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Veau, vache, cochon, couvée et remèdes homéopathiques

Publié en ligne le 7 mars 2022 - Homéopathie -

L’engouement pour les médecines dites alternatives et complémentaires ne se limite pas à son usage chez l’Homme. Chez les animaux aussi, ces pratiques connaissent un succès croissant (voir encadré ci-dessous). C’est dans ce contexte que l’Académie vétérinaire de France vient de rendre public un rapport et un avis sur l’usage de l’homéopathie en médecine vétérinaire [1]. Cette prise de position s’inscrit dans la suite logique de celles de l’Académie des sciences [2] et des Académies de médecine et de pharmacie [3] jugeant ces approches sans fondement scientifique et sans validité prouvée.

Une demande sociétale forte


En médecine vétérinaire, la demande des clients est forte, tant pour les animaux de compagnie qu’en médecine équine et en productions animales. Certains l’évoquent comme un outil médical dans la lutte contre l’antibiorésistance au motif d’une moindre prescription d’antibiotiques : les études bien conduites montrent (ainsi que le déclarent les vétérinaires homéopathes auditionnés) que le traitement homéopathique ne peut être une alternative, lorsque la prescription du traitement antibiotique est établie selon les règles de bonnes pratiques. Chaque espèce a ses médecines alternatives de préférence. Les détenteurs de chevaux semblent davantage portés sur l’ostéopathie. Les propriétaires d’animaux de rente sont tentés par l’homéopathie : les contraintes économiques, réglementaires et les exigences actuelles en agriculture biologique, en termes de résidus notamment, les y amènent.

Quant aux propriétaires d’animaux de compagnie, qui sont déjà nombreux à se montrer hostiles aux vaccins, ils sont également de plus en plus réticents à l’usage de la « chimie » et volontiers tentés par des alternatives naturelles.

Cette réalité doit aussi être prise en compte par ceux qui sont en charge de l’encadrement de la médecine vétérinaire. Ne pas prendre en compte ce phénomène sociétal ne ferait qu’alimenter la suspicion d’une attitude dogmatique, d’une absence d’ouverture d’esprit, ou d’une ignorance, ce qui est à l’opposé des fondements de la démarche scientifique qui a permis les progrès de la médecine. La préparation homéopathique n’a pas fait les preuves de son efficacité et, dans ces conditions, sa prescription ne peut s’inscrire que dans une transgression responsable.

Extrait du rapport de l’Académie vétérinaire de France

Les promoteurs de l’homéopathie mettent souvent en avant la médecine vétérinaire où l’effet placebo serait supposé ne pas exister et où l’efficacité de leurs remèdes serait établie. En guise de preuve, les vétérinaires praticiens ayant recours à l’homéopathie ont pu être tentés de se satisfaire d’observations isolées issues de leur pratique, du colloque singulier avec le patient ou, plus précisément, avec le maître du patient c’est-à-dire le propriétaire ou le détenteur de l’animal. Mais, comme le rappelle l’Académie : « L’homéopathie doit faire ses preuves comme toute autre discipline, en médecine vétérinaire comme en médecine humaine. » 1 Elle s’interroge sur le fait que « les mécanismes d’action invoqués comme hypothèses, non seulement remettent en cause tout ce que l’on sait en pharmacologie des mécanismes d’action démontrés des médicaments mais surtout remettent en cause les connaissances acquises en biologie, notamment sur les mécanismes biochimiques endogènes connus au sein des organismes (hormones, neurotransmetteurs, etc.) ». Et avant de rechercher des mécanismes invraisemblables, il faut s’assurer de l’existence du fait à expliquer. Les académiciens rappellent ainsi la nécessité de « former les vétérinaires, utilisant l’homéopathie ou non, aux méthodes de recherche, à l’approche critique des publications scientifiques, et à la prise de décision médicale ».

