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Le freudisme : un conte scientifique

Publié en ligne le 10 octobre 2014 - Psychanalyse -
Texte remanié de la conférence donnée à l’université de Grenoble le 24 septembre 2014.

Résumé

Le mot « psychanalyse » a différents sens. Les psychanalyses de Freud, d’Adler, de Jung et d’autres mènent à des motivations « profondes » divergentes. En 1912, Jung a proposé de dépasser les conflits d’interprétations grâce à la psychanalyse des psychanalystes et des futurs psychanalystes. Cette proposition a donné lieu à la pratique de l’« analyse didactique » et au conte de l’autoanalyse de Freud.

A l’époque où Freud consommait de la cocaïne, il croyait qu’il allait révolutionner le traitement des « névroses ». Il a menti sur les guérisons obtenues par sa technique. Il a perdu progressivement ses illusions sur son pouvoir thérapeutique. Il s’est alors cantonné aux « analyses didactiques » et a tenté d’affirmer avant tout la valeur « scientifique » de sa théorie. Au regard des critères actuels de scientificité, le freudisme est largement insatisfaisant. Le lacanisme, qui en est dérivé, est totalement insatisfaisant : sa logomachie rend illusoire toute tentative de confirmer ou de réfuter des énoncés.

Sommaire

1. Analyses psychologiques et psychanalyses

2. La tentative d’unifier les psychanalyses par l’analyse didactique

3. Le conte de l’autoanalyse de Freud

4. La question de l’efficacité de la technique freudienne

5. Le conte des « 18 hystériques guéris »

6. Le conte des souvenirs « spontanés » des abus sexuels

7. Le conte de « plus de 200 neurasthéniques »

8. Bilan de « l’âge d’or de la découverte freudienne »

9. Les désillusions de Freud sur l’efficacité de sa thérapie

10. Le dédain pour les symptômes

11. Le rétrécissement des indications thérapeutiques

12. L’humour et le cynisme

13. Les analyses didactiques : un job en or

14. « L’application à la pédagogie »

15. « La signification scientifique » du freudisme

16. L’irréfutabilité des interprétations freudiennes

17. La validation d’énoncés théoriques

18. Les stratégies de Lacan

19. Les aveux de Lacan en fin de vie

La psychanalyse est une pratique délirante, mais c’est ce qu’on a de mieux actuellement pour faire prendre patience à cette situation incommode d’être homme. C’est en tout cas ce que Freud a trouvé de mieux. Et il a maintenu que le psychanalyste ne doit jamais hésiter à délirer.

Jacques Lacan (1977) 1

1. Analyses psychologiques et psychanalyses

En 1920, Ernest Jones, fidèle lieutenant de Freud, envoyait un rapport sur la psychanalyse américaine au « Comité secret », composé de Freud et cinq disciples, destiné à veiller à l’orthodoxie de la doctrine freudienne. Il écrivait : « Sur la base de divers rapports que j’ai eus dernièrement d’Amérique et de la lecture de la littérature récente, je suis au regret de dire que j’ai une très mauvaise impression de la situation là-bas. Tout et n’importe quoi passe pour de la psychanalyse, pas seulement l’adlérisme et le jungisme, mais n’importe quelle sorte de psychologie populaire ou intuitive » 2. Jones était désolé que les freudiens n’aient pas réussi à faire du terme « psychanalyse » leur propriété exclusive.

Au départ, Freud avait utilisé ce mot (pour la première fois en 1896) pour traduire en allemand l’expression française « analyse psychologique » et plus précisément pour désigner la méthode de Joseph Breuer, qui consiste, écrivait-il, à « poursuivre les symptômes hystériques jusqu’à leur origine qu’on trouve toutes les fois dans un événement de la vie sexuelle » 3.

L’expression « analyse psychologique » est apparue au XVIIIe siècle, notamment sous la plume de Condillac. Pierre Janet l’employait dès les années 1880 pour désigner l’étude détaillée du psychisme d’une personne ou la recherche d’« idées subconscientes » et de « souvenirs traumatisants » qui en sont la cause 4.

Au début du XXe siècle, le terme « psychanalyse » est utilisé par différents auteurs pour désigner des psychothérapies centrées sur les propos des patients et, plus particulièrement, la méthode attribuée à Breuer. Ainsi, le psychiatre suisse Ludwig Frank publiait, en 1910 à Munich, un ouvrage intitulé Die Psychanalyse, où il critiquait « la déviation » que constitue la psychanalyse de Freud par rapport à la vraie psychanalyse, celle de Breuer. Frank reprochait à Freud notamment l’importance attribuée au facteur sexuel 5.

Frank et d’autres psychiatres suisses germanophones, comme Auguste Forel et Dumeng Bezzola, écrivaient « Psychanalyse » sans « o » et se moquaient quelque peu de Freud, qui semblait ignorer les règles de la formation des mots composés à partir du grec 6. En effet, en allemand comme en français, on ne dit pas « psychoiatre » mais « psychiatre », on ne dit pas « psychoasthénique » mais « psychasthénique ». Il faut donc dire, en allemand comme en français, « psychanalyse » et non « psychoanalyse ».

À partir de 1914, après les ruptures avec Alfred Adler, Wilhelm Stekel et Carl Gustav Jung, Freud a tenté de labelliser à son profit le mot « psychanalyse ». Il écrivait : « La psychanalyse est ma création. [...] Personne mieux que moi ne peut savoir ce qu’est la psychanalyse, par quoi elle se différencie d’autres manières d’explorer la vie d’âme et ce qui doit être couvert par son nom ou ce qu’il vaut mieux nommer autrement » 7.

En fait, aujourd’hui, partout dans le monde, le terme « psychanalyse » désigne « tout et n’importe quoi » comme l’écrivait Jones à propos des États-Unis. Force est de constater qu’il est aussi fallacieux de parler de « la » psychanalyse que de « la » médecine. On peut certes regrouper sous le vocable « médecine » « l’ensemble de techniques et de pratiques qui a pour objet la conservation et le rétablissement de la santé » (Petit Robert, éd. 1993), mais il y a un monde entre l’homéopathie de Hahnemann et la neurochirurgie moderne. De même, il y a un monde entre ce que Freud a écrit il y a un siècle et les dizaines de théories qui se réclament de lui — comme celles de Klein et Lacan — ou qui s’y opposent — comme celles de Jung et Reich. Il est donc préférable de délaisser le terme générique et d’utiliser des termes comme « freudisme », « lacanisme », « jungisme », « kleinisme ». Les interprétations et les théories de Jung, d’Adler, de Stekel, de Rank, de Ferenczi, de Reich, de Fromm et d’autres peuvent parfaitement s’intituler « psychanalyse » même si, à y regarder de près, elles sont foncièrement différentes de celles de Freud. Ici nous nous limitons au freudisme et ferons quelques références au lacanisme. . Ce sont les deux formes d’analyse psychologique les plus répandues en France.

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2. La tentative d’unifier les psychanalyses par l’analyse didactique

Adler est souvent considéré comme un disciple de Freud. En fait, il a énoncé bon nombre d’idées originales avant de rencontrer Freud. Il voulait fonder une psychologie pragmatique et une médecine sociale. Il avait trouvé une part importante de son inspiration chez Nietzsche et Marx. Il attachait une grande importance à la « volonté de puissance », à l’estime de soi, au désir d’être reconnu et valorisé par autrui. Il soulignait l’impact des conditions sociales dans la formation de la personnalité. Il pensait que la névrose est souvent un moyen d’échapper aux obligations de la vie en communauté 8.

Au début des années 1910, les analyses « profondes » menées par Adler et Stekel n’aboutissent pas aux mêmes significations « fondamentales » que les analyses de Freud. Ces analystes entrent alors en conflit avec Freud, un conflit théorique qui aboutira à un conflit affectif et à la rupture des relations de Freud avec Adler en 1911 et avec Stekel l’année suivante.

Freud a estimé que les interprétations d’Adler et de Stekel étaient l’expression d’une résistance affective à reconnaître la primauté de la sexualité dans tous les troubles. Il a également interprété ces désaccords comme des symptômes de troubles mentaux. Il a psychiatrisé les contestataires, un mécanisme de défense qu’il appliquera pour tous ses opposants 9. Il écrit à Jung le 14 mars 1911 : « Stekel représente l’inconscient pervers, non corrigé ; Adler, le moi paranoïaque ».

Le même scénario se rejoue en 1912 avec Jung, que Freud avait considéré, dans un premier temps, comme son « cher fils et successeur » 10 et qui était alors le premier président de l’Association Psychanalytique Internationale. Jung estime que le refoulement de la sexualité n’explique pas tous les troubles. Freud attribue à nouveau cette réserve à des « résistances » affectives.

