif n’était pas de convaincre à tout prix ou d’exposer à sens unique son point de vue, mais de progresser entre protagonistes, de se mettre d’accord sur les désaccords et de démontrer qu’il était ainsi possible de mener des débats constructifs et respectueux sur des sujets clivants.

Cela a représenté un événement important des REC 2024, à la fois sur le fond, la forme et l’intention. Il est en effet indispensable, dès le plus jeune âge, d’apprendre à discuter avec ceux qui ne pensent pas comme soi. Écouter, argumenter, respecter ses interlocuteurs ou ses contradicteurs s’apprend.

Une partie de l’événement est réservée aux enfants. Que leur est-il proposé ?
Chaque année, une salle est réservée aux enfants. Cela permet aussi aux parents d’aller voir une conférence, ou de souffler dans une journée marathon. L’idée est de proposer aux intervenants des tables rondes, conférences et ateliers de venir faire une version adaptée aux plus jeunes sur leurs sujets de prédilection. Les enfants et les parents sont enchantés. Mais pas qu’eux : les intervenants également, qui ont découvert que l’exercice n’est pas forcément facile. Ce dispositif sera amélioré et reconduit.

Les projets pour l’année à venir ?
Je travaille sur des « REC itinérants », dans les grandes villes françaises, mais aussi en ruralité.
Les élus ou associations qui seraient intéressées pour proposer un REC sur leurs territoires peuvent me contacter (willy@lesrec.fr).

La formation fait aussi l’objet de plusieurs projets : l’idée serait de proposer aux intervenants invités aux REC ou aux « REC itinérants » de se rendre disponibles pour donner des formations sur leurs domaines de compétences aux élus et agents des collectivités (au moins dans un premier temps, avant d’envisager d’autres publics). Les intervenants intéressés peuvent inscrire directement leurs formations sur l’Intranet des REC auquel ils ont déjà accès.