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Y a-t-il une accélération du réchauffement climatique ?

Publié en ligne le 21 décembre 2024 - Climat -

Il existe une controverse scientifique en cours dans la communauté des climatologues. Les années récentes ont été particulièrement chaudes et le réchauffement sur les quinze dernières années est nettement plus rapide que sur la période 1970-2010 (cf. figure). James Hansen, ancien directeur du centre de recherche de la Nasa à New-York, affirme qu’on voit là l’impact des politiques de réduction de la pollution atmosphérique, et en particulier celui des normes sur le soufre dans les carburants des navires marchands [1]. En effet, les émissions de soufre conduisent à des aérosols, petites particules en suspension dans l’atmosphère, qui renvoient une partie du rayonnement solaire vers l’espace, et donc à un refroidissement de la Terre. Par ailleurs, ces particules interagissent avec les nuages avec un effet net qui tend là aussi à refroidir.

Ainsi, les politiques mises en place pour limiter les particules atmosphériques viennent réduire l’effet refroidissant des aérosols atmosphériques qui avait compensé en partie l’impact réchauffant des gaz à effet de serre. Ce sont aux latitudes comprises entre 30° et 60° que l’on constate un réchauffement particulièrement marqué, ce qui donne du crédit à l’hypothèse « aérosols » puisque c’est bien sur cette zone que les émissions d’aérosols ont été les plus réduites [1]. La phase positive du phénomène El Niño et l’approche du maximum solaire (cycle de 11 ans) contribuent aussi aux températures particulièrement élevées de 2023.

Température moyenne de la Terre depuis 1880 sur la base des données HadCrut-5 (metoffice.gov.uk/hadobs/hadcrut5/). La courbe rouge est lissée sur 11 ans, période qui correspond à celle du cycle solaire. La ligne verte est ajustée sur la période 1970-2010 et extrapolée (pointillés) sur les années récentes. L’autre droite est ajustée sur les données des 15 dernières années.

Mais une partie des climatologues n’est pas convaincue que ce changement de rythme soit autre chose qu’une fluctuation naturelle et que la réduction des aérosols ait un tel effet. Ils montrent que l’augmentation de la chaleur contenue dans les océans ne présente pas d’accélération [2]. Ils rappellent aussi que la variabilité naturelle du climat conduit à des périodes de réchauffement plus ou moins rapides, comme par exemple au début des années 2000 qui semblait montrer une « pause » largement discutée, y compris dans le rapport du Giec de 2013 [3]. Par ailleurs, le rythme de réchauffement récent est compatible avec les projections des modèles de climat, même sans la modification des aérosols atmosphériques. Il n’est donc pas nécessaire de faire une nouvelle évaluation de l’effet refroidissant des aérosols pour interpréter les températures récentes.

Il faudra attendre quelques années pour une meilleure quantification de l’impact des politiques de réduction de la pollution, et surtout pour voir si le rythme de réchauffement récent se confirme, ou pas.

Références

1 | Hansen J et al., “Global warming acceleration : hope vs hopium”, 29 mars 2024. Sur columbia.edu

2 | Mann ME, “Comments on new article by James Hansen”, 1 novembre 2023. Sur michaelmann.net

3 | Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, « Changements climatiques 2013 : les éléments scientifiques. Résumé à l’intention des décideurs, résumé technique et foire aux questions », 2013. Sur ipcc.ch