Le jeûne et la santé
Publié en ligne le 23 février 2025 - Alimentation -
Le jeûne est une pratique de plus en plus souvent mise en avant pour ses bienfaits, notamment pour la santé. Elle serait même aux yeux de certains de ses adeptes un moyen pour prévenir, voire traiter, de nombreuses pathologies. Y a-t-il des bases objectives à ces discours ? Faut-il bannir toute forme de jeûne ? A-t-il un intérêt, et si oui lequel ? Quels sont ses dangers ?
Qu’est-ce que le jeûne ?
Le jeûne correspond à la suppression de toute alimentation, à l’exclusion de l’eau, pendant une durée variable, de façon volontaire, en dehors d’une pathologie organique ou psychiatrique qui empêcherait de manger. On exclura en général de notre propos le « jeûne intermittent » qui n’est pas un jeûne mais une restriction de la nourriture sur une journée ou sur une semaine ; c’est donc plutôt un régime intermittent (voir encadré ci-dessous).
Ces régimes peuvent être définis, dans les termes les plus simples, comme des périodes de jeûne alternant avec des périodes de repas. Les formes de jeûne intermittent les plus étudiées comprennent : le jeûne d’un jour sur deux (0 à 500 kcal par « jour de jeûne » 2 alternant avec une consommation ad libitum les « jours de fête ») ; le régime « 5 : 2 » (deux jours de jeûne et cinq « jours de fête » par semaine) et l’alimentation à durée limitée (ne manger que dans une fenêtre de temps prescrite chaque jour 3).
Ces trois principales formes de jeûne intermittent produisent une perte de poids légère à modérée (perte de 3 à 8 % par rapport à la valeur initiale) sur de courtes durées (8 à 12 semaines). Le degré de perte de poids obtenu grâce au jeûne intermittent est comparable à celui obtenu avec les régimes traditionnels (restriction calorique quotidienne).
La capacité de ces protocoles de jeûne intermittent à aider à gérer le poids à long terme est encore mal comprise, car la majorité des études menées à ce jour l’ont été sur de courtes durées.
Certaines études démontrent que le jeûne intermittent améliore les facteurs de risque cardio-métaboliques tels que la pression artérielle, les taux de cholestérol LDL et de triglycérides, la résistance à l’insuline et l’HbA1c (hémoglobine glyquée), tandis que d’autres ne montrent aucun bénéfice sur ces paramètres.
Le jeûne intermittent est généralement sûr et produit peu d’effets indésirables gastrointestinaux, neurologiques, hormonaux ou métaboliques.
Source
Varady KA et al., “Clinical application of intermittent fasting for weight loss : progress and future directions”, Nat Rev Endocrinol, 2022, 18 :309-21.

Cette suppression volontaire de nourriture serait, selon certains anthropologues ou théologiens, un des propres de l’Homme [1], étant entendu que certains animaux restreignent parfois leur nourriture de façon physiologique et adaptative. Cette suppression volontaire de nourriture trouve historiquement sa source dans une démarche spirituelle puisque la quasi-totalité des religions prônent le jeûne pour des périodes plus ou moins longues et de façon plus ou moins stricte [2]. Le but est de se détacher du corps pour aller à l’essentiel : c’est une quête spirituelle [3]. Chez les chrétiens (les orthodoxes surtout) comme chez les musulmans (bien que le jeûne du ramadan soit plutôt une inversion des rythmes), il est associé à la prière et à l’aumône. Des « sages », des moines ou des ermites ont très tôt mis en avant des vertus physiques et psychiques rattachées au jeûne. Le jeûne est aussi promu sous la forme de grève de la faim dans une démarche non violente de protestation ou de chantage mettant en jeu la vie. Il est censé faire plier l’opposant et Gandhi en fut un illustre pratiquant. Le jeûne contemporain est mis en avant non pas dans une de ces dimensions, mais dans un souci de soi.
