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James Randi (1928-2020)

Publié en ligne le 12 novembre 2020 - Pseudo-sciences -

James Randi, de son vrai nom Randall James Hamilton Zwinge, nous a quittés le 20 octobre dernier. James Randi était un prestidigitateur professionnel canado-américain internationalement connu sous son nom de scène « The Amazing Randi ». Il a consacré une grande partie de sa vie à enquêter sur les allégations paranormales et pseudo-scientifiques. Il rejetait le qualificatif de « démystificateur » car, disait-il, ce terme induit le fait d’avoir un préjugé sur le sujet : « Ce n’est ni neutre ni scientifique, et cela peut retourner les gens contre vous, alors je préfère me qualifier de sceptique ou d’enquêteur » [1].

Le paranormal à l’épreuve

James Randi a parrainé le « One Million Dollar Paranormal Challenge », offrant une récompense d’un million de dollars à quiconque arriverait à prouver des pouvoirs surnaturels ou paranormaux en respectant un protocole de contrôle scientifique. Entre 1964 et 2015, plus de mille personnes ont tenté, en vain, de relever le défi (la récompense a été d’un million de dollars à partir de 1996). Cette idée a été reprise en 1987 par Henri Broch, Gérard Majax et Jacques Theodor avec le « Prix défi international » doté en 2002 d’une somme de 200 000 €. Ces initiatives ne visaient pas à railler les personnes qui tentaient l’aventure (souvent de bonne foi et bien intentionnées). Il s’agissait au contraire de les prendre au sérieux, sans a priori, et de les attirer vers une mise à l’épreuve rigoureuse dans une démarche pédagogique de sensibilisation à la méthode scientifique [2].

Le projet Alpha

En 1979, James Smith McDonnell, directeur général de l’entreprise aéronautique McDonnell-Douglas, fait un don de 500 000 dollars à une université américaine dans le but de financer des recherches sur les phénomènes parapsychologiques auxquels il croyait. James Randi, apprenant la chose, soumet au laboratoire universitaire un certain nombre de recommandations pour l’aider à déjouer les éventuelles erreurs expérimentales et propose même ses services de magicien, soulignant l’utilité de cette compétence pour identifier les éventuelles falsifications. Cette offre est ignorée et le laboratoire se met en quête de volontaires revendiquant des capacités parapsychologiques (action de la pensée sur la matière, communication à distance, etc.). Deux jeunes personnes sont recrutées et montrent des aptitudes hors du commun. Michel de Pracontal détaille l’histoire dans son livre L’imposture scientifique en dix leçons [3] : « Ils lisaient par télépathie le contenu d’une enveloppe scellée, tordaient des tiges de métal sans les toucher, faisaient sauter les plombs par la seule puissance de leur pensée » et décrit comment les deux jeunes personnes, en réalité deux jeunes magiciens amis de James Randi dans le cadre de ce qu’il appellera le « projet Alpha », « ne cessèrent de tricher au nez et à la barbe [du responsable du laboratoire] qui ne s’en aperçut jamais ». Michel de Pracontal poursuit : « Randi essaya de l’alerter en laissant filtrer des rumeurs sur le projet Alpha. Il envoya même [au laboratoire] une bande vidéo où il expliquait comment obtenir de faux effets PK [psychokinèse] » en indiquant même précisément les moments des expériences menées où la fraude opérait. En 1983, James Randi dévoila la supercherie sans pourtant réussir à convaincre certains adeptes voulant continuer à croire malgré tout aux pouvoirs des deux jeunes gens.

La démystification des « pouvoirs » d’Uri Geller

En 1972, James Randi est le premier à démystifier les prétentions d’Uri Geller à posséder des pouvoirs surnatuels. Gérard Majax le fera également en direct lors de l’émission « Droit de réponse » sur TF1, en 1987.

Uri Geller est alors un illusionniste très médiatisé au niveau international. Il réalise souvent des expériences en direct sur les plateaux de télévision telles que la torsion de cuillers ou l’identification de dessins cachés dans une enveloppe scellée. Il attribue ses performances à un pouvoir paranormal : « Je ne suis pas un magicien ; j’ai été testé par certains des scientifiques les plus éminents dans les laboratoires les plus prestigieux du monde, qui ont publié leurs résultats dans des revues très respectées » [5].