Jung imagine alors un moyen de résoudre les conflits d’interprétation et de préserver l’unité de la jeune confrérie des analystes : tous les psychanalystes devraient se faire psychanalyser par un confrère de manière à éliminer les résistances, les refoulements. Les analystes pourraient dès lors mieux interpréter les propos des patients et arriver, sans entraves affectives, aux ressorts ultimes des troubles. C’est la naissance de l’idée d’« analyse didactique ». Jung et d’autres se font alors psychanalyser par des confrères et des consœurs. Freud soutient le principe, à ceci près qu’il refuse de se soumettre à cette purification psychologique. Il déclare ne pas avoir besoin d’être analysé par quelqu’un d’autre, car il a déjà réalisé son analyse par lui-même. Il ajoute que c’est cette auto-analyse qui lui a permis ses principales découvertes, passant sous silence ses très nombreuses lectures.

Jung refusera cet expédient. Quand Freud le traitera de « névrosé », il répliquera dans une lettre, qui va précipiter la fin de leurs relations : « Je ne suis pas névrosé du tout — bien heureux !
Je me suis en effet fait analyser lege artis et tout humblement, ce qui m’a fort bien convenu. Vous savez bien jusqu’où peut aller le patient dans son auto-analyse, il ne sort pas de sa névrose — comme vous. […] Aimez-vous donc à ce point les névrosés que vous êtes toujours entièrement d’accord avec vous-même ? » 11

Les freudiens fidèles accepteront l’idée que Freud a réussi à se psychanalyser lui-même. Tout au plus diront-ils que l’analyse ne fut pas assez profonde. Ainsi Peter Gay, analyste freudien auteur d’une biographie louangeuse de Freud, explique de cette façon que le Maître n’est jamais parvenu à arrêter de fumer malgré plusieurs tentatives : « La jouissance que fumer procurait à Freud, ou plutôt son besoin invétéré, devait être irrésistible, car après tout, chaque cigare constituait un irritant, un petit pas vers une autre intervention et de nouvelles souffrances. Nous savons qu’il reconnaissait son addiction, et considérait le fait de fumer comme un substitut à ce “besoin primitif” : la masturbation. À l’évidence, son auto-analyse n’avait pas atteint certaines strates » 12… La publication des lettres à son ami Wilhelm Fliess a permis de découvrir qu’en fin de compte cette autoanalyse est davantage une légende qu’une réalité 13.

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3. Le conte de l’autoanalyse de Freud

Freud écrivait à Fliess, le 14 août 1897, au sujet de ses états de dépressivité : « Je connais maintenant une période maussade. Le principal patient qui m’occupe, c’est moi-même. Ma petite hystérie, fortement accentuée par le travail, a un peu avancé dans sa solution. D’autres choses restent encore cachées. C’est d’elles que dépend en premier lieu mon humeur.
Cette analyse est plus difficile que n’importe quelle autre » 14.

Dans l’espoir de se soigner et de mieux travailler, Freud commence à s’analyser systématiquement en octobre, mais il cesse l’autoanalyse le mois suivant ! Il écrit le 14 novembre : « Mon autoanalyse reste interrompue. J’ai compris pourquoi. Je ne peux m’analyser moi-même qu’avec des connaissances objectivement acquises (comme un étranger), l’autoanalyse proprement dite est impossible, sinon il n’y aurait pas de maladie [névrotique] » 15.

À lire sa correspondance, on constate que son autoanalyse a été très brève (à peine quelques semaines !), fort décevante et finalement reconnue impossible ! Cette mini autoanalyse deviendra néanmoins un dogme essentiel de l’histoire du freudisme. Jones, dans sa biographie du Maître, écrira que ce fut là « le plus héroïque de ses exploits » et ajoutera : « Le caractère unique de cet exploit demeure. Ce qui a été fait une fois demeure à jamais. Car nul ne pourra désormais être le premier à explorer ces profondeurs » 16.

Nous renvoyons le lecteur intéressé par les diverses fonctions de la propagation de ce mythe à l’enquête de deux historiens, Mikkel Boch-Jacobsen et Sonu Shamdasani 17.

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4. La question de l’efficacité de la technique freudienne

À en croire la psychanalyste la plus médiatisée de France, Élisabeth Roudinesco, « la psychanalyse peut traiter les phobies, les TOC [troubles obsessionnels-compulsifs], la perte de l’estime de soi, etc. bien mieux que les thérapies comportementales et cognitives. Pour cela, il faut proposer des cures courtes (six mois) et actives, comme les pratiquait Freud lui-même » 18.

Deux autres analystes hyper médiatisés précisent que ces effets rapides et excellents se situaient au début de la pratique freudienne. Jacques-Alain Miller, directeur du département de psychanalyse à l’Université de Paris VIII, déclare : « Au départ, les cures analytiques avaient des résultats rapides et spectaculaires. Il suffisait de livrer à un patient la clé de
l’Œdipe, c’était si révolutionnaire que cela le métamorphosait. Au fur et à mesure, la nouveauté se dissipait, les cures devenaient plus longues, plus complexes... » 19. Son frère Gérard raconte la même histoire : « Qu’est-ce que l’âge d’or de la découverte freudienne, sinon ce temps béni des dieux où les symptômes analysés cédaient comme par miracle ? Lecture émerveillée des premiers textes de Freud... La psychanalyse dévoilait le lien du sujet au langage, témoignait de l’emprise du signifiant sur le corps, réussissait à annuler la souffrance par la parole » 20.

S’agit-il de faits ou d’un conte ?

Dans le livre qu’il publie avec Breuer en 1895, Freud présente quatre cas d’« hystérie » 21 traités par lui à l’aide du « procédé breuerien d’exploration » 22 : une hypnose qui vise à retrouver des émotions bloquées, provoquées par des événements oubliés, et à les mettre en mots pour opérer leur « décharge ».

Quelques années plus tard, Freud écrira que les effets bénéfiques de ce procédé étaient temporaires : « J’abandonnai l’hypnose et essayai de la remplacer par une autre méthode parce que je voulais surmonter la limitation du traitement aux états hystériformes. De plus, mon expérience croissant, deux graves réserves étaient nées en moi à l’encontre de l’emploi de l’hypnose, même au service de la catharsis. La première était que même les plus beaux résultats étaient brusquement comme effacés si le rapport personnel au patient s’était brouillé » 23. Lui-même illustrera le caractère éphémère des résultats par le cas d’Emmy von N., traitée en 1889-1890. Dans une note ajoutée en 1924, il écrira qu’elle se fera traiter par d’autres médecins et que l’un d’eux lui confiera : « Elle était venue dans un état misérable, avait récompensé le traitement hypnotique par un succès extraordinaire pour, ensuite, devenir subitement hostile au médecin, le quitter et réactiver toute l’ampleur de son état de maladie » 24.

Disons un mot du cinquième cas des Études sur l’hystérie, le cas présenté par Breuer, identifié comme un conte depuis que Henri Ellenberger a découvert en 1971, à l’institut psychiatrique Bellevue de Kreuzlingen, les documents relatifs à cette patiente, la célèbre Anna O, que Breuer y avait envoyée quand son état s’était gravement détérioré. Breuer et Freud à sa suite affirmeront qu’elle fut guérie de tous ses symptômes grâce à la « cure par la parole ». Ils savaient pertinemment qu’elle avait fini par aller plus mal après le traitement qu’avant ! Freud a toujours présenté le traitement d’Anna O. comme le cas princeps de la psychanalyse 25. Son récit est un pur mensonge 26.

Freud termine Les Études sur l’hystérie par cette phrase, devenue célèbre : « Beaucoup est acquis si nous réussissons à transformer la misère hystérique en malheur commun » 27. Ainsi, les premières cures freudiennes sont bien loin d’apporter des « résultats rapides et spectaculaires », l’« annulation de la souffrance comme par miracle ». Quand É. Roudinesco ou les Miller font ce genre d’affirmations, ils ne fournissent jamais — à ma connaissance — des références précises. Ils misent sur l’ignorance du public et d’une grande partie des psys.

Je signale au passage qu’aucun historien ou soi-disant historien de la psychanalyse n’a produit autant d’affabulations sur Freud que Mme Roudinesco, la journaliste psy du journal Le Monde 28. Elle en a produit également sur Lacan. Par exemple, elle a écrit que Lacan souhaitait des funérailles catholiques alors que sa fille l’a fait enterrer sans cérémonie. Cette affirmation lui a valu un procès d’une des filles de Lacan. L’avocat de Mme Roudinesco a justifié ce qu’elle avait écrit en déclarant : « Cet homme qui portait des costumes extravagants, roulait en voiture de sport et fumait des cigares entortillés, qui peut dire qu’il n’aurait pas souhaité des funérailles spectaculaires ? » 29.

Jung raconte que Freud surestimait sa propre pensée et qu’il lui a un jour dit : « Cela doit être vrai, puisque je l’ai pensé » 30. É. Roudinesco accorde la même confiance que Freud à ce qu’elle pense. Pour elle, ce qu’elle imagine devient des faits historiques, qu’elle publie et que le grand public risque de croire sans vérifier.

Revenons à Freud. Il a avoué qu’il maniait difficilement l’hypnose 31. En 1895, il a remplacé cette méthode par celle des associations libres et de leur interprétation, méthode qu’il va considérer comme sa principale invention technique et la spécificité de son analyse psychologique 32.

