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Le 20e congrès des sceptiques européens s’est tenu à Lyon

Publié en ligne le 25 juin 2025 - Esprit critique et zététique -

Le vingtième congrès des sceptiques européens s’est tenu à Lyon du 31 mai au 2 juin 2024. Pour la première fois, la France a accueilli cet événement organisé par le Conseil européen des organisations sceptiques (Ecso, fédération d’associations sceptiques européennes, fondée en 1994 et dont l’Afis est membre). L’Afis était en charge de l’organisation à travers sa commission internationale et son comité local (Afis-Lyon).

L’événement a réuni 90 participants de quatorze pays, dont 32 français ainsi que quelques américains et australiens. Le programme, très riche, s’est déroulé sur deux jours et demi. Il était organisé autour de cinq sessions traitant de sujets variés (voir le programme sur le site de l’Ecso, www.ecso.org). Des experts scientifiques et des sceptiques renommés ont proposé de passionnantes conférences suivies de riches discussions (menées en anglais, la langue de l’événement). La convivialité était aussi présente, avec un dîner de bienvenue à l’école hôtelière de Lyon (le restaurant Vatel).

Voici un bref compte-rendu de la conférence.

Le futur de l’énergie en Europe

Pour Myrto Tripathi, spécialiste de la transition énergétique et animatrice de deux associations favorables au développement de l’énergie nucléaire (Les voix du nucléaire et WePlanet), cette dernière répond à toutes les exigences actuelles à même de fournir une énergie bas carbone adaptée aux besoins de nos sociétés et au défi du réchauffement climatique. Toutefois, elle note que la large adhésion du grand public qu’elle souhaite promouvoir se heurte à la désinformation et aux idées reçues. Dès lors, s’interroge-t-elle, comment restituer toute la connaissance scientifique relative à ce mode de production d’électricité ?

K. Lisslö Gylfe, J.-L. Bernet, M. Tripathi, J.-C. Artus

Jean-Claude Artus, oncologue et physicien (et membre du comité de parrainage de l’Afis), rappelle que le mot « nucléaire » est souvent stigmatisé comme synonyme de risques sanitaires, par manque de connaissances et de compréhension scientifique. Pourtant, cette technologie présente des avantages démontrés, que ce soit dans le domaine de la production d’énergie ou celui des applications médicales. Il rappelle le très faible impact sur la santé de l’industrie nucléaire, prise dans son ensemble, y compris en incluant les accidents passés.

Très impliquée dans les questions environnementales et la transition énergétique, Karolina Lisslö Gylfe, créatrice d’entreprises et secrétaire générale de l’association WePlanet, expose les bénéfices du redéveloppement de l’énergie nucléaire comme stratégie permettant de s’affranchir de la dépendance aux énergies fossiles et de ses impacts délétères sur l’environnement.

Une bonne société numérique

Shukun Tokas, chercheuse à Sintef Digital (institut de recherche norvégien), présente les problématiques de protection des données et les bonnes pratiques éthiques et de confiance attendues dans le développement des nouveaux systèmes de réalité artificielle.

Paolo Attivissimo, écrivain italien, journaliste, passeur de science, orateur et traducteur, décrit comment l’intelligence artificielle peut apporter une aide précieuse dans de nombreux domaines (journalisme, monde de l’écriture, traduction, vulgarisation scientifique, vérification des faits, etc.).

David Goodman, consultant impliqué dans la transformation numérique, apporte des éléments de réflexion sur ce qui pourrait être fait afin d’assurer une meilleure protection des données dans le monde du numérique. Les bénéfices des réglementations européennes en matière de numérique sont exposées et certains résultats déjà obtenus sont évoqués. Le conférencier présente également des moyens permettant de s’approprier de façon efficace les systèmes d’intelligence artificielle, en particulier de nouveaux outils d’IA génératives fondés sur les grands modèles de langage.

Le spécialiste allemand d’éthique, d’épistémologie et de philosophie des sciences Nikil Mukerji présente quelques outils permettant de combattre les fausses informations et les théories du complot. Pour illustrer son propos de façon très vivante, il s’appuie sur l’exemple d’un faux communiqué sur le congrès européen des sceptiques de Lyon, affirmant que les associations organisatrices profiteraient en réalité de l’événement pour mettre au point un plan secret pour la domination du monde.

