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L’odyssée des gènes

Publié en ligne le 14 novembre 2020
L’odyssée des gènes

Évelyne Heyer
Flammarion, 2020, 382 pages, 22,90 €

C’est à un passionnant voyage dans le temps que nous invite Évelyne Heyer, professeur en anthropologie génétique, puisqu’avec elle le lecteur suivra les grandes migrations humaines depuis les origine de l’Homme il y a 7 millions d’années jusqu’à l’époque contemporaine. Mais c’est aussi dans un voyage plus classique qu’elle nous entraîne au fil des chapitres, de l’Afrique à l’Asie, de l’Amérique du Nord à l’Australie, nous faisant partager le hasard de ses rencontres pittoresques avec les autorités locales quand il s’agissait d’obtenir leur aide pour des prélèvements ADN auprès des populations locales par exemple.

L’ouvrage est organisé en cinq parties, elles-mêmes découpées en cinq ou six chapitres qui se concentrent chacun sur une période déterminée de notre histoire. Les titres de ces chapitres évoquent et datent le sujet abordé comme « La séparation d’avec les chimpanzés » (-7 millions d’années), « La colonisation de l’Australie » (-50000 ans), « Les migrations forcées des esclaves » (du XVIIe au XVIIIe siècle). É. Heyer emmène ainsi le lecteur sur la piste des grandes migrations humaines, depuis les plus anciennes comme la première sortie d’Afrique il y a près de deux millions d’années, jusqu’aux plus récentes comme l’occupation de l’Islande par les Vikings.

Au fil des pages, elle nous fait également découvrir les méthodes utilisées pour déterminer la chronologie de ces déplacements, des datations de fossiles aux analyses ADN, celles-ci pouvant venir au secours de celles-là à condition que la proximité historique le permette. Car on apprend qu’il n’est pas simple de déterminer l’histoire des migrations avec certitude ; ainsi en va-t-il de la sortie d’Afrique du tout premier hominidé : doit-on la faire remonter à 2,2 millions d’années à cause de la découverte d’objets façonnés en Chine ou à 1,8 million d’années, date du premier jalon indiscutable Dmanissi 1 ? Comme le précise É. Heyer, «  La génétique serait un superbe outil pour résoudre ces relations entre espèces anciennes, mais […] ces restes humains sont trop anciens pour renfermer de l’ADN. » Certaines datations pourraient donc sembler contradictoires mais l’auteur nous rappelle qu’il ne faut pas oublier que certaines branches d’hominidés ont pu tout simplement s’éteindre sans laisser de descendance.

Plus récemment, les analyses ADN ont permis de découvrir que des relations fécondes entre Homo sapiens et Homo neanderthalensis avaient eu lieu puisque « la part des fragments d’ADN néandertaliens dans le génome européen est d’environ 2 % ». Pour les époques récentes, on peut suivre plus finement les déplacements des populations humaines : « Ainsi, en comparant les chromosomes X et le reste du génome, on parvient à retracer si les migrations sont celles d’hommes, de femmes ou des deux. » De même, l’analyse de l’ADN mitochondrial qui, contrairement à l’ADN contenu dans le noyau, présente la particularité de ne se transmettre que de mère à fille, permet de comprendre si les mélanges de population ont eu lieu plutôt par l’intégration de femmes aux communautés locales.

Bien sûr on peut s’interroger sur certaines hypothèses non encore définitivement étayées, d’autant que par le passé certaines nouvelles découvertes de fossiles ou certaines études génétiques ont pu remettre en question des interprétations antérieures. L’auteur elle-même, en nous faisant partager les erreurs d’analyse qui ont pu avoir lieu autrefois, nous rappelle que la prudence reste de mise.

Cet ouvrage, fruit des voyages d’É. Heyer aux quatre coins du monde et de l’analyse très poussée des ADN qui ont ainsi pu être collectés, reste accessible à tous et fait partager au lecteur les derniers apports scientifiques de la génétique à la paléoanthropologie. Une bibliographie en fin d’ouvrage permet aussi à chacun d’approfondir le sujet.

1 Les fossiles humains anciens découverts à Dmanissi reposaient sur une couche volcanique basaltique précisément datée de 1,78 million d’années et sont eux-mêmes datés de 1,77 Ma.


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Publié dans le n° 335 de la revue


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Auteur de la note

Thierry Charpentier

Ancien ingénieur système en informatique, spécialisé (...)

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