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Éthique de la recherche médicale : la déclaration d’Helsinki révisée

Publié en ligne le 12 juin 2025 - Intégrité scientifique -

La déclaration d’Helsinki est un ensemble de principes éthiques qui guident la recherche médicale impliquant des êtres humains. La première version a été adoptée en 1964 par l’assemblée générale de l’Association médicale mondiale (World Medical Association) qui s’est tenue à Helsinki. Elle trouve son origine dans le code de Nuremberg issu du procès des médecins nazis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui avait décrit dix critères d’« expériences médicales inacceptables ». C’est aujourd’hui une référence incontournable en la matière. Le texte fait l’objet de mises à jour régulières. Une nouvelle version (la dixième en soixante ans, la précédente datait de 2013) vient d’être rendue publique à l’occasion de la 75e assemblée générale de l’Association médicale mondiale qui s’est tenue en octobre 2024 à Helsinki [1]. La version française a été mise en ligne mi-décembre 2024 [2]. Fruit de près de trois ans de travail et de huit conférences régionales, cette mise à jour a impliqué la collaboration de nombreux experts et s’est particulièrement intéressée aux leçons qui pouvaient être tirées des récentes épidémies de Covid-19 et d’Ebola.

Les leçons des crises sanitaires

Les crises sanitaires que nous avons traversées ont donné lieu à de vives controverses sur l’attitude à adopter dans une situation d’urgence, dans un contexte où la connaissance est incertaine et évolue très rapidement. Lors de la pandémie de Covid-19, trop d’essais cliniques inutiles ont été menés, avec des effectifs trop petits, sans coordination entre chercheurs. Sur environ 2 000 essais répertoriés en 2020, seulement 5 % ont été conçus et réalisés avec la rigueur scientifique permettant de générer des connaissances de qualité. Environ 530 000 patients ont été inclus dans les essais et seulement 26 % d’entre eux ont contribué à la génération de données probantes [3].

Deux ajouts ont ainsi été effectués pour souligner le fait que l’urgence ne peut justifier un relâchement des principes éthiques.

L’article 8 stipulait précédemment que l’objectif de générer de nouvelles connaissances « ne doit jamais prévaloir sur les droits et les intérêts des personnes impliquées dans la recherche ». Il se voit reformulé ainsi : « Si de nouvelles connaissances et interventions peuvent s’avérer impérativement nécessaires en situation d’urgence de santé publique, il reste essentiel de respecter les principes éthiques énoncés dans la présente déclaration lors de telles situations d’urgence. »

D’autres évolutions importantes

Onze ans après la précédente version de la déclaration, d’autres évolutions sont apparues nécessaires. L’article 12 rappelait que les recherches médicales impliquant des participants humains ne devaient être menées que par des personnes disposant des qualifications scientifiques et éthiques appropriées, et sous la supervision d’un médecin ou d’un personnel de santé compétent. Il est réécrit ainsi : « L’intégrité scientifique est essentielle dans la conduite de la recherche médicale impliquant des participants humains. Les personnes, les équipes et les organisations impliquées ne doivent jamais s’engager dans des méconduites en matière de recherche. »

La déclaration ne s’adresse plus aux seuls médecins mais à toutes les personnes, équipes et organisations impliquées dans la recherche médicale. Les patients et volontaires sains deviennent acteurs à part entière de la recherche médicale, et ne sont plus de simples objets d’étude. Leur consentement n’est plus seulement éclairé, mais il devient également libre. Par libre, il est précisé que l’information donnée au patient ne doit pas être biaisée lors de sa présentation, ni influencer sa décision.

Café Bronda, Helsinki, Santeri Salokivi (1886-1940)

Par ailleurs, la déclaration de Taipei (adoptée en 2002 et révisée en 2016) [4] est explicitement mentionnée (article 32). C’est un document de référence de l’Association médicale mondiale qui établit les principes éthiques pour la collecte, l’utilisation et le partage des données de santé et des matériels biologiques humains identifiables. Elle aborde des enjeux éthiques spécifiques liés aux technologies de l’information et aux grandes bases de données dans le domaine médical. Cette déclaration reconnaît le fort potentiel de telles bases de données pour élaborer de nouveaux traitements, mais elle souligne dans le même temps que « la forte probabilité d’abus ou de mauvaise utilisation […] pose un défi ».

Enfin, des considérations concernant le développement durable ont été ajoutées (article 11) : « La recherche médicale devrait être conçue et menée de manière à éviter ou à réduire les dommages causés à l’environnement, ainsi qu’à encourager la durabilité environnementale. »

De façon surprenante, les systèmes d’intelligence artificielle ne sont pas mentionnés. Pourtant, l’utilisation de ces outils soulève déjà des questions éthiques spécifiques, comme la capacité accrue à lever l’anonymisation des données de santé [5].