Une efficacité non démontrée

L’Âne malade (détail), Eduard Pistorius (1796-1862)

Constat principal de l’Académie vétérinaire de France : les préparations homéopathiques n’ont pas, dans le cadre de la recherche clinique, notamment de la recherche clinique vétérinaire, apporté la preuve de leur efficacité. Aucune action complémentaire à celle de l’effet contextuel (incluant l’effet placebo [4]) ne peut être prouvée. L’Académie conclut : « Au stade actuel, les études cliniques de tous niveaux n’apportent pas de preuves scientifiques suffisantes pour soutenir l’efficacité thérapeutique de la préparation homéopathique vétérinaire et pour soutenir l’homéopathie en tant que pratique vétérinaire. » L’Académie s’appuie sur plusieurs méta-analyses, dont, par exemple, celle examinant 48 études menées entre 1981 et 2014 et qui s’est intéressée au recours à l’homéopathie pour prévenir ou guérir les infections dans les élevages en évitant un recours aux antibiotiques [5]. Elle constate la très mauvaise qualité des études affirmant une efficacité et conclut qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour recommander que l’homéopathie soit utilisée pour remplacer ou réduire les antibiotiques dans le traitement du bétail d’élevage.

L’homéopathie vétérinaire et la question des « pathogénésies »

L’homéopathie vétérinaire apparaît en Allemagne avec le vétérinaire allemand Johann Josef Wilhelm Lux (1773-1849) qui se propose d’étendre la théorie élaborée par Samuel Hahnemann (1755-1843) de l’Homme à l’animal (même si la première publication d’homéopathie vétérinaire est attribuée à Donauer, apothicaire de la Cour à Cobourg en Bavière, en 1815).

En homéopathie, la pathogénésie occupe une place centrale dans la doctrine. La doctrine homéopathique est en effet fondée sur un postulat selon lequel « les semblables sont guéris par les semblables » (d’où le suffixe « homéo » qui signifie semblable en grec ancien). Le terme de pathogénésie a été créé par Samuel Hahnemann, l’inventeur de l’homéopathie, pour désigner les symptômes ressentis par une personne supposée en bonne santé lorsqu’elle absorbe une substance donnée. La théorie homéopathique affirme alors que la même substance, administrée à une personne malade ressentant les mêmes symptômes, permettra la guérison. Pendant plusieurs années, Samuel Hahnemann et ses disciples ont expérimenté sur eux-mêmes de nombreuses substances et noté les symptômes qu’ils ressentaient (le principe de dilution est apparu à cette occasion pour éviter les effets délétères de certaines substances absorbées). C’est ainsi que s’est constituée au fil du temps la matière médicale homéopathique.

S’il peut parfois être reproché à la médecine humaine de trop s’appuyer sur l’expérimentation animale, avec l’homéopathie vétérinaire, c’est l’inverse qui prévaut : les animaux « bénéficient », si l’on peut dire, des « expérimentations » conduites chez l’Homme. En effet, mis à part Johann Josef Wilhelm Lux, précédemment cité, qui avait commencé l’établissement de pathogénésies chez les animaux, les vétérinaires homéopathes s’appuient essentiellement sur celles déterminées chez l’Homme. Comme le rappelle l’Académie vétérinaire, ces expérimentations ne sont du reste pas documentées. Les homéopathes justifient cette transposition des pathogénésies de l’Homme aux animaux par le fait que les animaux ne peuvent pas fournir d’informations précises sur les symptômes qu’ils éprouvent et qu’ils ont, ce qui est profondément vrai, une physiologie différente de celle des humains. Alors pourquoi ce qui est vrai dans un sens ne le serait pas dans l’autre ? Autrement dit, pourquoi et comment, à partir de signes et symptômes observés par l’administration de substances à des humains, on pourrait déterminer le remède homéopathique adapté à des animaux physiologiquement très différents de l’Homme et réagissant différemment à l’administration de substances ? La transposition indistincte au porc, au cheval, au chien ou au mouton de signes et symptômes observés chez l’Homme n’a purement et simplement aucun sens. Et on ne parlera même pas de l’attachement des homéopathes, dans leurs pathogénésies, aux symptômes mentaux et émotionnels, sans doute encore plus délicats à transposer au cheval, à la vache ou à la poule.

