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L’Afrique souffre de la crise climatique sans beaucoup y contribuer

Publié en ligne le 18 juillet 2023 - Climat -

En octobre 2022, une vingtaine de rédacteurs en chef de revues africaines 1 ont signé un éditorial commun adressé aux participants à la COP 27 qui s’est déroulée en Afrique (à Charm el-Cheikh, en Égypte, du 6 au 18 novembre 2022). L’initiative a été coordonnée par Chris Zielinski, de l’université de Winchester (Angleterre), ancien employé de l’Organisation mondiale de la santé. Les Annales Africaines de Médecine, revue de la faculté de médecine de l’université de Kinshasa (République démocratique du Congo), l’ont également publié en français [1]. Ce texte a ensuite été relayé par 264 revues scientifiques, essentiellement du domaine de la santé (liste accessible en ligne [2]).

Les auteurs de l’éditorial ont focalisé leur propos sur les conséquences pour l’Afrique du réchauffement climatique et ont appelé « à une action urgente pour faire en sorte que [la COP 27] soit la COP qui rende enfin justice au climat pour l’Afrique et les pays vulnérables », soulignant là que ce serait une action « essentielle non seulement pour la santé de ces pays, mais aussi pour la santé du monde entier ».

Tempête de sable au Somaliland frappé par la sécheresse en 2012

Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits (traduction issue de [1] – les références ont été omises, mais peuvent être retrouvées en ligne [3]).

Références
1 | Erhabor GE et al., « Conférence pour le changement climatique COP27 : une action urgente pour l’Afrique et le monde », Annales africaines de médecine, 2022, 16. Sur anafrimed.net
2 | “Full list of authors and signatories to climate emergency editorial”, BMJ, octobre 2022. Sur bmj.com
3 | Atwoli L et al., “COP27 Climate change conference : urgent action needed for Africa and the world”, Lancet, 2022, 400 :1563-5.

L’Afrique a souffert de manière disproportionnée, bien qu’elle n’ait guère contribué à la crise


La crise climatique a eu un impact sur les déterminants environnementaux et sociaux de la santé dans toute l’Afrique, entraînant des effets sanitaires dévastateurs. Les répercussions sur la santé peuvent résulter directement des chocs environnementaux et indirectement des effets à médiation sociale. Les risques liés au changement climatique en Afrique comprennent les inondations, la sécheresse, les vagues de chaleur, la réduction de la production alimentaire et de la productivité du travail.

Les sécheresses en Afrique subsaharienne (ASS) ont triplé entre 1970-1979 et 2010-2019. En 2018, des cyclones dévastateurs ont impacté trois millions de personnes au Malawi, au Mozambique et au Zimbabwe. En Afrique de l’Ouest et centrale, de graves inondations ont entraîné une mortalité et des migrations forcées dues à la perte d’abris, de terres cultivées et de bétail. Les changements dans l’écologie des vecteurs provoqués par les inondations et les atteintes à l’hygiène du milieu ont entraîné une augmentation des maladies dans toute l’ASS, avec des hausses du paludisme, de la dengue, de la fièvre de Lassa, de la fièvre de la vallée du Rift, de la maladie de Lyme, du virus Ebola, du virus du Nil occidental et d’autres infections. La hausse du niveau des mers réduit la qualité de l’eau, ce qui entraîne des maladies d’origine hydrique, notamment des maladies diarrhéiques, l’une des principales causes de mortalité en Afrique.
Les conditions météorologiques extrêmes endommagent l’eau et l’approvisionnement en nourriture, ce qui accroît l’insécurité alimentaire et la malnutrition, à l’origine de 1,7 million de décès par an en Afrique. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la malnutrition a augmenté de près de 50 % depuis 2012, en raison du rôle central de l’agriculture dans les économies africaines. Les chocs environnementaux et leurs effets d’entraînement portent également gravement atteinte à la santé mentale. Au total, on estime que la crise climatique a détruit un cinquième du produit intérieur brut (PIB) des pays les plus vulnérables aux chocs climatiques.

[…] L’Amérique du Nord et l’Europe ont contribué à 62 % des émissions de dioxyde de carbone depuis la révolution industrielle, tandis que l’Afrique n’y a contribué qu’à 3 %.

La lutte contre la crise climatique nécessite l’intervention de toutes les parties prenantes


Pourtant, ce n’est pas seulement pour des raisons morales que toutes les nations devraient s’inquiéter pour l’Afrique. Les impacts aigus et chroniques de la crise climatique créent des problèmes tels que la pauvreté, les maladies infectieuses, les migrations forcées et les conflits qui se propagent à travers les systèmes mondialisés. Ces répercussions touchent toutes les nations. La Covid-19 a servi de signal d’alarme quant à ces dynamiques mondiales et ce n’est pas une coïncidence si les professionnels de la santé ont été actifs dans l’identification et la réponse aux conséquences des risques systémiques croissants pour la santé. Mais les leçons de la pandémie Covid-19 ne doivent pas se limiter au risque de pandémie. Au contraire, il est impératif que la souffrance des nations de première ligne, y compris celles d’Afrique, soit au cœur des préoccupations de la COP27 : dans un monde interconnecté, laisser les pays à la merci des chocs environnementaux crée une instabilité qui a de graves conséquences pour toutes les nations.

[…] Pour l’Afrique et d’autres régions vulnérables, ces dommages sont déjà graves. Il est désormais essentiel d’atteindre l’objectif promis de fournir cent milliards de dollars de financement climatique par an si nous voulons prévenir les risques systémiques de laisser des sociétés en crise […]. Il sera plus rentable de financer l’adaptation que de s’en remettre aux secours en cas de catastrophe.

[…] L’Afrique se joint à d’autres régions en première ligne pour demander instamment aux nations riches d’agir enfin, ne serait-ce que parce que les crises en Afrique ne tarderont pas à s’étendre et à engloutir tous les coins du globe, et qu’il sera alors peutêtre trop tard pour réagir efficacement. Si, jusqu’à présent, ils n’ont pas réussi à se laisser convaincre par des arguments moraux, il faut espérer que leur intérêt personnel l’emportera désormais.

Source
Erhabor GE et al., « Conférence pour le changement climatique COP27 : une action urgente pour l’Afrique et le monde », Annales africaines de médecine, 2022, 16. Annales africaines de médecine, 2022, 16. Sur anafrimed.net

1 Les rédacteurs signataires représentaient les revues suivantes : West African Journal of Medicine ;Sierra Leone Journal of Biomedical Research ;Ethiopian Journal of Health Sciences ;Annales Africaines de Médecine ;Annals of African Surgery ;African Journal of Primary Health Care & Family Medicine ;Curationis ;Ghana Medical Journal ; African Journal of Reproductive Health ;Eastern Mediterranean Health Journal ; Eastern Mediterranean Health Journal ;Médical ; Journal de la Faculté de Médecine d’Oran ; African Health Sciences ;Evidence-Based Nursing Research ;East African Medical Journal ;La Tunisie Médicale.