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Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère géologique ?

Publié en ligne le 21 décembre 2024 - Climat -

L’impact des activités humaines sur l’environnement est indéniable.

Lit asséché de la rivière Bandiat en Charente (août 2022)

La composition de l’atmosphère a été modifiée, on retrouve des traces de pollution dans les sols et les océans, le rythme de disparition des espèces animales est beaucoup plus rapide que par le passé et les explosions atomiques atmosphériques ont dispersé sur l’ensemble de la Terre des isotopes qui n’existent pas naturellement.

Ces impacts à grande échelle ont conduit des scientifiques à suggérer que la Terre était entrée dans une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène (du grec anthrōpos « être humain »). Le terme a été popularisé par Paul Crutzen, prix Nobel pour ses travaux sur la chimie de l’atmosphère, et le biologiste Eugene Stoermer avant d’être maintenant largement utilisé dans l’espace public.


Mais quand a vraiment commencé l’Anthropocène ? Plusieurs propositions ont été faites parmi lesquelles :

  • les débuts de l’agriculture il y a plusieurs milliers d’années, avec un impact sur les sols et l’atmosphère ;
  • la découverte de l’Amérique par les Européens en 1492, qui a conduit à des transformations radicales sur ce continent en quelques décennies et même un impact sur la composition de l’atmosphère [1] ;
  • la révolution industrielle et le début de l’utilisation du charbon à la fin du XIXe siècle, entraînant une augmentation du taux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère ;
  • l’utilisation de l’énergie atomique à partir de 1945, et en particulier les essais nucléaires atmosphériques qui ont dispersé une contamination radioactive mesurable sur l’ensemble de la Terre ;
  • la grande accélération du XXe siècle avec une croissance rapide de la population humaine, une utilisation accrue des combustibles fossiles, la déforestation et la perte associée des habitats pour la biodiversité.

Les études scientifiques montrent que ces transformations ont déjà un impact visible dans les sédiments, qui le restera pendant des millions d’années, ce qui justifierait donc une qualification géologique de l’Anthropocène. Mais, pour une reconnaissance officielle dans la classification de stratigraphie géologique, il faut respecter des critères précis édictés par la communauté des géologues.

Couches sédimentaires d’une formation géologique en Cappadoce (Turquie)

L’Union internationale des sciences géologiques (IUGS) s’est penchée sur la question. Le groupe de travail « Anthropocène » avait voté en 2019 pour que ce dernier soit considéré officiellement comme un marqueur stratigraphique, puisqu’il pourra être identifié par les géologues du futur (s’ils existent). Mais en mars 2024, la sous-commission pour la stratigraphie du Quaternaire (l’ère géologique actuelle) a décidé par un vote que l’Anthropocène ne respectait pas certains critères pour être considéré comme une ère géologique [2]. C’est en particulier l’impossibilité de choisir objectivement une date pour le début de cette période qui a pesé dans la balance. La commission préfère considérer que l’Anthropocène est un événement géologique plutôt qu’une ère.

Références

1 | Koch A et al., “Earth system impacts of the European arrival and Great Dying in the Americas after 1492”, Quaternary Science Reviews, 2019, 207 :13-36.

2 | Subcommission on quaternary stratigraphy, “Working group on the ‘Anthropocene’”, 2023. Sur quaternary.stratigraphy.org