La supplémentation en protéines
Publié en ligne le 6 mai 2025 - Alimentation -
La supplémentation en protéines est en vogue. Une récente étude de marché évalue la taille du marché mondial en 2023 à 25 milliards de dollars et prévoit une croissance de près de 8 % par an sur les cinq prochaines années [1]. Les consommateurs ont des profils très variés : sportifs souhaitant améliorer leurs performances [2], personnes âgées soucieuses de maintenir leur masse musculaire [3], personnes qui utilisent des tablettes protéinées comme substituts de repas [4]. Alors que moins de 1 % de la population générale a recours à des suppléments protéinés, ils sont 27 % à le faire chez les sportifs, avec une prévalence plus élevée chez les athlètes jeunes masculins (36 %) que chez les athlètes jeunes féminins (12 %) et les athlètes de plus de quarante ans (10 %) [5, 6].
De manière générale, la consommation à long terme de tout nutriment en grandes quantités peut avoir des effets néfastes sur la santé humaine. Dans la population générale, une consommation de protéines de manière régulière supérieure aux apports journaliers recommandés peut avoir un impact sur la capacité du foie, de l’intestin et des reins à détoxifier l’ammoniaque. Parmi les effets indésirables qui peuvent alors être observés [1] : inconfort intestinal et troubles digestifs, hyperammonémie (élévation de l’ammoniaque dans le sang), hyperinsulinémie (élévation de l’insuline), déshydratation, nausées, lésions hépatiques et rénales, fatigue, maux de tête…
Certains travaux ont particulièrement insisté sur les effets délétères sur les reins et le risque d’insuffisance rénale. Cependant, en l’état actuel des connaissances, ce sont surtout les personnes ayant déjà des problèmes
rénaux chroniques qui semblent être les plus vulnérables [2] (chez elles, il est recommandé de ne pas dépasser 0,8 g d’apport protéique par kg de poids corporel par jour). D’autres craintes existent sur de possibles risques cardiovasculaires liés à un apport trop grand en protéines, même si les données sur le sujet sont encore parcellaires.
Source
Inserm, « Consommer plus de protéines quand on pratique du sport à haut niveau, vraiment ? », Canal Detox, 3 juillet 2024. Sur presse.inserm.fr
Références
1 | Wu G, “Dietary protein intake and human health”, Food and Function, 2016, 7 :1251-65.
2 | Tidmas V et al., “Nutritional and non-nutritional strategies in bodybuilding : impact on kidney function”, International Journal of Environmental Research and Public Health, 2022, 19 :4288.
Les suppléments en protéines, bien que de plus en plus populaires, ne constituent pas un produit miracle. Tout au mieux, on observe une augmentation de la masse musculaire de quelques pourcents après quelques semaines de supplémentation [7].
Encore faut-il choisir une source de protéines efficace. Les sources animales seront préférées aux végétales car elles offrent une plus grande variété d’acides aminés et offrent une meilleure biodisponibilité (assimilation par l’organisme) [8]. Un timing d’ingestion favorable devra être respecté, à savoir pour le sportif, le plus proche possible d’une séance d’exercice qui inclut du renforcement musculaire. Enfin, une dose optimale sera respectée : entre 20 et 40 grammes de protéines à adapter en fonction de la masse musculaire mise en jeu et de l’âge de la personne [9].

Prendre en compte l’âge est important. En effet, plus on vieillit, plus on diminue sa sensibilité à l’action anabolique des acides aminés. Celle-ci représente la capacité à utiliser efficacement les acides aminés pour stimuler la synthèse des protéines musculaires. On parle alors de résistance anabolique. En analogie à la résistance à l’insuline en cas de diabète de type II, en vieillissant, on doit ingérer plus de protéines pour avoir un même effet anabolique. Ainsi, sachant que les aliments riches en protéines ne sont pas les plus aisés à mastiquer et à digérer, il n’est pas rare de voir des maisons de repos et de soins se tourner vers des suppléments riches en protéines.
La dose recommandée par la Société européenne de nutrition et métabolisme (Espen) pour les personnes âgées est de 1 à 1,2 grammes de protéines par kilogramme de poids corporel et par jour [10]. Quand cette valeur a du mal à être atteinte, les suppléments protéinés peuvent s’avérer utiles. Malheureusement, ils sont onéreux et leur conditionnement, souvent sous forme de barres, ne plaît que rarement au public cible.