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5. Le conte de la guérison de « 18 hystériques »

En 1896, dans une conférence à la Société de psychiatrie et de neurologie de Vienne, publiée le mois suivant, Freud déclare avoir « guéri » 18 hystériques grâce à la mise au jour d’expériences sexuelles « subies au temps de la première enfance », toutes refoulées. Ces guérisons sont pour lui la preuve que l’étiologie sexuelle se vérifie dans tous les cas (in allen Fällen). Il ajoute, triomphant, « je tiens cela pour un dévoilement important, pour la découverte d’un caput Nili [source du Nil] de la neuropathologie » 33. C’est ce que l’on appelle « la théorie de la séduction » : les troubles hystériques et obsessionnels sont causés par des expériences sexuelles dans la prime enfance et leur refoulement ; la condition nécessaire et suffisante pour guérir est de retrouver le souvenir de ces expériences.

Freud précise que la mise en évidence de ces scènes fut très difficile, car leur souvenir n’était jamais conscient. Il écrit qu’il lui a fallu « dans la plupart des cas au moins cent heures de travail d’analyse » 34.

Cinq jours après sa conférence, Freud écrit à Fliess, alors son principal ami et confident : « Ma conférence a reçu de la part de ces ânes un accueil glacial et, venant de Krafft-Ebing, ce curieux jugement : “cela ressemble à un conte scientifique”. Et cela après leur avoir indiqué la solution d’un problème plurimillénaire, un caput Nili !  » 35.

Précisons que Richard von Krafft-Ebing n’était pas le premier venu. Il était à l’époque le directeur de la clinique psychiatrique de l’université de Vienne. Il avait publié un impressionnant ouvrage de sexologie, Psychopathia Sexualis (1886), dans lequel il mentionnait de nombreux cas d’enfants abusés sexuellement. Il pratiquait l’hypnose et n’avait aucune hostilité à l’égard de Freud. Il permettra à Felix Gattel de tester les théories de Freud dans sa clinique et soutiendra la candidature de Freud au poste de professeur extraordinaire à l’université de Vienne. Ce qui avait sans doute médusé von Krafft-Ebing c’est l’affirmation que tous les hystériques avaient guéri par le simple ressouvenir de scènes sexuelles « oubliées ».

Freud n’avait pas détaillé l’histoire de l’un ou l’autre des 18 cas, et pour cause. À la lecture des lettres à Fliess, nous découvrons que cette histoire est un conte. Dans la lettre qui suit celle où Freud a raconté à Fliess l’accueil de sa conférence, il écrit : « Mon cabinet est vide, je n’ai pas vu de nouveau visage depuis des semaines, n’ai pu commencer aucune cure nouvelle, et aucune des anciennes n’est encore terminée  » 36. Ce qu’il appelait dans son article « la preuve par la thérapie » (therapeutische Beweiss) de sa théorie se fera attendre indéfiniment. Il écrit à Fliess le 17 décembre : « Pas un seul cas n’est encore achevé » ; le 7 mars 1897 : « Je n’ai encore achevé aucun cas, je suis encore aux prises avec les difficultés du traitement et de la compréhension » ; le 29 mars : « J’ai toujours les mêmes difficultés et je n’ai achevé aucun cas » ; le 16 mai : « un de mes fiers navires a sombré.

Mon banquier, celui qui était allé le plus loin dans l’analyse, m’a fait
faux bond à un moment décisif, juste avant de me livrer les dernières scènes. Matériellement aussi cela m’a causé un préjudice, c’est certain, cela m’a convaincu malgré tout que je ne connais pas encore tous les ressorts de l’affaire ».

Ensuite, dans sa célèbre lettre du 21 septembre, Freud écrit qu’il abandonne sa théorie de la séduction pour plusieurs raisons, dont celles-ci : « Les déceptions continuelles dans les tentatives pour mener une analyse à son véritable terme, la fuite des personnes qui pendant un certain temps avaient été les mieux accrochées, l’absence des succès complets sur lesquels j’avais compté, la possibilité de m’expliquer autrement, de la manière habituelle, les succès partiels ». Lisons bien : « mener une analyse à son terme » ; « des succès partiels  ».

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6. Le conte des souvenirs « spontanés » d’abus sexuels

Rappelons que Freud, en racontant la guérison de ses « 18 hystériques », avait insisté sur la difficulté de retrouver le souvenir des sévices sexuels : « Dans la plupart des cas, les souvenirs n’étaient retrouvés qu’après plus de cent heures de travail » 37. La même année, il écrivait dans la Revue Neurologique  : « Les malades ne racontent jamais ces histoires spontanément, ni ne vont jamais dans le cours d’un traitement offrir au médecin tout d’un coup le souvenir complet d’une telle scène. On ne réussit à réveiller la trace psychique de l’événement sexuel précoce que sous la pression la plus énergique du procédé analyseur et contre une résistance énorme, aussi faut-il leur arracher le souvenir morceau par morceau » 38.

Quelques années plus tard, les souvenirs arrachés morceau par morceau deviendront des souvenirs spontanément racontés par les femmes « hystériques ». Freud racontera alors qu’il a été victime de leurs fantasmes. Il écrira par exemple : « Un épisode intéressant de l’histoire de la recherche analytique m’a valu bien des heures pénibles. A l’époque où l’intérêt principal était dirigé sur la mise à découvert de traumas sexuels de l’enfance, presque toutes mes patientes féminines me racontaient qu’elles avaient été séduites par le père. II me fallut finalement m’apercevoir que ces comptes rendus n’étaient pas vrais, et j’appris ainsi à comprendre que les symptômes hystériques dérivent de fantaisies, non d’événements réels.
C’est plus tard seulement que je pus reconnaître dans cette fantaisie de la séduction par le père l’expression du complexe d’Œdipe typique chez la femme 39 ».

C’est la légende de Freud trompé par des patientes qualifiées « hystériques ». Chose incroyable : il a fallu attendre 1974 pour qu’un lecteur de Freud, l’épistémologue Frank Cioffi (Université de Kent), publie un article sur cette contradiction et pose la question : « Freud était-il un menteur ? » 40

Notons encore deux points. Dans l’article sur la « guérison » des 18 hystériques, Freud mentionne trois groupes d’abuseurs sexuels ayant provoqué leur « hystérie » : « des individus adultes étrangers à l’entourage ; des proches (bonne d’enfant, précepteur, proche parent) ; un autre enfant (la plupart du temps un frère ou une sœur) 41. Nulle mention explicite du père, encore moins de l’Œdipe, une notion à laquelle Freud songera pour la première fois en 1897, après s’être rappelé l’éveil de son désir sexuel en voyant sa mère nue.

Deuxième point. Freud a évidemment compris qu’il avait suggéré, mais il l’a vigoureusement nié. Il écrira en 1925 : « La plupart de mes patients reproduisaient des scènes de leur enfance, dont le contenu était la séduction sexuelle par un adulte. J’ajoutai foi à ces communications. […] Aujourd’hui encore, je ne crois pas que j’ai imposé, “suggéré” à mes patients ces fantaisies de séduction » 42. Rappelons les propos de 1896 : « Sous la pression la plus énergique … arracher le souvenir morceau par morceau ». Pas de la suggestion ? C’est un conditionnement massif qui s’apparente au lavage de cerveau 43. Quand une patiente refusait de reconnaître la réalité de sévices sexuels, Freud menaçait d’interrompre le traitement 44.

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7. Le conte de « plus de 200 neurasthéniques »

En 1898 Freud publie un article dans la Wiener klinische Rundschau, où il écrit que la cause de la neurasthénie (on dirait aujourd’hui « dépression » ou « syndrome de fatigue chronique ») est toujours « la masturbation excessive ou des pollutions accumulées ». Il affirme avoir observé ce fait dans « plus de 200 cas » 45.

Au sujet de cet article, il écrit à Fliess : « Il est passablement impertinent et essentiellement destiné à faire esclandre, ce à quoi il parviendra d’ailleurs » et dans la même lettre il se plaint, une fois de plus, du fait que « les cas avancent mal  », ajoutant : « Je n’en terminerai d’ailleurs aucun cette année ; pour l’année prochaine je n’aurai plus le moindre matériel de patients » 46. Dans les 287 lettres à Fliess, couvrant 17 années de pratique, on cherche en vain un exemple de neurasthénique guéri. Le nombre « 200 » apparaît tout aussi inventé que les 18 hystériques « guéris ». Décidément, Freud est un conteur sans scrupules.

