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Antenne 4G et vaches malades : quand la justice tente une expérimentation scientifique

Publié en ligne le 18 juin 2022 - Ondes électromagnétiques -
Communiqué de l’Afis, 13 juin 2022


Le 23 mai 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a ordonné deux mois d’arrêt d’une antenne 4G soupçonnée par un éleveur d’être responsable de graves problèmes dans son troupeau de vaches installé à proximité (baisse de lactation, augmentation de la mortalité, etc.). Les médias ont largement relayé l’information, présentant la mesure comme un « test grandeur nature » [1] sur le cheptel du plaignant pour mettre en évidence, selon les termes du jugement, « un lien potentiel de causalité entre le comportement de ses bovins et cette antenne » [2].

Vouloir s’assurer du fait est une démarche nécessaire, dans le domaine de la justice, et aussi bien au-delà. Mais faire de la recherche ne s’improvise pas et un juge ne dispose pas des compétences et des moyens pour concevoir une expérimentation valide. Pour cet objectif, il aurait été nécessaire de consulter des chercheurs afin d’appliquer la méthode scientifique. Les bonnes pratiques dans ce genre d’expérimentation requièrent a minima de pouvoir comparer la situation « avec et sans émissions d’ondes », mais aussi « toutes conditions égales par ailleurs ». Ce peut être, par exemple, un groupe contrôle qui sert de référence afin de permettre la comparaison avec le groupe de vaches soupçonné de souffrir des rayonnements électromagnétiques (un troupeau de même composition, élevé dans les mêmes conditions, utilisant des locaux similaires, des champs de même nature, etc.). Ou, plus simplement, une exposition du troupeau avec l’antenne active et inactive, sans que l’éleveur ni l’expert ni d’autres expérimentateurs en charge du dossier sachent quand elle fonctionne ou pas.

Cela permettrait une expérimentation « en double aveugle », c’est-à-dire en conditions où la subjectivité de l’éleveur et des expérimentateurs ne peut pas avoir d’incidence sur les résultats obtenus. Ainsi, on pourrait lever les biais liés à l’effet contextuel, encore appelé effet placebo. Il est en effet possible que les problèmes se dissipent une fois l’antenne coupée dans la mesure où les animaux y sont potentiellement sensibles via le ressenti des éleveurs. On écarte aussi les changements de comportements ou de pratiques de l’éleveur, conscients ou inconscients, mais liés à la connaissance de l’activité de l’antenne.

Il est donc probable, que sur le plan scientifique, l’expérience envisagée consistant à simplement éteindre l’antenne pendant deux mois ne prouvera rien, ni dans un sens ni dans l’autre.

Néanmoins, dans sa recherche, le tribunal aurait pu s’appuyer sur l’état des connaissances. Il n’y a, à ce jour, aucun élément scientifique permettant de soupçonner que les radiofréquences sont à l’origine des problèmes de ces vaches. En outre, étant donné le grand nombre d’antennes 4G installées dans les campagnes, on aurait assisté depuis longtemps à une fronde massive des éleveurs dans le monde entier s’il y avait vraiment un effet majeur de ces ondes radio sur la santé des bovins. L’effet des rayonnements électromagnétiques sur le vivant a fait l’objet d’études nombreuses depuis plusieurs décennies et les expertises concluent invariablement à l’absence d’effets avérés aux niveaux ambiants autorisés par la réglementation [3]. Ce n’est pas une expérience mal construite qui pourrait faire évoluer le consensus scientifique sur ce sujet.

Les décisions de justice ne sont malheureusement pas toujours en adéquation avec les données scientifiques, comme nous l’avions déjà constaté dans un communiqué précédent [4].

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