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La numérologie dans les entreprises

Publié en ligne le 24 novembre 2007 - Numérologie et nombre d’or -

L’astrologie et la graphologie font partie du registre des techniques revendiquées par bon nombre de consultants en ressources humaines. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, du moins à un esprit rationnel, la numérologie figure aussi dans le catalogue des méthodes proposées et mises en œuvre. S’agit-il de déterminer la meilleure date de lancement d’un nouveau produit, de la création d’une société, ou le nom le plus approprié d’un nouveau produit ou d’une raison sociale ? Un jonglage avec des dates clés, les lettres du nom de la société ou du produit considéré, voire le nom du responsable du produit… Tout est bon pour « éclairer » les décisions à prendre. « De ce fait, aucune décision importante n’est prise à la légère, et les choix les plus judicieux sont positionnés sur les meilleures périodes » revendique l’un des nombreux consultants officiant dans ce domaine…

Les responsables d’entreprise se montrent en général discrets. Difficile de savoir ce qu’il en est en réalité. Si la graphologie est très largement utilisée (pourtant, sans aucun fondement, malgré une image plus crédible donné par le lien d’apparence plus raisonnable entre un individu et son écriture), si l’astrologie jouit également d’un succès réel, que peut-on dire de la numérologie ?

Bon nombre de consultants proposent la numérologie et ont des entreprises clientes. On ne voit pas pourquoi, dès lors, la méthode affichée ne serait pas employée. Si elle faisait fuir le chaland, nul doute qu’elle aurait été enlevée, au seul profit d’autres produits, tout autant ésotériques, mais mieux acceptés (PNL, astrologie par exemple).

Qu’en est-il du côté des grands patrons ? Une histoire mérite d’être rappelée ici. En 1988 paraît un ouvrage intitulé L’intelligence et le pouvoir des nombres. C’est un traité de numérologie expliquant « comment passer de l’ésotérisme à l’outil de gestion rationnel ». Ce livre est préfacé par François Ceyrac, ancien patron du CNPF (l’organisme patronal de l’époque) dans les années 1970, et responsable de nombreux plans de licenciements dans la métallurgie et les mines. Pour François Ceyrac : « la numérologie n ’est pas une fantaisie de l’esprit mais une technique déjà appliquée avec fruit par de grandes entreprises américaines […], elle est une contribution réelle au progrès de la civilisation de l’entreprise ».

Après la présidence de l’organisation patronale, François Ceyrac prendra en charge l’IRPOP, l’institut de formation de ce même CNPF. Là, il confie à Michel Genevière, ancien directeur du personnel de Rank Xerox, la mise sur pied d’un séminaire de numérologie. Selon ce dernier, Bull, Dassault, Peugeot, Monoprix, le CCF... auraient tous, à un moment ou un autre, eu recours à la numérologie. À propos de la société Bull, Frédéric Méridien (Ma sorcière bien payée, Hermé 1992) rapporte que Michel Giffard, responsable du service Organisation Informatique Distribution France affirmait sans pudeur tirer les tarots de ses candidats à l’embauche. Il admettait également consulter les cartes lors de grandes décisions. Les employés victimes de plans de licenciement seront sans doute réconfortés de savoir que ce sont les nombres, les cartes ou les astres qui sont responsables.

C’était il y a une vingtaine d’années. A-t-on l’impression que, depuis, un souffle de raison soit passé dans les méthodes de gestion du personnel et des entreprises ? Pas sûr. Mais probablement une technique aura remplacé une autre.

Source : L’irrationnel dans l’entreprise. Caroline Brun, Balland 1989.

Publié dans le n° 278 de la revue


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L' auteur

Jean-Paul Krivine

Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (...)

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