La mémoire de l’eau

On retrouve James Randi dans la fameuse histoire de « la mémoire de l’eau ». En 1988, le biologiste français Jacques Benveniste publie dans la revue Nature un article affirmant que l’eau pouvait garder trace d’une substance avec laquelle elle avait été en contact précédemment. Cette publication déclenche l’une des plus célèbres controverses médiatico-scientifiques du XXe siècle (on se souvient du journal Le Monde du 29 juin 1988 titrant en première page : « Une découverte française pourrait bouleverser les fondements de la physique »). Si l’expérience s’était avérée valide, elle aurait remis en cause les bases de la physique et de la chimie modernes, mais aurait aussi apporté une caution théorique aux affirmations de l’homéopathie sur la prétendue efficacité des dilutions infinitésimales. Aussi, la publication de cette étude par une revue prestigieuse comme Nature soulève-t-elle d’emblée un grand scepticisme dans la communauté scientifique. La revue avait imposé une condition à l’acceptation de l’article de Benveniste et de son équipe : la visite d’un groupe d’experts pour mener une contre-enquête sur place, dans le laboratoire du biologiste. James Randi fait partie de l’équipe et identifie des irrégularités dans les protocoles expérimentaux. Finalement, la revue Nature conclut que les résultats allégués ne « doivent pas être crus » [6].

Scepticisme scientifique

James Randi est à l’origine de la création en 1976 du Committee for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal (CSICOP, devenu ensuite Committee for Skeptical Inquiry, organisation américaine aux objectifs similaires à ceux de l’Association française pour l’information scientifique), aux côtés de Paul Kurtz, Martin Gardner, Carl Sagan et Isaac Asimov.

En 1996, il fonde la James Randi Educational Foundation pour aider les gens « à se défendre contre les affirmations paranormales et pseudo-scientifiques » (c’est elle qui géra le prix « One million dollars challenge »).

Sur cette activité contre les allégations du paranormal et contre les charlatans qui en tirent profit, voir cette conférence TED de James Randi.

Il y est question de voyance, d’homéopathie, de complaisance des médias, du « One Million Dollar Paranormal Challenge », etc..

Et l’on peut aussi apprécier les performances d’orateur de James Randi.

James Randi a reçu de nombreuses distinctions [7]. Celle de l’American Physical Society récompense « sa défense de la science et de la méthode scientifique dans de nombreuses disciplines, y compris la physique, contre la pseudo-science, les fraudes et les charlatans ». L’Association internationale d’astronomie a attribué le nom « Randi » à un astéroïde pour souligner ses contributions à encourager les jeunes à embrasser la science.

Plusieurs d’entre nous, à l’Afis, ont eu l’occasion de rencontrer James Randi et de mesurer sa gentillesse et son attention. Il a plusieurs fois participé à des manifestations de l’European Council of Skeptical Organisations (ECSO, dont l’Afis est membre).

Terminons par une citation de James Randi [8], fondée sur son expérience de magicien, mais au cœur de la démarche qui est la nôtre : « Peu importe à quel point vous êtes intelligent ou instruit, vous pouvez être trompé. »

Références

1 | West M, “In Defense of Debunkers – Practical Debunking”, Committee for Skeptical Inquiry, 13 juin 2018.
2 | Broch H, « La force d’une croyance peut être immense », Science et pseudo-sciences n° 282, juillet 2008.
3 | de Pracontal M, L’imposture scientifique en dix leçons, Éditions du Seuil, 1986.
4 | « Gérard Majax démystifie Uri Geller », 14 mars 1987. Vidéo sur youtube.com
5 | “Geller : I can bend metal”, The Guardian, 8 novembre 2000.
6 | Maddox J, Randi J, Stewart W, “’High-dilution’ experiments a delusion”, 1988, Nature, 334:287-90.
7 | “About James Randi”, James Randi Educational Foundation. Sur randi.org
8 | Bande-annonce du film documentaire “An honest liar” de 2014 sur la vie de James Randi. Sur youtube.com