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Au commencement était le poisson

Publié en ligne le 31 juillet 2009
Au commencement était le poisson
l’homme : 3,5 milliards d’années d’évolution

Neil Shubin.
Robert Laffont, 2009, 256 pages, 20 €

Après la lecture de cet ouvrage, on en vient à regretter une traduction littérale du titre original anglais Your inner fish, c’est-à-dire Votre poisson intérieur, ou encore Le poisson qui est en vous. Car le propos de l’auteur, paléontologue et professeur d’anatomie à l’université de Chicago, est précisément de montrer que les organisations et les fonctions qui nous caractérisent, nous humains, se retrouvent d’une façon ou d’une autre dans les autres groupes animaux, les poissons, bien sûr, mais aussi les insectes, les méduses, les bactéries. C’est peut-être même Le zoo qui est en nous qu’aurait pu prendre pour titre cet ouvrage.

Neil Shubin a découvert dans le grand nord canadien en 2004 le fossile Tiktaalik. Dans les premiers chapitres, il nous livre les étapes de cette découverte qui vérifie l’hypothèse préalablement formulée d’un fossile présentant des caractéristiques intermédiaires entre un poisson et un animal terrestre dans des roches d’environ 375 millions d’années, formées dans un environnement constitué de cours d’eau. On découvre ici le travail du paléontologue, alliant à la fois la rigueur des raisonnements et le caractère aléatoire de la découverte et de l’état de conservation des fossiles.

Dans les chapitres suivants, rappelant les observations des anatomistes du XIXe siècle ou des expérimentateurs du début du XXe siècle et s’appuyant sur les travaux récents de génétique du développement, Shubin montre que les mécanismes qui permettent la formation d’un squelette ou de dents, la mise en place des nerfs crâniens ou du plan d’organisation général des animaux, sont partagés par des êtres actuels très différents.

Alors que la majeure partie de l’histoire du vivant est occupée par des créatures unicellulaires, en remontant aux plus anciennes organisations pluricellulaires identifiées (la faune d’Ediacara précambrienne), il discute le « comment » et le « pourquoi » de la constitution d’un corps. Pour le « comment », il rappelle que l’outillage nécessaire à maintenir ensemble des cellules et à les faire communiquer dans le cadre d’une répartition du travail nécessaire à la survie, est déj à présent chez les choanoflagellés, des microbes unicellulaires, et même chez les bactéries et les virus : ce sont ces outils qui sont impliqués dans l’infection virale d’une cellule, par exemple. Le potentiel pour bâtir des corps était donc déjà en place longtemps avant les corps eux-mêmes. Quant au « pourquoi » de cette ruée soudaine vers le corps, il y a près de 600 millions d’années, il argumente la théorie classique d’une grande taille comme avantage pour dévorer l’autre ou éviter de l’être, sur des expériences de Martin Boraas avec une algue normalement unicellulaire, capable de s’organiser en groupe de quelques cellules lorsqu’un prédateur est introduit dans le milieu, organisation qui se maintient ensuite lorsque le prédateur est ôté du milieu.

Dans les trois chapitres suivants, Neil Shubin explique les points communs dans l’organisation de l’odorat, de la vision et des fonctions de l’oreille chez diverses espèces, de l’Homme au requin, à la drosophile ou à la méduse. Ces points communs sont contrôlés par des gènes, Pax6 pour la formation de l’œil, Pax2 pour la formation de l’oreille interne, dont on retrouve la trace chez tous ces organismes, fusionnés en un gène mosaïque unique chez la cuboméduse.

Enfin, dans la dernière partie de son livre, Shubin montre que la complexification au cours de l’évolution a pour pendant une série de maladies ou de dysfonctionnements plus ou moins graves chez l’Homme (obésité, maladies du cœur, hémorroïdes, apnée du sommeil, hoquet, hernies…).

Le lecteur intéressé trouvera en fin d’ouvrage, sur chaque aspect traité, des références scientifiques et des lectures recommandées, en anglais.

En cette année Darwin, c’est un livre qui nous présente, d’une façon très accessible et illustrée, le point des connaissances sur un certain nombre d’aspects de l’évolution des espèces. Le lecteur y trouvera de nombreux exemples de ces relations de parenté entre animaux si différents.


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Publié dans le n° 286 de la revue


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