Finalement, la meilleure façon de contrer la problématique de l’âge est de rester physiquement actif. L’activité physique semble être le meilleur moyen pour se prémunir de cette baisse de sensibilité aux acides aminés [11]. C’est d’ailleurs cette activité qui permet aux sportifs d’optimiser l’effet des suppléments en protéines pour augmenter leur masse musculaire. Plus particulièrement, il faut viser, chez le sportif, des exercices de musculation d’une intensité relativement élevée, de préférence jusqu’à épuisement des capacités musculaires. Ce stimulus physique prépare le muscle à répondre au mieux à l’action des acides aminés pour synthétiser de nouvelles protéines après l’effort, et ainsi augmenter la masse musculaire sur le long terme. Soit le sportif prévoit de prendre un repas riche en protéines après sa séance, ce qui n’est pas toujours possible d’un point de vue pratique, soit il a recours à des suppléments sous forme de boisson ou de barres protéinées. C’est souvent cette dernière option qui est privilégiée car le timing d’ingestion est important et la fenêtre métabolique optimale n’est que d’une à deux heures [12]. C’est une des raisons pour lesquelles les suppléments sont assez populaires chez les sportifs.
Sinon, avec une bonne connaissance des recommandations et une organisation adéquate, rien de tel qu’une alimentation naturelle atteignant 1,4 à 1,6 grammes de protéines par kilogramme de poids corporel et par jour pour les sportifs désireux de prendre de la masse musculaire [13].
1 | Mordor Intelligence, « Analyse de la taille et de la part du marché des suppléments protéiques : tendances de croissance et prévisions (2024-2029) », rapport, consulté le 2 décembre 2024. Sur mordorintelligence.com
2 | Antonio J et al., “The top 5 can’t-miss sport supplements”, Nutrients, 2024,16 :3247.
3 | Granic A et al., “Nutrition in the prevention and treatment of skeletal muscle ageing and sarcopenia : a single nutrient, a whole food, and a whole diet approach”, Proceedings of the Nutrition Society, 2024, 17 :1-41.
4 | Commission européenne, “Study on food intended for sportspeople”, rapport final, juin 2015. Sur food.ec.europa.eu
5 | Knapik JJ, “Prevalence of dietary supplement use by athletes : systematic review and meta-analysis”, Review Sports Medicine, 2016, 46 :103-23.
6 | Striegel H et al., “The use of nutritional supplements among master athletes”, International Journal of Sports Medicine, 2006, 27 :236-41.
7 | Tagawan R et al., “Dose-response relationship between protein intake and muscle mass increase : a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials”, Nutrition Reviews, 2021, 79 :66-75.
8 | Pinckaers PJM et al., “The anabolic response to plant-based protein ingestion”, Sports Medicine, 2021, 51 :59-74.
9 | Stokes T et al., “Recent perspectives regarding the role of dietary protein for the promotion of muscle hypertrophy with resistance exercise training”, Nutrients, 2018, 10 :180.
10 | Deutz N et al., “Protein intake and exercise for optimal muscle function with aging : recommendations from the ESPEN Expert Group”, Clinical Nutrition, 2014, 33 :929-36.
11 | Bowden Davies KA et al., “Reduced physical activity in young and older adults : metabolic and musculoskeletal implications”, Therapeutic Advances in Endocrinology and Metabolism, 2019, 10.
12 | Lemon PW et al., “The role of protein and amino acid supplements in the athlete’s diet : does type or timing of ingestion matter ?”, Current Sports Medicine Reports, 2002, 1 :214-21.
13 | Thomas DT et al., “Joint position statement : nutrition and athletic performance”, Medicine and Science in Sports & Exercise, 2016, 48 :543-68.
Publié dans le n° 351 de la revue
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Les auteurs
Louise Deldicque

Professeure de physiologie de l’exercice et de nutrition du sport à l’Université catholique de Louvain (Belgique).
Plus d'informationsMarc Francaux

Professeur de physiologie de l’exercice et de nutrition du sport à l’Université catholique de Louvain (Belgique).
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