Freud n’a quasi rien écrit de plus sur la neurasthénie, si ce n’est pour avouer, 14 ans plus tard : « on n’a pas encore procédé à des investigations soigneuses sur la neurasthénie » 47. Notons qu’en 1910 Freud a correspondu avec Ludwig Binswanger au sujet d’un neurasthénique (Il écrit « déprimé apathique »). Le patient avait avoué un « onanisme quotidien ». Freud n’ayant guère obtenu d’amélioration, il l’envoie à Binswanger pour un traitement par psychrophore, un procédé imaginé à la fin du XIXe siècle pour contrer la masturbation : une sonde métallique destinée à injecter de l’eau froide dans l’urètre. En langage pavlovien : un conditionnement aversif. À en croire l’assistant de Binswanger, ce procédé est plus efficace que la cure freudienne : « Le patient subit le traitement psychrophorique sans difficulté et, comme il le prétend, avec
succès. […] Il manifeste à nouveau des intérêts intellectuels, lit relativement beaucoup et en parle volontiers avec moi. […] La dépression est changeante, elle est, en tout cas, moins profonde. Il est aussi plus facile de le distraire  » 48.

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8. Bilan de « l’âge d’or de la découverte freudienne »

Évoquant ses premières années de pratique analytique, Freud écrira en 1913 qu’il avait cru à tort qu’il suffisait d’informer le patient sur ce qu’il avait refoulé pour qu’il guérisse. Il avouera que les patients ne guérissaient pas et aussi qu’ils ne confirmaient nullement le souvenir des scènes sexuelles sensées expliquer leurs troubles) : « Ce fut une grave déception de voir le résultat escompté faire défaut. Comment pouvait-il donc se faire que le malade, qui savait maintenant ce qu’il en était de son expérience vécue traumatique, se soit pourtant conduit comme s’il n’en savait pas plus qu’autrefois ? À la suite de la communication et de la description du trauma refoulé, pas même le souvenir de celui-ci ne voulait émerger » 49.

En 1913, il était de notoriété publique que Freud n’obtenait nullement les résultats « rapides et spectaculaires » que les Roudinesco et Miller nous content. Aussi Freud annonce-t-il alors qu’il change de méthode : il s’occupera désormais de faire vaincre des « résistances » au lieu d’informer. En réalité, c’est ce qu’il avait toujours fait ! Rappelons qu’il écrivait déjà en 1896 que le « dévoilement » des scènes refoulées prenait « au moins cent heures de travail  ». L’idée de vaincre des résistances et de déjouer les refoulements apparaît déjà clairement dans les Études sur l’hystérie de 1895.

Au début du XXe siècle, la notoriété de Freud grandit et, parallèlement, les critiques se multiplient, y compris de la part de confrères d’abord séduits : Adler, Stekel, Wittels, Jung, Bleuler. Une des principales critiques concernait les effets de sa technique. Ses collègues disaient que ses résultats n’étaient guère meilleurs que les leurs, quand ils n’étaient pas pires (à l’époque la plupart des troubles mentaux étaient considérés incurables).

Déjà en 1906 Jung écrivait à Freud qu’il l’avait défendu face à des contradicteurs en tenant compte de ce fait : « J’ai considéré comme plus prudent de ne pas m’appuyer trop sur le succès thérapeutique, sinon on aura vite rassemblé un matériel apte à y montrer que le résultat thérapeutique est très mauvais, ce qui ferait du mal à la théorie également » 50. En 1913, les professeurs Eugen Bleuler (Zurich) et Alfred Hoche (université de Fribourg-en-Brisgau) ont demandé par lettre, aux futurs participants du congrès de l’Association allemande de psychiatrie, de communiquer ce qu’ils savaient de patients traités par la méthode freudienne. La conclusion de l’enquête sera lapidaire : « Dans bien des cas, la thérapie psychanalytique fait carrément du mal au patient » 51. À la suite de cet événement, Freud n’ira plus jamais à un congrès de psychiatrie, il ne fréquentera que des congrès de psychanalyse freudienne.

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9. Les désillusions de Freud sur l’efficacité de sa thérapie

Durant les années 1890, Freud croyait faire des découvertes sensationnelles. Il écrivait à Fliess le 2 avril 1896 : « Je suis
convaincu de pouvoir guérir définitivement l’hystérie et la névrose
de contrainte, compte tenu de certaines conditions relatives à la
personne et au cas ». À ce moment, il consommait de la cocaïne depuis 12 ans 52

Par la suite, il a dû admettre qu’il ne faisait guère mieux que des confrères comme Janet, Forel ou Dubois. Les historiens du freudisme ont clairement mis en évidence l’inefficacité de sa méthode pour des troubles sérieux comme des toxicomanies, des phobies importantes, des obsessions-compulsions, sans parler des psychoses. L’historien qui a présenté l’évolution du plus grand nombre de patients bien identifiés est le professeur Mikkel Boch-Jacobsen, qui a travaillé aux Archives Freud à Washington 53. Sur les 31 patients de Freud dont on connaît bien l’évolution, 3 seulement ont été mieux ou ont été guéris. L’état des autres n’a guère changé ou s’est détérioré. Certains patients ont fini à l’asile, d’autres se sont suicidés (3 suicides réussis, plus 4 tentatives).

L’historien de la psychanalyse Paul Roazen écrit : « Vers la fin de sa vie, il était de bon ton chez les analystes de la vieille garde d’affirmer que Freud était un médiocre thérapeute » 54. Ces analystes défendaient la méthode freudienne contre sa pratique par Freud. Ainsi l’analyste suisse Raymond de Saussure — disciple fidèle, analysé par Freud lui-même — écrivait : « Freud n’était pas un excellent technicien de la psychanalyse. Premièrement il avait trop longtemps pratiqué la suggestion pour ne pas en avoir conservé certains réflexes. Lorsqu’il était persuadé d’une vérité, il avait peine à attendre qu’elle s’éveillât dans l’esprit de son malade, il voulait le convaincre de suite et à cause de cela, il parlait trop. Deuxièmement, on sentait rapidement par quelle question théorique il était préoccupé car il développait souvent longuement les points de vue nouveaux qu’il était en train de mettre au clair dans sa pensée. C’était un bénéfice pour l’esprit, mais pas toujours pour le traitement  » 55.

La minceur des résultats étant patente, y compris aux yeux des disciples fidèles, Freud s’est montré de plus en plus modeste. Il écrira en 1926 : « En règle générale, notre thérapie est forcée de se contenter d’amener plus vite, plus sûrement, avec moins de dépense, la bonne issue qui, dans des circonstances favorables, se serait produite spontanément » 56. Ou encore deux ans avant sa mort : « On ne devrait pas être surpris quand il s’avère à la fin que la différence entre le non-analysé et le comportement ultérieur de l’analysé n’est pas aussi radicale que nous y aspirons  » 57.

Dans sa correspondance, les aveux d’impuissance sont bien plus clairs. À titre d’exemple, un échange de courrier avec Ferenczi en 1930. Rappelons d’abord que Ferenczi avait une très grande admiration pour Freud. Il était devenu le disciple préféré de Freud après la rupture d’avec Jung. Il a toutefois été déçu des résultats de sa propre pratique freudienne, raison pour laquelle il a essayé des méthodes plus « actives ». D’autre part, il a été très déçu de l’attitude de Freud à l’égard de sa propre pratique. Il lui écrivait le 17 janvier 1930 : « Je ne partage pas votre point de vue selon lequel la démarche thérapeutique serait un processus négligeable ou sans importance, dont il ne faudrait pas s’occuper, pour la seule raison qu’il ne nous semble pas tellement intéressant. Moi aussi, je me suis souvent senti “fed up” à cet égard, mais j’ai surmonté cette tendance, et je suis heureux de pouvoir vous dire que c’est précisément là que toute une série de questions se sont replacées sous un autre éclairage, plus vif, peut-être même que le problème du refoulement ! » 58

Réponse de Freud : « Je vous accorderais volontiers que ma patience avec les névrosés s’épuise dans l’analyse et que, dans la vie, j’ai une tendance à l’intolérance vis-à-vis d’eux » 59.

Ferenczi notera plus tard, peu avant sa mort : « Le point de vue pessimiste [de Freud] communiqué aux quelques intimes : les névrosés sont de la racaille, juste bons à nous entretenir financièrement et à nous
permettre de nous instruire à partir de leur cas : la psychanalyse comme thérapie serait sans valeur. Ce fut le point où je refusai de le suivre. […] Je refusais d’abuser ainsi de la confiance des patients » 60.

* * *

Freud a adopté plusieurs stratégies pour sauver son œuvre et pour justifier la poursuite de son gagne-pain, celui de sa fille, psychanalyste, et de son fils Martin, directeur de la maison d’édition des ouvrages de psychanalyse freudienne 61. Nous en passons six en revue : le dédain pour les « symptômes », le rétrécissement des indications, l’humour et le cynisme, la pratique quasi exclusive d’analyses didactiques, « l’application à la pédagogie » et « l’intérêt scientifique ».

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10. Le dédain pour les symptômes

Freud écrivait à Fliess le 16 avril 1900 que Mr. E. (analysé durant plus de 5 ans) « a enfin mis un terme à sa carrière de patient par une soirée
chez moi. Il subsiste à
l’heure actuelle un reste de symptômes. Je commence à comprendre
que le caractère apparemment sans fin de la cure est quelque chose
de régulier et qui dépend du transfert. J’espère que ce reste n’affectera pas le résultat pratique. […] L’achèvement asymptotique de la cure m’est en soi indifférent ; c’est quand même plus pour les personnes extérieures qu’il reste une
déception » 62.