L’exigence de cohérence scientifique se trouve soumise avec l’homéopathie vétérinaire à des tensions qui témoignent d’une grande élasticité des principes dans leur mise en pratique.

L’individualisation mise à mal

Le principe d’individualisation est l’un des principes fondateurs de l’homéopathie, pratique qui ne connaît pas de maladies mais seulement des malades et pour laquelle le traitement est entièrement déterminé par le profil du patient et ses symptômes [7]. La médecine vétérinaire, quand elle concerne les espèces domestiques élevées pour leurs productions, est le plus souvent collective et non individuelle ; on examine et on traite des lots d’animaux. Les vétérinaires homéopathes, pour tenter de rester cohérents avec la doctrine, se sont mis à considérer un lot d’animaux, voire un élevage entier comme une sorte d’individu, une entité [8]. L’Académie vétérinaire souligne le fait que, fréquemment, les prescriptions homéopathiques, surtout quand il s’agit de prescriptions portant sur des lots, voire de grands effectifs, ne sont plus en situation de suivre ni le principe de similitude ni celui d’individualisation. En effet, tous les animaux n’ont pas forcément les mêmes symptômes. Il ne reste plus au remède homéopathique que la « dilution infinitésimale », c’est-à-dire son extrême dilution à des niveaux tels qu’il ne reste, dans la plupart des cas, plus aucune trace de la substance active. La « dynamisation » (le flacon est secoué après chaque dilution lors de la préparation) ne change rien à cet état de fait.

La théorie homéopathique mise à mal chez l’animal


Les pathogénésies animales

Il n’est pas nécessaire d’être très calé en biologie pour comprendre que le métabolisme d’un chat diffère sur bien des points de celui d’un bovidé, et que leurs organismes ne réagissent pas de la même façon à bien des substances.

À supposer qu’on entreprenne d’établir des matières médicales pour les espèces domestiques les plus courantes, on rencontrera d’autres difficultés. Quand un individu sain humain est à la fois expérimentateur et sujet d’expérience, soulignent [les professeurs] Le Bars et Brugère [6], les symptômes qu’il rapporte présentent un luxe de descriptions qualitatives et subjectives résultant d’un travail d’introspection : « Par comparaison, les symptômes qu’un vétérinaire peut noter, même au cours d’un interrogatoire poussé avec un propriétaire connaissant bien son animal, sont beaucoup plus frustes. » [...] Va-t-on demander à un éleveur si son cochon éprouve « un désir de sucreries » ou si son cheval a « tendance à vomir » (les chevaux ne vomissent pas) ?

En attendant de voir le jour (s’il vient) où ils disposeront de pathogénésies particulières pour les bovins ou les félins, les vétérinaires « font avec » et tentent de transposer les symptômes des matières médicales établies pour l’Homme. Néanmoins, écrivent les mêmes professeurs de l’école [vétérinaire] d’Alfort, on peut difficilement accepter des assimilations aussi douteuses que d’identifier la chute des poils corporels d’un animal à la calvitie humaine. « D’autres sont un véritable défi à l’entendement, telle l’assimilation qui est faite des règles de la femme et des émissions sanguines de la chienne : alors que les premières résultent, en fin de cycle, de la liquidation du lit utérin, les secondes surviennent en plein cycle, lors de l’œstrus, quelques jours avant l’ovulation. »

Le mode d’administration chez l’animal

Les médicaments homéopathiques vétérinaires sont le plus souvent administrés par voie orale, comme pour l’Homme. Mais leur devenir n’est pas le même selon les mécanismes de digestion de chaque espèce. Les deux auteurs cités prennent l’exemple des ruminants, chez qui la voie orale consiste à faire avaler le médicament, soit en le plaçant sur ou sous la langue, soit en l’incorporant aux aliments ou à l’eau de boisson. Quelques globules ou quelques centimètres cubes de médicament tombent dans un océan de matières digestives en fermentation dans la panse. Cette préparation n’a donc pas d’impact sur l’organisme, sinon pendant le court instant de la déglutition. Dans la panse, chaque millimètre cube de préparation est livré à des millions de micro-organismes auxquels ne résistent pas beaucoup de médicaments ordinaires.