Le jeûne contemporain
Le jeûne peut mettre en péril la vie de celui qui le pratique, mais pas immédiatement : c’est pourquoi ceux qui le prônent ou le pratiquent le font sur des durées le plus souvent inférieures à quinze jours, mais parfois beaucoup plus longues, jusqu’à quarante jours. Le célèbre « jeûne de Büchinger » (proposé dans les années 1920 par un médecin allemand et popularisé au travers d’une entreprise familiale aujourd’hui florissante [4]) dure moins d’une semaine, avec une entrée et une sortie progressives et des apports en jus de fruit frais dilués ou en bouillons de légumes. Le langage utilisé par ses adeptes est à la fois pseudo-scientifique et spirituel avec une dialectique ésotérique de « purification, régénération, vitalisation » et d’élimination des « toxines » [5]. Il est souvent accompagné de pratiques pseudo-médicales [6] dignes du Malade imaginaire de Molière, avec force purges et lavages coliques. Les cures « détox » s’inspirent aussi de ce langage [7]. Tout ceci véhicule l’idée fausse que nous devons mettre au repos notre tube digestif, et globalement notre organisme, pour le « nettoyer ». Pourtant il ne viendrait à personne l’idée d’arrêter de respirer ou de faire cesser le cœur de battre pour le mettre en mode pause. Certains y associent de la marche de randonnée dans des stages parfois chics et souvent coûteux où les croyances en termes de nutrition soutiennent le plus souvent l’idée de supprimer, après le jeûne, tous les « mauvais » aliments : lait, céréales, viande, sucre, et alcool (pour l’alcool, c’est effectivement une bonne idée !). La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes, organisme gouvernemental chargé de l’observation du phénomène sectaire) met en garde contre « ces expériences de régénération par le jeûne » qui peuvent « favoriser l’isolement des stagiaires, constituant ainsi un moyen pour leurs promoteurs d’asseoir une véritable emprise sur eux » [8].
Les effets du jeûne
Le jeûne a, c’est la seule certitude, des effets physiologiques importants car l’organisme met en place des mécanismes d’adaptation afin de pallier le manque de nourriture (ces mécanismes issus de l’évolution permettent à l’Homme de survivre un certain temps). La suppression d’apports énergétiques (en particulier de glucides) entraîne des adaptations dans l’organisme pour continuer à fournir au cerveau son « carburant » privilégié, le glucose. Jusqu’à une certaine limite où les réserves sont épuisées (voir encadré ci-après).
Lors d’un jeûne, l’organisme doit pallier l’absence d’apports énergétiques. Dans un premier temps, c’est la « glycogénolyse » qui va assurer cette fourniture à partir des seules réserves en glucose de l’organisme : le glycogène hépatique et musculaire. Au total, le corps dispose d’une réserve de moins de 400 g, soit moins de 2 000 kcal correspondant à un peu moins d’une journée des besoins théoriques.
Au-delà, c’est une autre voie qui est mise en œuvre (appelée « néoglucogénèse hépatique ») : la synthèse de glucose dans le foie à partir des acides aminés gluco-formateurs présents dans les muscles, en particulier l’alanine. C’est dire que ceci se fait au détriment des muscles et donc de la masse maigre (composée des os, des muscles, des organes, de la peau et des liquides du corps humain, par opposition à la masse grasse). En l’absence d’apport protido-énergétique, une activité physique simultanée ne peut permettre de maintenir la masse musculaire.
L’étape suivante, à partir du cinquième jour, va viser précisément à épargner cette masse maigre grâce à la lipolyse (mécanisme de dégradation des graisses). Une des conséquences de cette lipolyse est l’apparition de « corps cétoniques », qui sont les seuls substrats, avec le glucose, à pouvoir être utilisés à des fins énergétiques par le cerveau (mais aussi par les reins, le cœur…) ; cet effet est celui observé dans les régimes cétogènes, c’est-à-dire extrêmement pauvres en glucides.
Les réserves lipidiques étant beaucoup plus grandes que les réserves en glycogène (80 000 à 500 000 kcal), il est ainsi possible de survivre jusqu’à une quarantaine de jours lors d’un jeûne prolongé.
Cette adaptation permet donc bien d’épargner les réserves vitales protidiques de la masse maigre. On comprend que lorsque le tissu adipeux a disparu, la mort est proche puisque la masse maigre va disparaître aussi.