La psychologie des croyances

Pontus Böckman, nouveau président de l’Ecso et ancien président de l’association suédoise, présente, à la place de Chris French, absent, la « psychologie anomalistique », à savoir l’étude scientifique des phénomènes présentés comme extraordinaires et des raisons qui poussent certains à y croire. Il donne des exemples d’explications de phénomènes considérés comme paranormaux et décrit le travail de démystification qui a été entrepris.

Amardeo Sarma, ancien président de l’association allemande GWUP, intervient sur les perspectives en termes d’accroissement de la population mondiale et les mesures utiles qui pourraient être entreprises pour en gérer les conséquences.

Michael Heap, psychologue anglais aujourd’hui retraité, compare et oppose les croyances aux phénomènes étranges et irrationnels avec celles qui émanent de maladies mentales ou de désordres psychologiques diagnostiqués comme tels.

Les dangers de la culture du bien-être

Comment la culture du contrôle personnel et la spiritualité peuvent-elles devenir des problèmes de santé publique ? Kevin Smith, expert en bioéthique, démontre que, au-delà des morts prématurées de personnes ayant recours à des remèdes non validés et dangereux pour la santé, il existe un danger global d’entraîner les citoyens vers des visions holistiques irrationnelles et délétères.

E. Ernst, K. Smith, L. Rose, C. De Jong

Edzard Ernst, médecin ayant fondé la première chaire mondiale de médecine complémentaire à Exeter (Angleterre), ajoute que, au-delà de blessures physiques immédiates engendrées par des « traitements » inappropriés, les prétendues médecines alternatives peuvent être dangereuses du fait de mauvais diagnostics, de tromperies thérapeutiques, de « médicaments » de mauvaise qualité et d’études fantaisistes sapant la crédibilité scientifique.

Les Rose, biologiste et spécialiste de gestion de projet dans la recherche clinique, alerte sur des associations caritatives qui, ayant pour but de promouvoir la santé, se font les chantres de pseudo-médecines et de pseudosciences telles que l’homéopathie, le reiki, l’iridologie et l’astrologie. Il décrit les procédures judiciaires engagées en Grande-Bretagne à l’encontre de ces associations ainsi que les résultats obtenus.

Histoire des congrès européens des sceptiques

Tim Trachet, journaliste belge ayant eu une formation en astronomie et philosophie, nous retrace l’histoire des rencontres des sceptiques européens depuis 1990, marquées par les vingt congrès, depuis le premier qui s’est tenu à Bad Tölz, dans le sud de l’Allemagne, jusqu’à celui de Lyon en 2024.

Session ouverte

L’humour était également au rendez-vous avec Francesco Grassi, ingénieur informaticien, qui s’est intéressé au phénomène des crop circles. Ces « cercles de culture » ou « agroglyphes » (en français) sont ces immenses dessins tracés dans des champs de céréales et dont la géométrie sophistiquée, visible du ciel, est attribuée par certains à des extraterrestres. Le présentateur illustre l’expérience de construction d’un magnifique crop circle dans un champ de la campagne britannique, construction réalisée en toute discrétion pour entretenir le mystère et laisser les « découvreurs » attribuer cette véritable œuvre d’art à des intelligences venues de l’espace. Une mode très amusante s’est ainsi développée en Grande-Bretagne dans les années 1980.

Geerdt Magiels, biologiste et philosophe, traite d’un sujet plus préoccupant. Dans certaines conditions, la science peut venir heurter l’opinion des personnes quand celle-ci est fondée sur des valeurs personnelles ou des orientations politiques. Pour les scientifiques, tout est sujet à recherche, et tout peut être potentiellement remis en question. Pour la personne qui croit en une idéologie, il est difficile d’admettre que certaines convictions doivent être reconsidérées.

La conclusion du congrès revient à Elisa Palazzi, professeure en science climatique à l’université de Turin, qui explore le fossé entre la perception des individus, de l’opinion publique en général et des gouvernements, de la crise climatique au regard du consensus scientifique existant sur le sujet.

Au-delà des sessions, l’événement fut également l’occasion de nombreuses rencontres individuelles.

Rendez-vous en 2026 à Amsterdam pour le 21e congrès européen des sceptiques.

Publié dans le n° 351 de la revue


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L'auteur

Marianne Rodot

Marianne Rodot coordonne les activités de la Commission internationale de l’Afis. La commission internationale de (…)

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