Accueil / Éditos / Le changement climatique et l’opinion publique

Le changement climatique et l’opinion publique

Publié en ligne le 14 juillet 2023 - Esprit critique et zététique -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°345 (juillet 2023)
Le changement climatique et l’opinion publique

Un récent sondage (mai 2023) [1] indique qu’une part importante de la population européenne, préoccupée par la crise climatique, se déclare prête à soutenir des politiques gouvernementales contraignantes et à mettre en œuvre des changements de comportement au niveau personnel. Cependant, ce soutien diminue si les mesures exigent des changements trop importants dans le mode de vie des personnes concernées. Spontanément, les citoyens ne sont pas prêts à accepter des sacrifices importants, même s’ils estiment l’objectif visé indispensable.

De son côté, une étude suisse [2] révèle que la couverture médiatique du changement climatique, en se focalisant trop sur les projections à long terme et les conséquences à grande échelle, arrive certes à « émouvoir le public », mais sans parvenir à « engendrer un véritable engagement de la société dans les actions ». Analysant les mécanismes psychologiques à l’œuvre, les chercheurs constatent que « l’appel à la peur peut susciter des réponses défensives telles que la minimisation, le déni et l’évitement du message ».

Confirmant ce fait, une enquête d’opinion réalisée par EDF et Ipsos dans trente pays sur les cinq continents [3] indique que 37 % des personnes interrogées n’adhèrent pas aux conclusions des scientifiques sur le réchauffement climatique. De manière plus précise, ils sont 29 % en France à remettre en cause l’origine humaine du réchauffement (hausse de 9 % en quatre ans) et 8 % à le nier complètement (baisse de 1 %). Pour les responsables de l’étude, ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que plus les mesures proposées sont contraignantes sur le plan économique, plus grande sera la réceptivité à « des discours cherchant à décrédibiliser la cause humaine du changement climatique, surtout si les mesures en question ne sont pas perçues comme équitables » ; ceci augmentant le risque d’être confronté à « un ressentiment de plus en plus fort de la part des classes populaires face à des injonctions venant des élites » [4].

Ces trois études mettent en relief une situation paradoxale. La crise climatique est devenue une des préoccupations majeures dans la société. Mais dès que l’on entre dans le domaine des décisions politiques, avec des conséquences concrètes sur les modes de vie, les convictions s’estompent, semblant réduire, pour une part loin d’être négligeable, la confiance dans les conclusions scientifiques.

Il n’y a sans doute aucune recette miracle qui permette de réunir tout le monde autour de solutions consensuelles. Mais un élément fondateur doit être préservé afin que la contestation des mesures proposées ne se transforme pas en contestation du fait scientifique : l’intégrité et la neutralité de la connaissance scientifique sous-jacente, la seule permettant de comprendre la situation et d’éclairer les conséquences de nos actions. Il est alors de la responsabilité de tous, des scientifiques comme des décideurs, de bien séparer les données scientifiques des opinions qu’ils expriment et des propositions qu’ils formulent. S’agissant plus spécifiquement des scientifiques, il importe qu’à chaque fois soit bien précisé si c’est le scientifique qui s’exprime pour rendre compte de l’état des connaissances ou le citoyen qui fait part de ses convictions.

L’enquête EDF-Ipsos indique par ailleurs que 31 % des personnes interrogées pensent que « c’est principalement le progrès technique et les innovations scientifiques » qui nous permettront de trouver des solutions contre le changement climatique, quand 50 % pensent que c’est « principalement la modification importante de nos modes de vie ». Les deux font sans doute partie de la solution. Les premières ont l’avantage d’une meilleure acceptabilité sociale, mais présentent le risque, dans un choix exclusif, de ne pas être suffisantes dans les échelles de temps voulues.

Science et pseudo-sciences