Sur le plan clinique et biologique, le jeûne conduit à une baisse des réserves glucidiques et peut entraîner dans un premier temps des manifestations hypoglycémiques (faim, transpiration excessive, tremblements, fatigue, céphalées). Mais rapidement, l’apparition de corps cétoniques (issue de la dégradation des réserves de graisse – voir encadré ci-dessus) génère une anorexie et un certain degré d’euphorie. Toutefois, la tolérance est généralement bonne comme l’a montré une étude d’observation portant sur 1 422 sujets ayant suivi un jeûne de 4 à 21 jours sous surveillance médicale [9]. Certains déclarent avoir un esprit « plus clair », mais les études ne montrent pas d’amélioration des performances cognitives, de l’humeur ni du sommeil avec un « régime cétogène » proche du jeûne puisqu’il est extrêmement pauvre en glucides (5 à 10 % de la ration énergétique) ; en revanche, il est riche en protéines et très hyperlipidique [10].
La suppression de toute nourriture soulage les personnes souffrant de douleurs abdominales liées au syndrome de l’intestin irritable [11]. Le microbiote intestinal change dans un sens qui semble favorable [12], mais il reviendra à son état antérieur à l’issue du jeûne [13]. Les analyses sanguines s’améliorent s’il existait au préalable une élévation anormale de la glycémie, des taux de triglycérides, du cholestérol (hypercholestérolémie non génétique) [14].
L’inflammation qui accompagne les phases de digestion (inflammation dite bas-grade, sans signe clinique mais qui peut être objectivée par le dosage de la CRP ultra-sensible) disparaît, ainsi que, dans certains cas, les manifestations douloureuses articulaires associées. Logiquement, le poids diminue, ce qui peut sembler favorable s’il était en excès. Une sensation de mieux-être peut ainsi apparaître, rapidement, au bout de 5 à 10 jours [9]. À l’arrêt du jeûne, si les habitudes alimentaires antérieures restent les mêmes et si les prédispositions pathologiques sont inchangées, il y a un retour à la case départ, ce qui incite un certain nombre d’adeptes à répéter ces épisodes de jeûne. Dans tous les cas, quelle que soit l’alimentation, le poids antérieur se réinstalle insidieusement, avec une aggravation métabolique du fait de la réduction inéluctable de la masse maigre. En effet, la diminution du métabolisme de base (la masse maigre en est le principal effecteur), et donc la diminution des dépenses énergétiques, figure parmi les principaux facteurs de résistance à l’amaigrissement et de reprise de poids. À terme, cela peut conduire à l’obésité sarcopénique (« gras mais sans muscles ») [15].
Les bénéfices allégués du jeûne
Au-delà de ces changements adaptatifs, la question est celle de son effet sur le cours évolutif de maladies métaboliques, inflammatoires et dégénératives.
En 2014, l’Inserm s’est penché sur cette question et a analysé toutes les études publiées dans la littérature scientifique [16]. Les conclusions sont limitées faute d’études de qualité : sur 348 études répertoriées, seules quatre respectaient le principe des essais contrôlés randomisés, avec toutefois des effectifs limités et souvent l’absence de double aveugle. Les auteurs notent ainsi que « le faible nombre d’études ainsi que la méthodologie utilisée dans la plupart des cas ne permettent pas de tirer des conclusions sur l’efficacité du jeûne dans les différentes indications étudiées ».

Ce tableau illustre le début de l’Aïd, fête qui marque la fin de la période de jeûne du ramadan dans l’islam ; mais c’est surtout un prétexte pour représenter la lumière du soleil levant et les couleurs de l’Égypte rurale. L’artiste franco-autrichien Deutsch fait partie des nombreux peintres dits « orientalistes » dont le style rencontre un vif succès au cours du XIXesiècle.
La Société française de rhumatologie a publié plus récemment (2022) une évaluation des effets des régimes et du jeûne dans les rhumatismes inflammatoires chroniques [17]. Elle a montré que seul le régime méditerranéen avait un bénéfice prouvé (riche en fruits, légumes, légumes secs, céréales complètes, huile d’olive, épices, apportant des produits laitiers fermentés – le plus souvent – et du poisson – selon le lieu –, et limitant les produits carnés, les sucres ajoutés, les aliments ultra-transformés et l’alcool).