Freud inaugurait ainsi une stratégie classique des analystes : on ne s’occupe pas des « symptômes » — c’est-à-dire des troubles observables —, mais seulement de la profondeur invisible ! La réalité : l’analyse freudienne ne parvient pas à éliminer les « symptômes » importants, elle fuit dans les abysses. Des freudiens feront de cette impuissance vertu. Ainsi le célèbre analyste anglais Donald Winnicott écrit : « On doit savoir noter les symptômes sans essayer de les guérir, car chaque symptôme a sa valeur pour le patient, et très souvent il vaut mieux laisser le patient avec son symptôme » 63.

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11. Le rétrécissement des indications thérapeutiques

Freud était neurologue. La plupart de ses premiers patients souffraient de symptômes physiques (céphalées, spasmes, etc.). En l’absence de cause physique détectable, le diagnostic classique était « hystérie de conversion » (aujourd’hui : « trouble de conversion »). Freud précisait « les symptômes les plus fréquents » comme ceci (en 1926) : « une paralysie, contracture ou action involontaire ou décharge motrices, une douleur, une hallucination » 64.

Freud a tenté de traiter d’autres troubles. Il s’est plusieurs fois occupé même de psychotiques. Il dira et répétera jusque dans son tout dernier ouvrage  : « Il nous faut renoncer à essayer sur le psychotique notre projet de guérison. […] Les névroses sont les seules à sembler accessibles aux méthodes psychologiques de nos interventions » 65. Notons le mot sembler (en allemand : erscheinen) pour ce qu’il appelait les « névroses » 66.

Toutefois, à lire sa correspondance, on découvre qu’il ne parvenait guère à traiter les obsessions et compulsions, définies à l’époque comme des « névroses » 67. En 1919, il écrit qu’il faudrait innover : « Notre technique a grandi avec le traitement de l’hystérie et elle ne cesse d’être toujours réglée sur cette affection. Mais déjà les phobies nous obligent à aller au-delà de ce qui est jusqu’à présent notre comportement. On ne devient guère maître d’une phobie si l’on attend que le malade soit amené par l’analyse à l’abandonner. […] Une attente passive semble encore moins indiquée dans les cas graves d’actions de contrainte (Zwangshandlungen), qui en général inclinent en effet vers un processus de guérison “asymptotique”, vers une durée de traitement infinie, et dont l’analyse court toujours le danger d’amener beaucoup de choses au jour et de ne rien changer  » 68. Freud n’innovera pas. Ce sont des comportementalistes qui mettront au point des procédés « actifs », efficaces pour les phobies et les troubles obsessionnels-compulsifs.

En 1926, Freud avouera même ne plus comprendre les TOC : « La névrose de contrainte est assurément l’objet le plus intéressant et le plus gratifiant de l’investigation analytique, mais en tant que problème elle ne s’est toujours pas rendue à la contrainte [unbezwungen, dominée]. Si nous voulons pénétrer plus profondément dans son essence, il nous faut avouer qu’on ne peut pas encore se priver d’hypothèses sans certitude et de suppositions sans preuve » 69.

Freud a tenté de traiter d’autres affections, notamment le trouble érectile, l’homosexualité et des toxicomanies 70. Autant de fiascos, comparables à ses tentatives pour se libérer lui-même de la tabacomanie 71. Pour tous ces troubles, Freud a donné, avec assurance, des explications. Ainsi, pour lui, « la masturbation est l’unique
grande habitude, I’“addiction originaire” [Ursucht], et c’est seulement en
tant que substitut et remplacement de celle-ci qu’apparaissent les
autres addictions — à l’alcool, à la morphine, au tabac, etc. » 72.

Ses échecs montrent à suffisance qu’il ne suffit pas de dire, de mettre en paroles et d’interpréter selon la grille freudienne. Comme le démontrent bien aujourd’hui les comportementalistes, il s’agit d’abord de bien observer, d’analyser ensuite mais autrement, d’apprendre à modifier activement des schémas de pensée et des modes d’action 73. En psychologie, rien n’est plus facile qu’interpréter et expliquer des comportements ; les modifier durablement c’est tout autre chose.

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12. L’humour et le cynisme

Freud a dit avec raison : « L’humour est la manifestation la plus élevée des mécanismes de défense » 74, « son essence consiste en ce que l’on s’épargne les affects auxquels la situation donnerait lieu et que l’on passe outre, par une plaisanterie, à la possibilité de telles manifestations de sentiment » 75. Face aux résultats déprimants de sa thérapie, il s’est ainsi défendu. Il écrit à Oskar Pfister en 1909 : « Un peu par plaisanterie, mais aussi à vrai dire sérieusement, nous avons coutume de
reprocher à notre psychanalyse d’exiger, pour être appliquée, un état normal et de se heurter à une barrière dans les anomalies
établies dans le psychisme, ce qui revient à dire que la psychanalyse trouve ses meilleures conditions d’application là où on
n’en a pas besoin, chez les gens normaux » 76.

Paul Roazen, qui a interviewé des clients de Freud, a entendu plusieurs fois ce type de plaisanterie. Il écrit : «  Le Dr Putnam savait que Freud avait été déçu par ses premières analyses, qui avaient d’abord eu l’air de marcher, pour, en fin de compte, se révéler inefficaces. Il ne cachait pas qu’il était devenu sceptique, notamment sur l’effet thérapeutique de la psychanalyse. […] En privé, Freud considérait souvent avec ironie ce qu’il avait accompli. […] Il avouait volontiers, tout au moins à quelqu’un comme le Dr Putnam, avec qui il s’entendait si bien, que la psychanalyse n’était indiquée que pour les gens en excellente santé » 77.

Avec un certain cynisme Freud donnait ce conseil à Jung qui se plaignait de ses échecs : « Pour apaiser ma conscience, je me dis souvent “Surtout ne cherche pas à guérir, apprends et gagne de
l’argent !” Voilà les buts conscients les plus utiles » 78.

Plus cynique encore, il écrivait à Binswanger le 8 mai 1911 : « Récemment, j’ai envoyé plusieurs nègres (devinez pourquoi on les appelle ainsi dans le jargon analytique) à Maeder [l’assistant de Binswanger] ». Binswanger ignorant la réponse, Freud lui explique le 28 mai : « Les nègres proviennent d’une vieille blague courante chez nous ; on appelle la cure psychanalytique “un blanchiment de nègre”. Je me console souvent en me disant que si nous sommes si peu performants au niveau thérapeutique, nous apprenons au moins pourquoi on ne peut l’être davantage » 79. L’éditeur de la correspondance entre Freud et Binswanger précise, en note, que cette comparaison signifie « l’inutilité patente de la psychanalyse, le “travail des Danaïdes” psychothérapeutique ».

Ainsi, on comprend ce que Freud écrivait à sa fille Mathilde trois ans plus tôt, en parlant d’un tirage du loto auquel il avait participé : en cas de gain, « j’interromprais ici le blanchissage des nègres » 80.

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13. Les analyses didactiques : un job en or

Nous avons vu que Jung avait proposé en 1912 que les analystes se soumettent eux-mêmes à une analyse dans l’espoir de dépasser les conflits d’interprétations qui minaient l’unité de la jeune association psychanalytique. Freud avait été d’emblée conquis par l’idée, non pour lui-même mais pour les autres, et il lui a donné pour principale justification d’être l’outil essentiel de la formation à l’analyse. En fait, il avait vite compris qu’il s’agissait d’une activité beaucoup plus facile, plus rentable et plus gratifiante que d’essayer, souvent en vain, de traiter des malades. À la fin de sa vie, il écrira « avoir traité des patients dans les premiers temps », mais que les didactiques étaient devenues ensuite sa « principale occupation » 81. À lire sa correspondance, on constate que c’était devenu l’occupation quasi exclusive. Ainsi, il écrivait déjà le 3 novembre 1921 à Pfister : « Tout mon temps est accaparé par des médecins anglais et américains. En sorte que je travaille maintenant pour le dollar et n’arrive à rien faire d’autre » 82.

Rappelons que Lacan a fait de même, mais en pire : comme l’Église catholique a fait le commerce des indulgences, lui a fait le commerce des didactiques, à raison de plusieurs dizaines de séances par jour 83. Il a inauguré la technique des « séances à durées variables », invariablement courtes, ensuite très courtes et finalement minuscules. Les candidats au titre d’analyste avaient à peine le temps de s’allonger et de dire quelques mots. Pour eux, la seule chose qui comptait était d’être reconnu « psychanalyste formé par Lacan ». C’est très précisément cette pratique qui sera à l’origine de la création de sa propre École de psychanalyse. En effet, à partir de 1953 les dirigeants de l’Association internationale de psychanalyse (IPA) ont, à plusieurs reprises, rappelé Lacan à l’ordre. Chaque fois, il y eut « promesses de Lacan, non tenues, bien sûr, puis colères, amabilités, injures, rapprochements, ruptures » 84. En juillet 1963, l’IPA a décidé que les didactiques menées par Lacan ne seraient plus reconnues par l’Association. Lacan pouvait continuer à analyser des patients et même faire des cours pour de futurs analystes. Il fulmine et se proclame « excommunié » comme Spinoza l’a été par la communauté juive 85. Coup de théâtre le 21 juin 1964 : il fonde sa propre École, où il édictera ses propres règles.

