Accueil / Les livres traitant de l’homéopathie

Les livres traitant de l’homéopathie

Publié en ligne le 14 octobre 2019 - Homéopathie -
Les ouvrages sur l’homéopathie ciblant les patients ou les professionnels de santé sont légion. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les librairies en ligne. Ainsi, le site Amazon présente pas moins de vingt ouvrages sur le sujet, publiés entre janvier et septembre 2019. La plupart s’adressent au grand public et, à la lecture de la 4e de couverture, voire du seul titre, l’homéopathie est présentée comme une pratique validée et recommandée : Je me soigne avec l’homéopathie, c’est malin, L’homéopathie au fil de la vie : Guide familial, Maigrir avec l’homéopathie, Vadémécum de la prescription en homéopathie : fiches pratiques par maladies et par médicament classées de A à Z, Guide d’homéopathie pour la famille : dictionnaire des maladies et traitements, Ma bible de l’homéopathie, Électro-homéopathie : Principes d’une science nouvelle..., L’homéopathie de A à Z : Mieux connaître l’homéopathie pour bien l’utiliser au quotidien, etc. Force est de constater que la majorité de ces ouvrages, pourtant utilisés pour certains à des fins d’enseignement universitaire, souffrent de faiblesses scientifiques majeures. Contrairement aux revues scientifiques, ils n’adoptent pas une approche systématique de sélection et de revue de travaux scientifiques. Ces livres échappent le plus fréquemment aux procédures de relecture qui garantissent un minimum de rigueur scientifique. Les ouvrages grand public font aussi l’objet de promotion dans les médias et ceux consacrés à l’homéopathie sont souvent écrits par des auteurs qui affichent leur diplôme médical, apportant ainsi une illusion de caution scientifique.

Nous présentons ici l’analyse d’un de ces livres, écrit par le président de la Fédération française des sociétés d’homéopathie (FFSH), auteur prolixe, avec plus de vingt ouvrages en dix ans sur l’homéopathie, la « médecine naturelle », les huiles essentielles, la phytothérapie, la lithothérapie, etc. Dans ce contexte, les livres présentant une vision critique de l’homéopathie et utilisant une approche scientifique d’évaluation sont extrêmement rares. Nous avons identifié et revu trois ouvrages qui, à notre avis, pourraient servir de support pour un enseignement des pratiques alternatives.

François Maignen, docteur en pharmacie et statisticien, spécialisé en santé publique.

Homéopathie : l’évidence
Daniel Scimeca
Éditions du Rocher, 2019, 208 pages, 14,90 €

Homéopathie : l’évidence, est un livre grand public. L’auteur est médecin généraliste, praticien attaché au Centre hospitalier intercommunal de Créteil et président de la Fédération française des sociétés d’homéopathie. L’évaluation de l’efficacité de l’homéopathie présentée par Daniel Scimeca diffère significativement de celle conduite par la Haute autorité de santé [1]. Cet ouvrage offre une perspective incomplète, biaisée et donc erronée de la pratique homéopathique. En dehors des spéculations concernant une efficacité hypothétique de l’homéopathie (incluant une analogie sans fondement avec la vaccination), l’essentiel des preuves cliniques mises en avant repose sur les études EPI3. En réalité, ces dernières ne démontrent en aucun cas une efficacité thérapeutique ou un intérêt pour diminuer l’iatrogénie médicamenteuse en France [2,3]. L’auteur focalise son attention sur les critiques qui se sont exprimées en France en omettant de mentionner le consensus scientifique international sur l’absence d’efficacité de l’homéopathie. Il évoque « la tribune des haineux » pour parler de l’appel du collectif de 124 professionnels de santé à l’origine de la réouverture du débat sur les médecines alternatives.
L’auteur livre une interprétation inexacte des exigences réglementaires européennes concernant l’octroi des autorisations de mise sur le marché des remèdes homéopathiques (directive 2001/83/EC). Ainsi, l’article 14 qui accorde une exemption de soumettre des essais précliniques et cliniques pour les remèdes homéopathiques est assortie de l’impossibilité de revendiquer une indication thérapeutique. En d’autres termes, le statut de médicament tel qu’il est accordé ne garantit en aucun cas l’existence d’une quelconque efficacité thérapeutique, contrairement à ce qu’affirme le Dr Scimeca dans son livre [4]. Cet état de fait a d’ailleurs été confirmé par l’évaluation de la Haute autorité de la santé. Le livre contient également l’argumentaire souvent repris par les partisans de l’homéopathie selon lequel les « spécificités » de leur approche thérapeutique interdisent toute évaluation clinique rigoureuse (alors qu’il n’en est rien, un traitement personnalisé, comme le revendique l’homéopathie, n’empêche en aucun cas de se soumettre aux exigences d’une évaluation clinique rigoureuse). L’association souvent constatée entre la pratique homéopathique et la défiance vaccinale est rejetée et les études et les faits qui mettent cette association en évidence sont simplement ignorés. Enfin, les dérives graves qui sont constatées (traitement de l’autisme, utilisation dans des pathologies graves comme certains cancers, le paludisme, le sida ou Ebola) [5] sont reconnues (chapitre 6) mais largement minimisées. Cette reconnaissance n’a par ailleurs conduit à aucune sanction concrète de la part des homéopathes. Ainsi, le livre oublie de mentionner que le médecin qui prétend traiter l’autisme à l’aide du protocole « chlorum » [6] est toujours en exercice et est membre du conseil d’administration du Syndicat national des médecins homéopathes de France et que l’association Homéopathes sans frontières, qui promeut les remèdes homéopathiques pour la prise en charge de graves maladies infectieuses, continue son activité en Afrique sans que cela soit dénoncé.
Le professionnel de santé ou le lecteur simplement curieux de s’informer de façon rigoureuse devra se tourner vers d’autres ouvrages.