En raison de rumeurs sur les bienfaits du jeûne dans le traitement du cancer, le réseau NACRe (Nutrition Activité physique Cancer Recherche), qui rassemble les équipes de recherche publique et les experts engagés dans le domaine « nutrition et cancer », s’est emparé de cette question. En effet, sur les réseaux sociaux, la théorie de la toxicité de l’apport de glucose est répandue : il nourrirait la tumeur et donc le supprimer « affamerait » cette dernière. Le réseau NACRe a réalisé une analyse exhaustive des études sur l’évolution des tumeurs cancéreuses chez l’animal (200 études) et chez l’Homme (46 études mêlant jeûne et régime cétogène) [18] : aucune étude n’a montré une quelconque guérison ou amélioration. Un effet constant est cependant observé : la perte de poids !
Il est en revanche totalement établi, et le message est relayé par toutes les sociétés savantes, que le maintien d’un bon statut nutritionnel est un facteur majeur de lutte contre la maladie pour maintenir les défenses immunitaires et que le jeûne entraîne une baisse de ces réponses immunitaires qui ne se corrige pas totalement après renutrition chez les sujets âgés [19]. Un apport suffisant en protéines est un facteur de survie au cours des cancers [20].
Le jeûne peut contribuer à créer une sarcopénie (forte réduction de la masse maigre) et aggraver une dénutrition, facteurs de mauvais pronostic chez les personnes ayant un cancer. Ce qui est cependant établi est le fait qu’à la phase terminale du cancer, la nutrition n’a plus d’effet positif sur le pronostic et l’issue de la maladie [21]. Dans cette situation, au cas par cas, il faut discuter du confort ou de l’inconfort que le type de nutrition peut entraîner. Quant à un effet favorable du jeûne en termes de prévention des cancers, il n’existe pas. La seule évidence est le fait que les excès alimentaires ne sont pas bénéfiques.
Les pistes de recherche
Comme toujours en science, il ne faut pas rejeter une hypothèse de façon définitive tant qu’il n’y a pas de bonnes études la réfutant. Des études in vitro et chez l’animal suggèrent des mécanismes et des effets du jeûne qui pourraient être favorables sur le phénomène de mort cellulaire [22]. Mais l’on manque d’études cliniques humaines.
Une place pour le jeûne court dans la tolérance et le renforcement de l’efficacité de la chimiothérapie est évoquée, bien qu’une méta-analyse récente ne le confirme pas [23]. Les études s’orientent d’ailleurs surtout vers les bienfaits possibles des régimes intermittents, voire de l’intérêt, dans certaines pathologies, du régime cétogène (qui n’est pas un jeûne) à condition qu’il soit très bien encadré. La recherche doit se poursuivre avant qu’une quelconque recommandation puisse être faite en faveur du jeûne.
Que peut-on raisonnablement conseiller ?
Dans son rapport de 2014, l’Inserm soulignait que « si la pratique du jeûne encadré médicalement semble globalement peu dangereuse, des risques réels existent dans des contextes différents et la plus grande prudence est alors de mise » [16]. Il reste totalement contre-indiqué chez les enfants, les femmes enceintes et allaitantes. Il est fortement déconseillé chez les personnes âgées car la récupération de la masse maigre perdue est défaillante. Le réseau NACRe a édité un petit document sur « jeûne et cancer » destiné au grand public et aux patients [24], afin de mettre en garde sur ses risques et de rappeler l’absence de bénéfice établi. Un article très récent, après avoir rappelé les effets prometteurs in vitro et dans des modèles animaux, confirme les conclusions du rapport NACRe en raison du peu d’études cliniques et de leurs nombreux biais méthodologiques : « Il n’y a pas de preuve de l’intérêt du jeûne en cancérologie. Il risque d’aggraver la dénutrition et la sarcopénie. Les professionnels de santé doivent être à l’écoute des attentes de leurs patients et permettre un dialogue tenant compte des connaissances scientifiques et des risques éventuels » [25].

Peintre historique de grand renom dans son pays, le suédois Hellqvist dut mettre un terme à sa carrière d’enseignant et de peintre à cause de violents maux de tête, que ses médecins tentèrent de traiter (notamment) par un régime. Il mourut finalement en hôpital psychiatrique.
Pour un adulte jeune bien portant, le jeûne court (moins de 24 à 48 heures) n’est pas dangereux pour la santé, bien qu’il n’ait pas fait la preuve de son utilité pour cette dernière. Si l’on pratique un jeûne court, il est préférable de s’abstenir de toute nourriture, excepté l’eau, plutôt que de faire un jeûne au pain et à l’eau, qui entraîne des pics de glycémie et des hypoglycémies consécutives (par hyperinsulinisme) très inconfortables.
