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Éthique et reproductibilité des recherches sur l’animal

Publié en ligne le 28 juin 2022 - Intégrité scientifique -

Les essais cliniques chez l’Homme ne doivent être faits, dans la plupart des pays, qu’après accord d’un comité d’éthique de la recherche. Les règles ont été progressivement formalisées après le procès des médecins de Nuremberg de 1947 et la déclaration d’Helsinki de l’association médicale mondiale de 1964 [1]. Les terminologies et missions de ces comités varient selon les pays. En France, il s’agit de comités de protection des personnes instaurés dans le cadre de la loi n° 2012300 du 5 mars 2012, dite « loi Jardé », relative aux recherches impliquant la personne humaine [2]. Sur le modèle de ces comités pour l’Homme, des comités similaires ont été développés pour la recherche animale dans un cadre réglementaire plus général sur l’expérimentation animale [3]. La plupart des pays développés ont commencé à exiger pour l’animal des pratiques responsables de recherche en rendant obligatoire l’avis d’un comité d’éthique.

Une expérience sur un oiseau dans une pompe à air (détail), Joseph Wright of Derby (1734-1797)

Il existe cependant encore des publications scientifiques présentant des images d’animaux ayant été utilisés de façon inacceptable pour des recherches comme, par exemple, des images de souris avec de larges tumeurs allant bien au-delà des recommandations existantes en termes d’éthique. Et la souris n’est pas le seul animal sujet à ce type de maltraitance. Elisabeth Bik, microbiologiste néerlandaise, anime un blog spécialisé sur l’intégrité scientifique, où elle dénonce ces pratiques [4]. En outre, il existe encore de nombreuses recherches inutiles du fait de leur très faible qualité méthodologique. Ainsi, une étude menée aux États-Unis met en évidence le fort taux (de l’ordre de 50 %) d’études précliniques (essais de médicaments sur des animaux) qui s’avèrent non reproductibles, donc de piètre valeur scientifique [5].

Des recommandations groupées en cinq thèmes
En juin 2021, les National Institutes of Health aux États-Unis (l’équivalent américain de l’Inserm – Institut national de la santé et de la recherche médicale) ont publié le rapport d’un groupe de travail [6] qui permet de compléter les nombreux guides déjà existants en faveur d’une recherche animale responsable. Cinq recommandations ont été émises (dont la plupart ne sont en réalité pas spécifiques à l’animal et ont tout leur sens dans la recherche clinique sur l’Homme).

  • Améliorer la qualité des études et des analyses de données.
    Plusieurs moyens sont proposés : une meilleure formation des étudiants et des chercheurs aux méthodes statistiques, des collaborations facilitées entre chercheurs et statisticiens, et l’intervention d’experts en méthodes statistiques très en amont du processus de recherche pour recueillir leurs avis sur les plans d’étude envisagés.
  • Attirer l’attention sur les publications incomplètes et les pratiques douteuses en recherche.
    Il est proposé de sensibiliser la communauté de la recherche animale aux avantages de la documentation prospective des plans de conception et d’analyse des études (à savoir la déclaration et l’enregistrement des protocoles expérimentaux afin de permettre d’évaluer leur faisabilité et leur utilité).
  • Aider à mieux évaluer la pertinence des modèles animaux et à mieux les sélectionner ou les concevoir.
    Cela passe par un cadre dans lequel les chercheurs peuvent expliquer la pertinence de leurs choix et échanger sur les meilleures pratiques en matière de modèles animaux, par la promotion de recherches sur la biologie comparative entre l’animal et l’Homme, et par la sensibilisation du public à l’intérêt de la recherche animale pour améliorer la santé.
  • Améliorer la documentation sur les méthodes et les publications des résultats.
    Les chercheurs devraient mieux connaître (et donc mieux documenter) les facteurs liés à l’environnement des animaux qui peuvent affecter la qualité de leurs résultats. La qualité des soins à long terme des animaux plus grands et à longue durée de vie devraient également être mieux documentés.
  • Mesurer les coûts et l’efficacité des efforts réalisés dans le cadre de ces recommandations.
    La feuille de route est précise, mais la mise en pratique nécessite des moyens, et aussi de surmonter des habitudes bien en place.
Références


1 | « Déclaration d’Helsinki de L’AMM – Principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des êtres humains », Association médicale mondiale, juin 1964. Sur wma.net
2 | « Comités de protection des personnes (CPP) », sur le site de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France, 8 juin 2021. Sur iledefrance.ars.sante.fr
3 | « La réglementation et le dispositif éthique de l’expérimentation animale », Inserm, 11 août 2017.
4 | Bik E, “Animal ethics misconduct : mice with very large tumors”, Blog Science Integrity Digest, 7 mai 2020. Sur scienceintegritydigets.com
5 | Freedman LP et al., “The economics of reproducibility in preclinical research”, PLoS Biology, 13 :e1002165.
6 | ACD (Advisory Committee to the Director) working group on enhancing rigor, transparency, and translatability in animal research, rapport final du 11 juin 2021. Sur acd.od.nih.gov

Publié dans le n° 339 de la revue


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L' auteur

Hervé Maisonneuve

Médecin de santé publique, il est consultant en rédaction scientifique et anime le blog Rédaction Médicale et (...)

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