Toutes ces idées qui nous gâchent la vie
Publié en ligne le 2 décembre 2024Alimentation, climat, santé, progrès, écologie...
Sylvie Brunel
Éditions JC Lattès, 2019, 280 pages, 18,90 €

Sylvie Brunel est géographe, très active dans les médias. Dans cet ouvrage, elle prétend s’attaquer à un certain nombre d’idées reçues sur des sujets ayant trait à l’écologie au sens large. Elle évoque dans le sous-titre la question du climat. Cette note de lecture est donc limitée à ce sujet précis, que je connais bien, et qui est au centre des questions environnementales.
S. Brunel reprend à son compte un grand nombre d’éléments de langage de la communauté des « climato-sceptiques ». Elle prétend ainsi que le Giec est un « mélange hétéroclite de personnes nommées pour leurs compétences scientifiques et d’autres pour leur représentation politique ». En réalité, les auteurs des rapports du Giec sont tous des scientifiques. Elle affirme que le « mandat du Giec est de montrer le rôle de l’Homme dans le changement climatique », laissant entendre que sa conclusion lui aurait été assignée à l’origine. Or le mandat du Giec est d’« évaluer », pas de « montrer », comme c’est clairement indiqué dans la résolution de l’ONU appelant à la création de cet organisme [1].
S. Brunel écrit que, « dans les années soixante-dix, c’est le refroidissement apparent de l’atmosphère qui panique les scientifiques ». C’est faux, dès cette époque, la communauté des climatologues anticipait un réchauffement. Elle insiste sur la contribution de la vapeur d’eau à l’effet de serre, plus importante que celle du dioxyde de carbone (CO2), suggérant ainsi que les émissions de ce dernier ne seraient pas un vrai problème. Si en effet la vapeur d’eau est le principal gaz à effet de serre naturel, c’est bien l’augmentation de la concentration du CO2 atmosphérique qui est la cause première du réchauffement climatique, amplifié ensuite par la vapeur d’eau dans une boucle de rétroaction positive [2].
Par ailleurs, elle minimise le risque climatique en affirmant que « la température moyenne de la Terre s’est accrue d’à peine un degré Celsius en un siècle » (en réalité, on a presque un degré sur les cinquante dernières années sur la température moyenne de la Terre, et au moins le double en moyenne sur les terres émergées) puis en comparant ce degré aux variations spatiales ou temporelles des températures. Elle oppose donc son « bon sens » aux spécialistes du climat qui démontrent que cette hausse des températures est déjà considérable, avec des impacts majeurs sur l’environnement et les écosystèmes.
Elle confirme une incompétence certaine sur le sujet en affirmant par exemple que « pendant l’optimum climatique de l’holocène, il faisait infiniment plus chaud qu’aujourd’hui sur la Terre (quatre degrés de plus en moyenne) ». Au contraire, les températures d’aujourd’hui sont déjà plus élevées que celles de cet « optimum » (il y a entre 5 000 et 9 000 ans), et les connaissances scientifiques actuelles indiquent que la Terre est plus chaude que sur les derniers 100 000 ans.
Toute la section portant sur le climat vise à contester les graves conséquences du changement climatique en niant les résultats des études scientifiques sur le climat, l’environnement et les écosystèmes. Dans cet ouvrage, S. Brunel tient indiscutablement des propos climato-dénialistes. Je n’ai pas analysé le reste de l’ouvrage qui ne relève pas de mon domaine de compétences, mais je ne peux que recommander une très grande prudence dans la confiance portée à ses autres affirmations.
[1] Séance plénière de l’ONU, 7 décembre 1988.
[2] Petit M, « La réalité d’un changement climatique anthropique », Science et pseudo-sciences n°291, juillet 2010.
Publié dans le n° 352 de la revue
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Auteur de la note

François-Marie Bréon
François-Marie Bréon est chercheur physicien-climatologue au
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