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Connaître nos bactéries intestinales

Publié en ligne le 11 juin 2015 - Vulgarisation scientifique -

On considère que 100 000 milliards de bactéries peuplent l’intestin de chaque être humain. Elles pourraient représenter un millier d’espèces différentes. Comprendre l’écosystème digestif – le « microbiote intestinal » – est important car ces bactéries jouent un rôle dans certaines maladies comme le diabète de type 2, la maladie de Crohn, etc. Cependant, seulement 15% de ces bactéries sont connues, c’est-à-dire que leur génome – l’ensemble de leurs gènes – a été séquencé. Cela signifie que l’on a déterminé l’enchaînement des lettres constituant l’information héréditaire, l’ADN. La plupart des autres bactéries intestinales ne peuvent être cultivées en laboratoire. Il est donc impossible d’étudier chaque espèce individuellement. On a alors recours à la métagénomique : il s’agit de séquencer collectivement les gènes de tous les organismes présents dans le milieu, sans les détailler espèce par espèce, comme s’il s’agissait d’un seul organisme. On détermine ainsi un « métagénome » et on tente, seulement ensuite, de rendre à César ce qui appartient à César.

Dans un premier temps, c’est relativement aisé car, d’une part, les techniques de séquençage des gènes ont fait des progrès fulgurants et, d’autre part, on peut comparer sur ordinateur les gènes détectés dans un échantillon et les gènes répertoriés dans les catalogues de gènes de bactéries connues. Mais on se heurte ensuite au problème des bactéries inconnues – celles précisément que l’on souhaite étudier – en se retrouvant avec des séquences de gènes, certes déterminées, mais qu’il faut assembler tel un puzzle, ou plutôt tels mille puzzles mélangés.

Pour faciliter l’analyse du métagénome intestinal, une approche originale a été développée par le consortium européen MetaHIT (www.metahit.eu/) pilotée par l’Inra et impliquant treize partenaires, dont des équipes du CEA, du CNRS et de l’Université d’Evry. La méthode repose sur le fait que l’abondance relative des différentes espèces bactériennes varie fortement (entre 10 et 1000 fois) si l’on compare différentes personnes. Les chercheurs ont comparé cette abondance de gènes bactériens entre différents individus en considérant que les gènes dont l’abondance varie similairement appartiennent à une même espèce bactérienne. Ainsi en analysant le metagénome de 396 échantillons de selles, ils ont réparti 3,9 millions de gènes en groupes de co-abondance, et pu reconstituer le génome complet de 238 bactéries intestinales – dont 75% jusqu’alors inconnues. Ils ont également démontré plus de 800 relations de dépendance, par exemple des virus bactériophages nécessitant la présence de telles bactéries pour survivre.

Référence  : www.nature.com/nbt/journal/vaop/ncurrent/full/nbt.2939.html

Publié dans le n° 310 de la revue


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L' auteur

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale (...)

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