La véritable raison de la création de l’École freudienne de Paris — qui pourrait s’appeler « l’École des intérêts lacaniens » — est toujours soigneusement passée sous silence par les lacaniens, qui souvent l’ignorent eux-mêmes. Pendant les quatorze années de mon affiliation à l’École belge de psychanalyse (créée en 1965, rattachée à l’École de Lacan), je n’ai jamais entendu parler de la véritable raison pour laquelle Lacan avait fondé l’EFP 86. Je ne l’ai apprise qu’en 1985, en lisant Voyages extraordinaires en Translacanie de François Perrier 87.

Lacan a justifié son innovation dans un texte de 1953, écrivant qu’elle rejoint la technique zen, qu’elle « déconcerte la résistance du patient  », qu’elle « brise le discours pour accoucher la parole  ». Quand ce texte a été réédité en 1966 dans les Ecrits, Lacan a ajouté cette note en bas de page : « Pierre de rebut ou pierre d’angle, notre fort est de n’avoir pas cédé sur ce point (1966) » 88.

La direction de didactiques est le job idéal pour un analyste. Hélas, il n’est pas démontré que cette pratique améliore la santé mentale des candidats. Freud écrivait à René Laforgue le 5 janvier 1928 : « Cela me déroute parfois que les analystes eux-mêmes ne soient pas radicalement changés par leur commerce avec l’analyse » 89. Dans un de ses derniers textes, il reconnaissait : « Il est incontestable que les analystes n’ont pas complètement atteint, dans leur propre personnalité, le degré de normalité psychique auquel ils veulent éduquer leurs patients. Des adversaires de l’analyse ont coutume de relever cet état de fait en ricanant et d’en tirer argument pour conclure à l’inutilité des efforts analytiques » 90.

Par ailleurs, un effet parfaitement démontré des didactiques freudiennes est de faire assimiler au candidat les dogmes freudiens, condition indispensable pour être reconnu membre effectif par une association freudienne 91.

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14. « L’application à la pédagogie »

A la fin de sa vie, Freud écrivait : « L’application de la psychanalyse à la pédagogie est peut-être la chose la plus importante de tout ce que fait l’analyse. Je me réjouis de pouvoir dire que ma fille Anna Freud s’est assignée ce travail comme tâche de sa vie. […] L’unique préparation appropriée à la profession
d’éducateur est un apprentissage psychanalytique approfondi. Le
mieux, c’est qu’il ait été lui-même analysé » 92.

Cette idée était une stratégie de plus pour sauver son invention. En même temps, elle allait faciliter la promotion, à la tête de l’entreprise freudienne, de sa fille, institutrice devenue analyste.

La France est sans doute le pays où la psychanalyse a le plus profondément imprégné les pratiques éducatives, notamment par le succès médiatique de Françoise Dolto. Il n’est pas sûr que le bilan soit positif 93.

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15. « La signification scientifique » du freudisme

Freud a fini par reconnaître la médiocrité de ses résultats thérapeutiques. Dans son dernier ouvrage, il ne se glorifie pas de l’invention d’une thérapie, mais bien d’une découverte « scientifique ». Il écrit : « J’ose dire que si la psychanalyse ne pouvait tirer gloire d’aucune autre réalisation que de celle de la mise à découvert du complexe d’Œdipe
refoulé, cela seul lui permettrait de prétendre à être rangée parmi les
acquisitions nouvelles et précieuses de l’humanité » 94.

À partir des années 1910, Freud répondait systématiquement, aux disciples qui se plaignaient de la légèreté des résultats thérapeutiques, que l’essentiel était d’acquérir du savoir. Ainsi, en 1912, il répondait à une lettre d’August Stärcke, qui pratiquait l’analyse depuis 1905 : « Le point de vue thérapeutique n’est pas le seul qui intéresse la psychanalyse et n’est pas non plus le plus important  » 95. De même, en 1922, quand Edoardo Weiss se plaignait, il répondait : « Il ne faut rien prendre au tragique ! […] Malheureusement, seuls peu de malades sont dignes des efforts que nous leur consacrons, si bien que notre position ne doit pas être thérapeutique, mais que nous devons nous estimer heureux d’avoir dans chaque cas appris quelque chose » 96. En 1928, lorsque Pfister faisait part des mêmes déceptions, il écrivait : « J’ai dit souvent que je tiens la signification scientifique de l’analyse pour plus importante que sa signification médicale et, dans la thérapeutique, son action de masse par l’explication et l’exposition des erreurs pour plus efficace que la guérison des personnes isolées » (lettre du 18 janvier).

Mais Freud a-t-il réellement fait œuvre de science ?

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16. L’irréfutabilité des interprétations freudiennes

Commençons par souligner la difficulté de faire de la psychologie scientifique. Les psychologues, depuis toujours, cherchent à expliquer des comportements par des facteurs non évidents, ils cherchent des significations et des processus « inconscients ».

En 1890, William James (le premier professeur de psychologie dans une université américaine) examinait la façon dont Schopenhauer, von Hartmann, Janet et d’autres avaient utilisé le terme « inconscient » (il ne parlait pas de Freud, encore inconnu à l’époque). Il reconnaissait l’importance de processus inconscients, tout en mettant en garde contre les explications passe-partout de l’Inconscient : « La distinction entre les états inconscients et conscients du psychisme est le moyen souverain pour croire tout ce que l’on veut en psychologie » 97.

Parler de processus inconscients, c’est toujours faire des inférences. Par définition, personne ne peut les observer directement. Une des principales apories de la psychologie est l’extrême facilité de décoder toutes les conduites en fonction d’une grille interprétative, surtout si l’on se réfère à l’Inconscient. C’est précisément ce fait qui a incité Karl Popper, le plus célèbre épistémologue du XXe siècle, à réfléchir au critère de démarcation entre les sciences et les pseudosciences, c’est-à-dire les disciplines qui se présentent comme scientifiques sans l’être véritablement.

Dans sa jeunesse, ce Viennois était émerveillé par la puissance explicative des systèmes de Freud, Adler et Marx. Il décrira plus tard son engouement en ces termes : « L’étude de l’une quelconque de ces théories semblait avoir l’effet d’une conversion, d’une révélation intellectuelle, permettant de découvrir une vérité nouvelle, cachée aux yeux de ceux qui n’étaient pas encore initiés. Une fois que les yeux s’étaient ouverts, on découvrait des confirmations n’importe où : le monde était plein de vérifications de la théorie » 98.

Popper est allé travailler sous la direction d’Adler, un psychanalyste « socialiste », dans un centre de consultation pour les classes laborieuses. Un jour de 1919, il s’est occupé d’un enfant dont les difficultés ne s’expliquaient guère par la théorie adlérienne, une théorie qui en revient toujours à « la volonté de puissance ». Quand il en a parlé à Adler, celui-ci, sans même voir l’enfant, a interprété illico ces difficultés de façon à les faire entrer dans son cadre théorique. Popper, qui avait assisté à une conférence d’Einstein où le physicien expliquait la difficulté de trouver une observation précise pour démontrer sa théorie, s’est étonné qu’Adler et Freud pouvaient, chacun de leur côté, « confirmer » leur théorie avec n’importe quel cas clinique.

Pour illustrer comment les freudiens maintiennent leur doctrine quels que soient les faits d’observation, prenons le complexe d’Œdipe, que Freud considère comme un des éléments essentiels de sa théorie. Rappelons que, selon lui, c’est le fait — universel ! — que vers cinq ans tout garçon désire « mettre à mort le père et avoir un commerce sexuel avec la mère » 99.

Les freudiens, dans leur pratique, « vérifient » cette universalité, quels que soient les faits observés. Si un garçon aime sa mère et déteste son père, il présente un complexe d’Œdipe manifeste. Si un autre adore son père et se montre agressif envers sa mère, ses tendances œdipiennes sont « refoulées ». L’analyste peut alors dire, comme Freud pour le Petit Hans, que l’agressivité pour la mère est une « expression de tendances sadiques traduisant un désir incestueux » 100 et que l’affection pour le père est une « formation réactionnelle » au désir de le tuer.

Autre stratégie : l’invocation de la « bisexualité inconsciente ». Freud écrit : « On a l’impression que le complexe d’Œdipe simple ne correspond pas à la situation la plus fréquente. [...] Le plus souvent, un examen approfondi met au jour la forme plus complète du complexe d’Œdipe, qui est double : une forme positive et une négative, dépendant de la bisexualité originaire de l’enfant. Cela signifie que le petit garçon n’a pas seulement une attitude ambivalente vis-à-vis du père et un choix d’objet tendre à l’égard de la mère, mais qu’il se comporte en même temps comme une fille, qu’il manifeste l’attitude féminine de tendresse pour le père et l’attitude correspondante d’hostilité jalouse envers la mère » 101.