Les dilutions homéopathiques offriraient-elles davantage de résistance ? En outre, le stockage des aliments dans plusieurs poches successives du tube digestif retarde leur absorption et réduit le plus souvent leur effet biologique. C’est pourquoi, du reste, beaucoup de médicaments classiques sont administrés aux ruminants par injection plutôt que par voie orale. [...]

Le principe d’individualisation mis à mal

Autre problème. Les vétérinaires homéopathes soucieux de respecter un tant soit peu les principes d’individualisation du remède se trouvent souvent en présence d’un groupe d’animaux frappés d’un même mal, par exemple de bronchopneumonie. Pour l’homéopathe de stricte obédience, les symptômes respiratoires communs à tous les animaux sont secondaires. Il s’efforcera de découvrir chez chaque animal un détail pathologique individuel ou une particularité de comportement, ce qui lui permettra, en fin de consultation, de rester fidèle à la doctrine en répartissant ses prescriptions entre plusieurs produits.

Malheureusement, si cette méthode est applicable lorsqu’il s’agit de guérir des animaux malades, elle ne l’est pas pour administrer à tout un groupe un traitement préventif, puisque dans ce cas il n’y a pas de symptômes individuels à observer. Or, il se trouve que de plus en plus de spécialités homéopathiques sont employées dans des élevages pour prévenir des maladies ou des baisses de production résultant d’un mauvais état sanitaire.

Michel Rouzé, Mieux connaître l’homéopathie, Éditions La Découverte, 1989


La question de l’effet placebo

Les homéopathes justifient souvent l’efficacité de leurs préparations supérieure à celle d’un placebo par le fait que l’homéopathie « marche » sur les animaux, lesquels sont supposés ne pas être sensibles à l’effet placebo. Les mécanismes de l’effet contextuel (incluant l’effet placebo) sont aujourd’hui bien mieux connus qu’il y a quelques dizaines d’années et bénéficient de l’apport de plusieurs disciplines, comme les neurosciences [9]. On sait que cet effet peut expliquer une part importante de l’efficacité d’un traitement et que sa puissance dépend de différents facteurs comme l’attente du patient, l’annonce qui lui est faite et le contexte thérapeutique. Mais l’Académie vétérinaire rappelle en complément le rôle du conditionnement : « L’effet conditionnement est lié à la répétition d’expériences antérieures d’amélioration sous médicament actif, et dépend de structures cérébrales profondes comme l’amygdale cérébrale. Il est spécifique du symptôme traité et se reproduit sous placebo. Ces effets sont au cœur du ressenti bénéfique de l’acte d’homéopathie comme de tout acte thérapeutique bien mené, qu’il soit inclus ou non dans une thérapeutique complémentaire. » Il s’agit là de pratiques de médecine bien connues des vétérinaires et des éleveurs qui démontrent l’utilisation possible du conditionnement en médecine animale à des fins thérapeutiques. Par exemple une génisse allaitante traitée par des injections d’ocytocine (hormone hypophysaire stimulant l’émission du lait) pour éjecter son lait lors de la tétée du veau, « donnera son lait » avec la même efficacité au bout de quelques séances alors que du sérum physiologique aura remplacé la préparation injectable à base d’ocytocine. Par ailleurs des travaux récents suggèrent chez le rat la possibilité d’un effet placebo dans le cadre d’apprentissages [10].

Mais indépendamment de cet effet placebo qui pourrait exister aussi chez l’animal, on retrouve un élément commun avec la médecine humaine qui peut donner l’illusion d’une efficacité propre de l’homéopathie : l’évolution naturelle de la maladie, et en particulier, comme le souligne l’Académie vétérinaire, une évolution « qui reste incertaine et en particulier dans les domaines privilégiés par les homéopathes : les maladies chroniques avec des signes cliniques fluctuants et les maladies aiguës à résolution spontanée ». Par ailleurs, l’effet placebo peut s’exercer via le propriétaire de l’animal. Cet effet est connu sous le nom d’« effet placebo du soignant de l’animal » (caregiver placebo effect) [11].