Une étude sociologique [1] s’est proposée d’analyser la « promesse du jeûne de “bienêtre” en France » par l’étude du contenu des sites Internet proposant des stages de « jeûne et randonnée ». Elle a permis d’identifier trois rhétoriques mises en avant par les promoteurs de ces pratiques :
- Une prise de contrôle sur son alimentation, son corps et son quotidien « à l’heure d’une “modernité” accusée de tous les maux ». En cause, des pratiques alimentaires que l’industrie aurait contribué à dénaturer.
- Une réconciliation de la nature humaine avec la nature en général, à travers l’immersion dans des zones rurales et la pratique de randonnées pédestres. La nature serait bienfaisante par essence et il suffirait de lui faire confiance : « Le jeûne est écrit par la nature » affirme un des sites Internet analysés.
- L’indispensable pause comme déclencheur d’une « remise à zéro » permettant d’assurer « un nettoyage complet de l’organisme ».
Si les données disponibles ne permettent pas aux auteurs de l’étude de cerner précisément le profil socio-démographique ni les motivations des participants aux stages, l’analyse de l’offre permet néanmoins de voir à qui elle s’adresse. Les auteurs évoquent un public sensibilisé aux injonctions de « consommer sain et durable » et « installées dans une critique de la “modernité alimentaire” ». Les organisateurs de stages interviewés revendiquent une hétérogénéité sociale allant de « cadres supérieurs venus se ressourcer en vue d’améliorer leurs performances physiques et cognitives, les personnes “moins installées” mais en quête de spiritualité ou encore les jeunes retraités attentifs à leur santé et souhaitant perdre quelques kilos ». Les femmes, précisent-ils, seraient surreprésentées.
Les auteurs concluent en décrivant un assemblage idéologique mêlant tentatives de justifications scientifiques, dimensions politiques du jeûne et approche spirituelle individuelle permettant une « meilleure adaptation à nos sociétés “pathologiques” ».
Référence
1 |Dalgalarrondo S, Fournier T, « Un transhumanisme “à mains nues” : sociologie de la promesse du jeûne », Revue d’anthropologie des connaissances, 2019, 13 :559-84.
Conclusion
Certaines personnes peuvent trouver du sens à pratiquer un jeûne (voir encadré ci-dessus). Il est en réalité à craindre que l’engouement pour le jeûne détourne des vrais enjeux de santé publique en matière de nutrition, et des messages importants dans ce domaine, à savoir : bien manger, c’est apprendre à manger équilibré et non pas apprendre à ne pas manger.
Enfin le jeûne ne restaure pas une relation apaisée avec la nourriture qui resterait quelque chose à éliminer plutôt qu’à aimer. Le jeûne n’est l’objet d’aucune recommandation positive en France de la part des autorités de santé [26] et d’aucune prise en charge par l’assurance maladie. Il convient donc d’éviter les professionnels de santé qui le prônent, et encore plus les non-professionnels de santé. Si malgré tout le jeûne est pratiqué, il faut être très prudent et il doit être de courte durée.
1 | Evelin B, « Le jeûne, l’un des propres de l’homme », Correspondances en métabolismes, hormones, diabètes et nutrition, 2018, 23 :6-7.
2 | Moriniaux V, « Les religions et l’alimentation », in Nourrir les hommes, Éditions du Temps, 2008, 39-67.
3 | Lecerf JM, « Le jeûne, une quête spirituelle », Pratiques en nutrition, 2019, 57 :12-6.
4 | Programme Buchinger Wilhelmi, page web. Sur buchingerwilhelmi.com
5 | Lecerf JM, 40 idées fausses sur les régimes, Quæ, 2023.
6 | Dalgalarrondo S, Fournier T, « Un transhumanisme “à mains nues” : sociologie de la promesse du jeûne », Revue d’anthropologie des connaissances, 2019, 13 :559-84.