Troisième stratégie, en vogue chez des lacaniens : l’Œdipe est à prendre au sens symbolique. Le désir d’avoir « un commerce sexuel avec la mère » est à entendre comme « désir de fusion avec l’objet naturel, la Mère » et « l’envie de mettre à mort le père » signifie « la confrontation au porteur de la Loi ». Dès lors il n’est même plus nécessaire d’invoquer l’Inconscient pour se situer dans l’irréfutabilité absolue.

À noter que Lacan, pour cette théorie comme pour d’autres, a affirmé une chose et son contraire. Il lui est arrivé à se conformer strictement à la conception freudienne d’origine, en y ajoutant une formule devenue célèbre : « Le rapport sexuel, il n’y en a pas, mais cela ne va pas de soi. Il n’y en a pas, sauf incestueux. C’est très exactement ça qu’a avancé Freud — il n’y en a pas, sauf incestueux, ou meurtrier. Le mythe d’Œdipe désigne ceci, que la seule personne avec laquelle on ait envie de coucher, c’est sa mère, et que pour le père, on le tue » 102.

Ainsi c’est la réflexion sur l’opposition entre les décodages de Freud et d’Adler — applicables aussi bien l’un que l’autre à n’importe quel cas clinique — qui a amené Popper à comprendre l’importance du critère de réfutabilité. Une théorie ne peut être considérée comme scientifique que si sa formulation permet, en principe, de la réfuter par des faits d’observation (ce qui ne signifie pas qu’elle sera effectivement réfutée). Les psychologues scientifiques utilisent une poubelle pour les hypothèses réfutées et gardent provisoirement celles qui sont confirmées. Les freudiens gardent tout ce qu’a dit le Maître. Ils ne peuvent rien en jeter sous peine d’être accusés de refoulement. La poubelle ne sert que pour les théories des dissidents et des TCC. D’autre part, ils peuvent ajouter quantités d’autres conceptions, tout aussi irréfutables. C’est ce qu’ils appellent les « progrès » de la psychanalyse. Lorsque des énoncés de freudiens semblent contradictoires, on invoquera des différences du niveau de « profondeur » 103.

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17. La validation d’énoncés théoriques

La critique poppérienne des interprétations de Freud est tout à fait pertinente pour les comportements concrets  : l’analyste freudien peut toujours maintenir que telle personne a un complexe d’Œdipe inconscient ; peu importent les faits observés. La critique de Popper concernant l’irréfutabilité est plus discutable pour la théorie freudienne. Certes, cette théorie est loin de constituer un ensemble cohérent dont on peut déduire méthodiquement des implications empiriques, mais on peut néanmoins opérationnaliser certaines implications en vue de les tester, en prenant le risque de la réfutation par des observations.

Dès les années 1930, des psychologues scientifiques ont testé des lois psychologiques formulées par Freud, par exemple la relation entre la sévérité de l’éducation sphinctérienne et le développement du caractère « anal » (avarice, entêtement, goût de l’ordre et de la propreté). Un des premiers ouvrages de synthèse est Survey of objective studies of psychoanalytic concepts de Robert Sears (université de l’Etat de l’Iowa) paru en 1943 104. De nombreuses autres études ont suivi 105.

Notons ici que Freud a repris beaucoup d’idées, qui lui sont généralement attribuées, à des prédécesseurs et à des auteurs de son époque. Henri Ellenberger 106 — historien de la psychothérapie — et Frank Sulloway 107 — historien des sciences — ont montré l’ampleur de ces emprunts dans de volumineux ouvrages. Dès lors, si l’on s’en tient aux thèses originales de Freud, on arrive à la conclusion que quasi aucune n’a été confirmée selon les critères de la recherche scientifique contemporaine.

Exemple : Freud affirme que la conscience morale — le surmoi — est l’héritière du complexe d’Œdipe 108. Il ajoute que la peur de la castration ne concernant que le garçon (la fille est réellement « châtrée »), le surmoi est plus fort chez les hommes que chez les femmes. Dans les termes de Dolto : « Le Moi des femmes est la plupart du temps plus faible que celui des hommes, leur Sur-Moi est rudimentaire (sauf les cas de névroses). [...] C’est parce qu’elle n’a pas de Sur-Moi — parce qu’elle en a moins — que la femme apparaît “pleine de grâce”, c’est-à-dire de présence. Remarquez comment l’enfant qui n’a pas de Sur-Moi est lui aussi plein de grâce » 109. En fait, des observations systématiques sur les conduites concrètes de garçons et de filles révèlent peu de différences significatives. Les garçons sont moins contrôlés dans certaines situations, les filles dans d’autres. La synthèse des recherches empiriques sur les indices comportementaux du contrôle interne des impulsions permet de conclure que le surmoi des filles est un peu plus fort que celui des garçons 110.

Notons encore que lorsque Freud reprend des idées à d’autres, il en donne souvent une version erronée. Par exemple, Wilhelm Griesinger, le psychiatre le plus représentatif du milieu du XIXe siècle, avait écrit que « la dissimulation de l’accomplissement de désirs est un trait commun aux représentations du rêve et de la psychose ». Freud reprend cette thèse en affirmant que tout rêve est toujours la satisfaction hallucinatoire d’un désir refoulé. Pour expliquer les cauchemars, il doit dès lors recourir à des explications alambiquées. En fait, il nous arrive certes de rêver de nos désirs, mais également de nos peurs et de nos dégoûts, et dans ce cas les rêves n’ont rien d’agréable. L’erreur de Freud, ici comme ailleurs, c’est la généralisation abusive. En 1908, Hoche disait : « Il est certain qu’il y a du nouveau et du bon dans la doctrine freudienne de la psychanalyse. […] Malheureusement, le bon n’est pas neuf et le neuf n’est pas bon. » 111

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18. Les stratégies de Lacan

Lacan est l’auteur du second souffle du freudisme. Aujourd’hui, le freudisme garde du succès là où s’est développé le lacanisme. C’est essentiellement en France et en Argentine. Lacan a fait pour Freud ce que des théologiens ont fait pour l’enseignement du Christ : traduire des propos simples et clairs dans un jargon compliqué et obscur, discuter à l’infini sur des mots, construire des théories sans référents empiriques.

Le chaman parisien 112 semble avoir été encore moins optimiste que Freud quant au pouvoir thérapeutique de la psychanalyse. Il disait à la fin de sa vie : « Ce qui est appelé un symptôme névrotique est simplement quelque chose qui permet aux névrosés de vivre. Ils vivent une vie difficile et nous essayons d’alléger leur inconfort. Parfois nous leur donnons le sentiment qu’ils sont normaux. Dieu merci, nous ne les rendons pas assez normaux pour qu’ils finissent psychotiques. C’est le point où nous avons à être très prudents. […] Une analyse n’a pas à être poussée trop loin. Quand l’analysant pense qu’il est heureux de vivre, c’est assez » 113. « La psychothérapie ramène au pire. Ce n’est pas la peine de thérapier [sic] le psychique. Freud aussi pensait ça. Il pensait qu’il ne fallait pas se presser de guérir » 114.

Sa principale originalité a été d’ajouter deux stratégies très efficaces, à celles utilisées par Freud, pour compenser la pauvreté des résultats thérapeutiques.

D’une part, Lacan a traduit en langage psychanalytique des notions philosophiques trouvées chez Hegel, Kojève, Heidegger, Sartre et d’autres. Beaucoup de philosophes ont été ravis de voir ainsi légitimés des concepts de leur discipline par une « science empirique » 115.

D’autre part, Lacan a développé un jargon ésotérique qui permet de dire à peu près n’importe quoi tout en donnant une impression de « profondeur ». Un exemple qui a joué un rôle dans ma déconversion du freudo-lacanisme : en 1975, un groupe d’analystes de l’École belge de psychanalyse — dont j’ai fait partie de 1965 à 1979 — a passé deux soirées à chercher le sens « profond » des deux dernières phrases d’une interview de Lacan à la télévision, interview publiée après que Lacan en ait revu le texte 116.

Ces phrases sont : « L’interprétation doit être preste pour satisfaire à l’entreprêt. De ce qui perdure de perte pure à ce qui ne parie que du père au pire » 117.

La compréhension de la seconde phrase a donné lieu à beaucoup de divergences d’interprétation. Vu l’absence de consensus, un des participants à la discussion, en analyse chez Lacan, a interrogé le Maître, qui lui a répondu : « J’ai dit ça pour les assonances ». C’est du moins ce que m’a rapporté ce collègue. Lacan était un génie de l’imposture intellectuelle : il avait fini par pouvoir dire n’importe quoi et les dévots trouvaient toujours un sens profond « quelque part ».

