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Éditorial

La loi de Brandolini ou l’asymétrie dans l’argumentation

Publié en ligne le 14 octobre 2017 - Information scientifique -

Cette « loi », énoncée pour la première fois en 2013 par un informaticien italien, stipule que la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter une idiotie est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour la produire. C’est une sorte de principe d’asymétrie dans l’argumentation : répandre une rumeur ou affirmer un fait sans preuve est rapide, surtout à l’ère d’Internet. Mais la réfutation nécessite beaucoup de temps, dix fois plus selon cette « loi » de Brandolini.

Par exemple, propager l’idée que les vaccins sont dangereux, qu’ils peuvent produire des effets secondaires graves, qu’ils sont cause d’autisme, que le système immunitaire des jeunes enfants n’est pas adapté à recevoir une telle charge dans les tous premiers mois... ne prend que quelques minutes à quiconque dispose d’un site ou d’un blog. Quelques instants d’une recherche sur son moteur préféré permettent d’ajouter des références à l’apparence sérieuse : tel professeur…, telle « étude »… La recette se décline sur d’innombrables sujets : les OGM sont des poisons, la maladie de Lyme est l’objet d’un déni et d’un scandale sanitaire, les ondes de la téléphonie mobile provoquent des cancers et rendent la vie impossible à un nombre croissant de personnes électrosensibles...

Une réfutation sérieuse ne peut se faire en une seule phrase. Les vaccins ont des effets secondaires, mais ceux-ci sont en général bénins, le lien entre vaccination et autisme a été réfuté après une imposture scientifique prétendant le contraire, cela n’a pas de sens de parler des « OGM en général », ceux autorisés à la consommation ont fait l’objet d’évaluations et sont sans danger… Il faut expliquer, nuancer, référencer. C’est long et compliqué…

Mais l’asymétrie dans l’argumentation va bien au-delà du seul temps requis. Les rumeurs et affirmations péremptoires exploitent souvent les biais cognitifs de notre cerveau, elles vont dans le sens de nos a priori et épousent les faiblesses de notre pensée. Elles semblent ainsi plus légitimes, plus plausibles, et aussi plus tranchées... à l’inverse des explications scientifiques qui sont dans la nuance et le doute, et apparaissent ainsi plus arides.

De plus, parce que bien souvent les informations propagées sont accusatrices et alarmistes, celui qui essaie d’apporter un peu de bon sens et de fournir des faits vérifiables est souvent soupçonné d’être à la botte d’un lobby, de vouloir minimiser une souffrance ou d’étouffer un scandale. Le monde des rumeurs et des fausses informations est souvent binaire : le vrai, le bon et le juste seraient dans le même camp.

La revue Science et pseudo-sciences a fait, depuis maintenant presque cinquante ans, le choix de la raison, de l’explication, de l’argumentation. Elle en appelle à la réflexion de ses lecteurs, à leur sens critique.

Science et pseudo-sciences