Full Corporate Bullshit

Fix est auteur et illustrateur. Dans Full Corporate Bullshit, que l’on pourrait traduire par quelque chose comme « Tout sur le baratin en entreprise », il croque le monde de l’entreprise au moyen d’un lexique d’environ deux cents entrées. Chacune présente une courte définition pleine d’humour avec, en vis-à-vis, un dessin humoristique. On reconnaît bien les styles dont l’auteur se réclame : Franquin avec Gaston Lagaffe et Gotlib avec sa Rubrique-à-brac (pour les plus anciens qui ont connu cette époque). Les lecteurs de Science et pseudo-sciences liront avec délectation les entrées relatives à la mode des coachs et du développement personnel en entreprise, à la notion d’expert et d’expertise, à l’intrusion de l’intelligence artificielle dans le monde du travail ou encore au « bilan carbone ». Le mot « quantique » est présenté comme un « adjectif à la mode à accoler à tout ce que vous voulez vendre ». Concernant les neurosciences qui « essaient patiemment de comprendre le fonctionnement de cette vaste nébuleuse grisâtre qu’est le cerveau humain », la définition précise que « chaque découverte mineure est immédiatement et honteusement déformée par des auteurs de livres de management à la mode, pour les appliquer à des sujets auxquels ils ne s’appliquent pas »… Les biais cognitifs, ces « comportements étranges de notre cerveau qui font que nous ne sommes pas des êtres entièrement rationnels », sont également évoqués. Mais leur surmédiatisation et leur récupération par tous les « experts-coachs-conférenciers » sont raillées : « Tout le monde en parle, notamment pour expliquer que le comportement d’untel ou untel est biaisé, alors que le nôtre, non, on est des gens bien. »

L’auteur nous décrit la vie en entreprise d’une façon très humoristique, mais tellement réaliste, donnant l’impression qu’il était parmi nous à la machine à café – ce lieu de rencontre qui, « tel le point d’eau au milieu de la savane aride », voit se côtoyer « grands fauves et paisibles herbivores » ou dans ces innombrables réunions qui rythment la vie de la plupart des services centraux, dont la durée est « aléatoire mais longue ».

Les personnages sont ceux d’une entreprise fictive, tous représentés sous forme d’animaux : le patron en éléphant, Lambert le nouvel embauché plein de bonne volonté en lapin, tout comme Natacha, sa collègue dynamique et compétente « dont on se demande ce qu’elle fait encore là » tant elle pourrait facilement trouver une bien meilleure place ailleurs… Avec un humour mordant, l’auteur qui a longtemps pratiqué le métier de consultant en entreprise sait de quoi il parle en pointant certaines absurdités du monde professionnel.