Connaissez-vous l’homéopathie ?
Idéologie, médias, sciences
Thomas C. Durand
Éditions Matériologiques, 2019, 234 pages, 15 €

L’ouvrage de Thomas Durand (docteur en biologie et animateur de la chaîne vidéo « La Tronche en Biais ») complète le remarquable travail d’évaluation et d’information réalisé sur sa chaîne YouTube. L’auteur nous propose une évaluation systématique et rigoureuse des grands principes qui sous-tendent l’utilisation de l’homéopathie dans la pratique clinique. Il dissèque les principes fondateurs de cette approche thérapeutique et rend compte des études scientifiques réalisées. Il décrit également les méthodes utilisées par ses partisans pour échapper à toute évaluation clinique rigoureuse et met en évidence les dérives observées. Malgré quelques imperfections notables (l’analyse des études EPI3 reste très superficielle, les approches qui devraient être utilisées pour conduire une évaluation rigoureuse de la pratique homéopathique sont peu discutées), ce livre est, à ce jour, l’un des ouvrages scientifiques les plus rigoureux publiés en France sur le sujet. Reste à espérer qu’une prochaine mise à jour inclura les éléments de l’évaluation faite par la Haute autorité de santé et présentera les principes d’évaluation des médecines dites complémentaires plus en profondeur ainsi que les éléments de la controverse qui ont accompagné cette évaluation.



SCAM : so-called alternative medicine
Edzard Ernst
Societas, 2018, 220 pages, 23,89 €

Alternative medicine
A critical assessment of 150 modalities
Edzard Ernst
Springer, 2019, 312 pages, 27,04 €

Le professeur Edzard Ernst est un médecin chercheur exerçant au Royaume-Uni, spécialiste de l’évaluation scientifique des médecines alternatives. Ses ouvrages (pour la plupart uniquement disponibles en anglais 1) font référence dans le domaine des thérapies « alternatives » ou « complémentaires ». Le premier livre dépasse le seul cadre de l’homéopathie et étudie les principes revendiqués par différentes médecines « alternatives ». L’auteur passe en revue les données scientifiques disponibles et analyse les pratiques et les dérives de ces approches. Il offre des lignes directrices claires et très utiles pour les patients ou professionnels de santé afin d’identifier les mauvaises pratiques scientifiques trouvées dans la majorité des études conduites dans ce domaine. Cet ouvrage vient d’être complété par la publication récente d’un livre qui recense et analyse de façon systématique les bénéfices et les risques établis de plus de 150 approches complémentaires. Ces deux livres sont donc recommandés aux patients désireux de mieux s’informer et aux professionnels de santé qui souhaitent étayer leur connaissance ou leur pratique médicale par des données scientifiques rigoureuses et validées.


Bibliographie


1 | Haute autorité de santé, Collectif fakemed – Jeremy Descoux, in « Synthèse des contributions reçues dans le cadre de la réévaluation des médicaments homéopathiques », 9 juillet 2019. Sur has-sante.fr
2 | Haute autorité de santé, « Évaluation des médicaments homéopathiques. Avis défavorable au maintien du remboursement », 9 juillet 2019. Sur has-sante.fr
3 | Maignen F, « L’homéopathie peut-elle aider à réduire les effets indésirables des médicaments ? », Sciences et pseudo-sciences n° 330, octobre 2019.
4 | Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, 132 p. Disponible à ec.europa.eu
5 | « L’homéopathie en Afrique : une farce sinistre et révoltante », Sciences et pseudo-sciences n° 292, octobre 2010. Sur afis.org
6 | Grandgeorge D, « Traitement homéopathique pour l’autisme : Chlorum et les autres… », Revue d’Homéopathie, 2016, 7:17-20.

1 À la notable exception de Trick Or Treatment ? Alternative Medicine on Trial co-écrit avec Simpn Singh et traduit en français sous le titre Médecines douces - Info ou Intox ? (Éditions Cassini, 2014)


Thème : Homéopathie

Mots-clés : Littérature


Partager cet article


L' auteur

François Maignen

François Maignen est docteur en pharmacie et statisticien, spécialisé en santé publique (Londres).

Plus d'informations