Zétérinaires


L’association Zétérinaires, créée en 2019, se fixe pour objectif « la défense et la promotion de la démarche scientifique, de l’esprit critique et de la médecine basée sur les preuves au sein de la profession vétérinaire ». Par la diffusion d’informations « claires et objectives sur l’état des connaissances scientifiques », elle entend œuvrer à l’amélioration de la qualité des filières animales et de la santé publique. Comme rappelé en page d’accueil du site de l’association 2, « les Zétérinaires sont des vétérinaires qui dénoncent lintrusion des pseudo-sciences dans la médecine vétérinaire ».

Chef d’un veau, Rosa Bonheur (1822-1899) Issue d’une famille de peintres, Rosa Bonheur se spécialise tôt dans la représentation des animaux et rencontre un grand succès critique et public, y compris à l’étranger. Artiste de renom, femme libre et particulièrement émancipée pour son époque, elle fut notamment la première officière de la Légion d’honneur de France.

Des utilisations revendiquées en définitive bien restreintes

Certains vétérinaires pratiquant l’homéopathie et auditionnés par l’Académie vétérinaire de France reconnaissent volontiers qu’elle n’a aucune indication anti-infectieuse ni antiparasitaire possible et qu’elle n’est pas davantage substituable aux vaccinations. On comprend bien qu’elle est en définitive davantage proposée dans les affections réversibles ou non lésionnelles, modérément algiques et de préférence non létales.

En conclusion

L’Académie vétérinaire de France confirme les avis des Académies et agences qui, en France et de par le monde, se sont prononcées : il n’existe pas de preuve de l’efficacité des préparations homéopathiques vétérinaires. Sans chercher à se montrer péremptoire et refusant toute polémique, elle renvoie à une amélioration de la formation initiale et continue des vétérinaires excluant tout diplôme d’homéopathie mais incluant une éducation à l’esprit critique et à l’apprentissage des méthodes scientifiques de la recherche. Elle fonde toute sa confiance sur le développement d’une médecine vétérinaire fondée sur les preuves au sein de laquelle les pratiques infondées finiront par se déliter naturellement du seul fait de leur intrinsèque inanité.

L’avis de l’Académie vétérinaire de France


L’Académie vétérinaire de France a émis un avis (6 mai 2021) fondé sur le rapport du groupe de travail qu’elle a mis en place. Le texte intégral de l’avis est à lire sur le site de l’Académie.
Dans les considérants, elle souligne que « les pratiques homéopathiques vétérinaires peuvent ne retenir de leurs propres principes fondamentaux que l’infinitésimalité, en faisant totalement abstraction du principe de similitude », qu’elle se réfère « à des pathogénésies déterminées essentiellement pour l’espèce humaine et ensuite transposées directement à l’animal » et que, bien que « fondée sur l’approche individuelle, elle préconise pourtant le traitement de lots d’animaux ou de troupeaux ».

Elle constate par ailleurs que « ni en médecine humaine, ni en médecine vétérinaire, au stade actuel, les études cliniques de tous niveaux n’apportent de preuves scientifiques suffisantes pour soutenir l’efficacité thérapeutique des préparations homéopathiques », que « chez l’Homme l’effet placebo avec attente est la seule explication plausible, mais aussi suffisante, des effets de l’homéopathie en l’état actuel de la science, mais également des effets non spécifiques associés à tout acte thérapeutique » et que « chez l’animal l’effet contextuel est la seule explication plausible, mais aussi suffisante, des effets de l’homéopathie en l’état actuel de la science ».