7 | Ruggieri V, « Détox : info ou intox ? », SPS n° 348, avril 2024. Sur afis.org
8 | Miviludes, « Santé : quelles sont les situations à risques ? », page web. Sur miviludes.interieur.gouv.fr
9 | de Toledo FW et al., “Safety, health improvement and wellbeing during a 4 to 21-day fasting period in an observational study including 1422 subjects”, Plos One, 2 janvier 2019.
10 | Iacovides S et al., “Three cognitive weeks of nutritional ketosis has no effect on cognitive function, sleep, and mood compared with a high-carbohydrate, low-fat diet in healthy individuals : a randomized, cross-over, controlled trial”, American Journal of Clinical Nutrition, 2019, 119 :349-57.
11 | Zaribaf F et al., “Empirically derived dietary habits are associated with irritable bowel syndrome”, European Journal of Clinical Nutrition, 2018, 72 :1537-47.
12 | Fabbiano S et al. “Functional gut microbiota remodelling contributes to the caloric restriction-induced metabolic improvement”, Cell Metabolism, 2018, 28 :907-21.
13 | Fragiadakis GK et al., “Long-term dietary intervention reveals resilience of the gut microbiota despite changes in diet and weight”, American Journal of Clinical Nutrition, 2020, 111 :1127-36.
14 | Koufakis T et al., “Orthodox religious fasting as a medical nutrition therapy for dyslipidemia : where do we stand and how far can we go ?”, European Journal of Clinical Nutrition, 2018, 72 :474-9.
15 | Lecerf JM, « Obésité : pourquoi les régimes échouent-ils ? », Nutrition Clinique et Métabolisme, 2013, 27 :74-81.
16 | Gueguen J et al., « Évaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visée préventive ou thérapeutique », expertise scientifique, Inserm, 10 janvier 2014. Sur inserm.fr
17 | Daien C et al., “Dietary recommendations of the French Society for Rheumatology for patients with chronic inflammatory rheumatic diseases”, Joint Bone Spine, 2022, 89 :105319.
18 | Réseau NACRe, « Jeûne, régimes restrictifs et cancer : revue systématique des données scientifiques et socio-anthropologiques sur la place du jeûne en France », Rapport d’expertise, novembre 2017. Sur reseaunacre.eu
19 | Walrand S et al., “Specific and nonspecific immune response to fasting and refeeding differ in healthy young adult and elderly persons”, American Journal of Clinical Nutrition, 2001, 74 :670-8.
20 | Johnston EA et al.,“Association of protein intake with recurrence and survival following primary treatment of ovarian cancer”, American Journal of Clinical Nutrition, 2023, 118 :50-8.
21 | Lecerf JM et al., « Le plaisir alimentaire chez le patient traité pour un cancer », Nutrition & Endocrinologie, hors-série Alimentation et cancer, 2024, 20-5.
22 | Bianchi G et al., “Fasting induces anti-Warburg effect that increases respiration but reduces ATP-synthesis to promote apoptosis in colon cancer”, Oncotarget, 2015, 6 :11806-19.
23 | Ferro Y et al., “Therapeutic fasting in reducing chemotherapy side effects in cancer patients : a systematic review and meta-analysis”, Nutrients, 2023, 15 :2666.
24 | Réseau NACRe, « Jeûne et cancer », brochure pour le grand public et les patients, 2018. Sur reseaunacre.eu
25 | Vansteene D, « Jeûne et cancer », Pratiques en nutrition, 2024, 78 :25-8.
26 | Ministère de la Santé, « Le jeûne à visée préventive ou thérapeutique », fiche pour le grand public, 2014. Sur sante.gouv.fr
1 Soulignons que le jeûne intermittent n’a pas sa place, pas plus que la restriction chronique, dans la prise en charge du surpoids et de l’obésité (voir Lecerf JM, Le Surpoids c’est dans la tête ou dans l’assiette ?, Quæ, 2019).
2 Le plus souvent de 400 kcal à 500 kcal, quand les besoins pour un adulte sédentaire sont de l’ordre de 2 000 kcal, variable selon les individus en fonction du sexe, de la taille, du poids… [NDLR]
3 En général entre 12h00 et 20h00. [NDLR]
Publié dans le n° 350 de la revue
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L'auteur
Jean-Michel Lecerf

Jean-Michel Lecerf est chef du Service de Nutrition de l’Institut Pasteur de Lille. Spécialiste en endocrinologie (…)
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