Dans ce cadre, elle formule quatorze recommandations. Ainsi, pour elle, « aucune discipline médicale ni aucune pratique à prétention médicale ne [peut] s’exonérer d’un devoir éthique de mise à l’épreuve » et [elle] demande que « la médecine vétérinaire soit définie comme une médecine fondée sur les faits et les preuves et ne soit pas qualifiée d’allopathique ». De même, elle réaffirme « que la médecine vétérinaire doit être avant tout globale et qu’en conséquence le qualificatif de médecine vétérinaire holistique ne puisse être accaparé par des pratiques particulières ».

Elle demande que :

  • « l’homéopathie, en médecine vétérinaire, à l’instar de ce qui prévaut en médecine humaine, ne soit pas reconnue ni ne puisse être revendiquée actuellement comme une activité médicale vétérinaire exclusive » et que « pour la bonne information nécessaire au recueil d’un consentement éclairé, une prescription de préparation homéopathique soit assortie, sur tout support adapté, d’une mention selon laquelle, en l’état actuel des connaissances, l’homéopathie vétérinaire relèverait d’un effet contextuel » ;
  • « la dénomination “médicament homéopathique” soit à terme remplacée dans les textes – communautaires et nationaux – par celle de “préparation homéopathique”, qu’il soit précisé sur l’étiquetage : “l’efficacité de la préparation n’a pas été démontrée selon les normes en vigueur”, et que les préparations homéopathiques ne puissent revendiquer sans sanction pénale les propriétés des vaccins et ne puissent les remplacer » ;
  • « en médecine vétérinaire, aucun diplôme universitaire d’homéopathie ne soit délivré par les écoles et autres établissements publics, que la formation à l’homéopathie ne puisse s’effectuer que dans le cadre d’une formation prenant en compte les réalités de la démarche scientifique » ;
  • « l’attention soit attirée sur la difficulté représentée par l’injonction toujours faite aux éleveurs en agriculture biologique de recourir en priorité à des pratiques telles que l’homéopathie, alors que, dans tous les cas, avec le souci hautement légitime d’utiliser le moins d’intrants possible, l’injonction devrait être de recourir à des thérapeutiques scientifiquement éprouvées ».
Références


1 | Académie vétérinaire de France, « Avis 2021-3 sur l’homéopathie vétérinaire », 15 juin 2021. Sur academie-veterinaire-defrance.org
2 | Académie des sciences, « L’homéopathie : nuisible ou utile ? Les scientifiques européens recommandent une approche fondée sur la preuve scientifique », Communiqué de presse, 29 septembre 2017. Sur academie-sciences.fr
3 | Académie nationale de médecine, « L’homéopathie en France : position de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de pharmacie », Communiqué de presse, 28 mars 2019. Sur academie-medecine.fr
4 | Brissonnet J, « Placebo, es-tu là ? », SPS n° 294, juin 2011.
5 | Doehring C, Sundrum A, “Efficacy of homeopathy in livestock according to peer-reviewed publications from 1981 to 2014”, Vet Record, 2016, 179 :628.
6 | Le Bars H, Brugère H, « Aspects actuels de l’homéopathie vétérinaire », Médecine et nutrition, 1987, 23.
7 | Brissonnet J, « Qu’est-ce que l’homéopathie ? », Afis, 2008. Sur afis.org
8 | Filliat C, « Les médecines douces en élevage », La France Agricole n° 3594, 5 juin 2015.
9 | Haour F, « Mécanismes de l’effet placebo et du conditionnement : données neurobiologiques chez l’homme et l’animal », Med Sci, 2005, 21 :315-9.
10 | Nolan TA et al., “Placebo-induced analgesia in an operant pain model in rats“, Pain, 2012, 153 :2009-16.
11 | Conzemius MG, Evans RB, “Caregiver placebo effect for dogs with lameness osteoarthritis”, JAVMA, 2012, 241 :1314-9.

1 Sauf indication contraire, les citations en italique renvoient au rapport de l’Académie vétérinaire.

2 Le site de l’association « Zétérinaires » : www.zeterinaires.fr


Thème : Homéopathie

Mots-clés : Pseudo-médecines

Publié dans le n° 338 de la revue


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L' auteur

Michel Baussier

Vétérinaire, ancien président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires. Il est l’un des co-auteurs du (...)

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