En 1975, Lacan a fait une conférence au Massachusetts Institute of Technology sur sa conception de la nature humaine, devant une assemblée de linguistes, de logiciens et d’autres chercheurs du plus haut niveau. Les auditeurs n’ont quasi rien compris. Quand le linguiste Noam Chomsky lui fit des objections, Lacan conclut la discussion en disant : « Je suis un poète » 118. Chomsky devait dire plus tard : « Lacan était un charlatan conscient de l’être, qui jouait avec le milieu intellectuel parisien pour voir jusqu’où il pouvait aller dans l’absurdité, tout en continuant d’être pris au sérieux » 119.

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19. Les aveux de Lacan en fin de vie

Durant les années qui suivirent cet échec, Lacan n’hésita pas à reconnaître, à de multiples reprises, le caractère pseudo-scientifique du freudisme. Il disait en 1977 : « La psychanalyse est une pratique délirante, mais c’est ce qu’on a de mieux actuellement pour faire prendre patience à cette situation incommode d’être homme. C’est en tout cas ce que Freud a trouvé de mieux. Et il a maintenu que le psychanalyste ne doit jamais hésiter à délirer » 120. L’année suivante : « La psychanalyse n’est pas une science. Elle n’a pas son statut de science, elle ne peut que l’attendre, l’espérer. C’est un délire — un délire dont on attend qu’il porte une science. On peut attendre longtemps ! Il n’y a pas de progrès, et ce qu’on attend ce n’est pas forcément ce qu’on recueille. C’est un délire scientifique » 121.

Et finalement, peu avant sa mort : « La psychanalyse est à prendre au sérieux, bien que ce ne soit pas une science. Comme l’a montré abondamment un nommé Karl Popper, ce n’est pas une science du tout, parce que c’est irréfutable. C’est une pratique, une pratique qui durera ce qu’elle durera. C’est une pratique de bavardage. […] Le psychanalyste est un rhéteur. […] Ce que j’ai appelé le rhéteur qu’il y a dans l’analyste n’opère que par suggestion. Il suggère, c’est le propre du rhéteur, il n’impose d’aucune façon quelque chose qui aurait consistance. […] Ce qui fait le vrai et ce qui fait le faux, c’est ce qu’on appelle le pouvoir de l’analyste, et c’est en cela que je dis qu’il est rhéteur » 122.

Freud et Lacan furent incontestablement des génies… non de la science, mais de la littérature et de la persuasion. Freud croyait avoir sa place à côté de Copernic et Darwin. Sa véritable place est à côté des auteurs de contes, Charles Perrault et les frères Grimm. Quant à Lacan, sa place est à côté des poètes surréalistes, des illusionnistes et des charlatans.

1 “Ouverture de la section clinique”. Ornicar ? Bulletin périodique du champ freudien, 1977, 9 : 13.

2 Cité dans M. Borch-Jacobsen & S. Shamdasani (2006) Le dossier Freud. Les empêcheurs de penser en rond, p. 435.

3 Nous citons les œuvres de Freud en donnant le titre en français, la date de la première publication, la référence dans les Gesammelte Werke (volume ; page), suivie de celle dans la traduction Œuvres complètes, parue aux PUF (vol. ; p.).
“L’hérédité et l’étiologie des névroses” (1896) I 416 ; III 115.

4 Pour des détails : J. Van Rillaer (2010) “Analyses psychologiques et psychanalyses : un capharnaüm”. Science et pseudo-sciences, 293 : 4-11.

5 Voir Borch-Jacobsen & Shamdasani, Op. cit., p. 116.

6 Ibidem, p. 95.

7 “Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique” (1914) X 44 ; XII 249.

8 Pour des détails sur l’œuvre et l’originalité d’Adler, voir p.ex. le chap. 8 du livre de Henri Ellenberger (1970) The Discovery of the Unconscious. Basic Books. Trad., Histoire de la découverte de l’inconscient. Fayard, 1994, 976 p.

9 Van Rillaer, J. (2005) Les mécanismes de défense freudiens. In Meyer, C. et al., Le livre noir de la psychanalyse. Paris : Les Arènes, p. 413-441.

10 Freud écrit cette expression dans sa lettre du 10 août 1910 à Jung (Freud, S. & Jung, C., Correspondance, trad., Gallimard, vol. 2, p. 81).

11 Lettre du 18-12-1912. In Correspondance. Op. cit., p. 311 (italiques de Jung).

12 . Gay, P. (1995) Freud. Une vie. Trad., Hachette. Cité dans P. Grimbert, P. (1999) Pas de fumée sans Freud. Psychanalyse du fumeur. Colin, p. 223.

13 Pour des détails, voir Borch-Jacobsen & Shamdasani. Op. Cit., p. 73 à 82.

14 Freud, S. (1887-1904) Lettres à Wilhelm Fliess. Éd. établie par J. M. Masson, PUF, p. 331.

15 Ibidem, p. 357.

16 Jones, E. (1953) Sigmund Freud : Life and Work. Basic Books, vol. 1. Trad., La vie et l’œuvre de Sigmund Freud. PUF, 1970, p. 351s.

17 Le dossier Freud. Enquête sur l’histoire de la psychanalyse. Paris : Les Empêcheurs de penser en rond, 2006, p. 63-84.

18 “La révolution de l’intime”. Le Nouvel Observateur, 1-4-2010, p. 31.

19 Débat J.-A. Miller - M. Onfray (2010) “En finir avec Freud ?”, Philosophie magazine, n° 36, p. 13.

20 Miller, D. & Miller, G. (1991) Psychanalyse 6 heures ¼. Seuil, p. 56.

21 Nous gardons ici la terminologie de Freud. A l’époque, le mot « hystérie » était un diagnostic passe-partout. Nous avons vu plus haut que Freud se l’applique à lui-même lorsqu’il écrit à Fliess au sujet de ses variations d’humeur et de dynamisme. Autre exemple : le 3-10-1897, il écrit à Fliess que sa libido s’est éveillée envers sa mère lorsqu’il l’a vue nue. Il dit qu’il espère que ce souvenir va « résoudre ma propre hystérie » (Lettres à Fliess, op. cit., p. 340).

22 Études sur l’hystérie (1895) I 99 ; II 66.

23 Autoprésentation (1925) XIV 52 ; XVII 74s.

24 Études sur l’hystérie (1895) I 162 ; II 124.

25 P. ex. dans De la psychanalyse (1910) VIII 3-16 ; X 3-17.

26 Pour plus de détails, voir p.ex. Mikkel Borch-Jacobsen (1995), Souvenirs d’Anna O. Une mystification centenaire. Aubier, 120 p. ; Borch-Jacobsen (2005) in C. Meyer et al., Op. cit., p. 21-30.

27 Études sur l’hystérie (1895) I 312 ; II 332.

28 Pour un échantillon, taper dans Google : « Roudinesco + légendes + freudiennes »

29 L’Express, 17-11-2011 ; Le Nouvel Observateur, 17-11-2011.

30 Cité dans Borch-Jacobsen & Shamdasani, Op.cit., p. 234.

31 « Lorsque je fis l’expérience que malgré tous mes efforts je ne réussissais pas à mettre dans l’état hypnotique plus qu’une fraction de mes malades, je décidai d’abandonner l’hypnose et de rendre le traitement cathartique indépendant d’elle » (De la psychanalyse (1910) VIII 19 ; X 19).

32 Il écrit p. ex. à Stefan Zweig que la libre association est « la nouveauté la plus importante apportée par la psychanalyse, comme la
clé méthodologique permettant d’arriver à un résultat » (Freud, S., Correspondance 1873-1939. Gallimard, 1966, p. 440).

33 “Sur l’étiologie de l’hystérie” (1896) I 439 ; III 162.

34 Ibidem, I 458 ; III 180.

35 Lettres à Wilhelm Fliess. Op. cit., p. 236.

36 Lettre du 4 mai. Ibidem, p. 238, je souligne.

37 “Sur l’étiologie de l’hystérie” (1896) I 458 ; III 180.

38 “L’hérédité et l’étiologie des névroses” (1896) I 418 ; III 117.

39 Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse (1933) XV 128 ; XIX 203.

40 Cioffi, F. (1974) Was Freud a liar ? The Listener, Febr. 7 : p. 172-174. Rééd. in Cioffi (1998) Freud and the question of pseudoscience. Chicago : Open Court, p. 199-204.

41 “Sur l’étiologie de l’hystérie” (1896) I 444 ; III 167.

42 “Autoprésentation” (1925) XIV 59s ; XVII 81s.

43 Pour en savoir plus sur le conditionnement qui s’opère dans les psychanalyses, voir : J. Van Rillaer (2005) “Le conditionnement freudienIn Meyer, C. et al., Op. cit., p. 390-399.

44 Lettres à Fliess. Op. cit., le 3 janvier 1897 ; p. 281.

45 “La sexualité dans l’étiologie des névroses” (1898) I 502 ; III 227.

46 Op. cit., lettre du 9-2-1898, p. 381.

47 “Discussion sur l’onanisme” (1912) VIII 338 ; XI 162.

48 Lettre de Maeder à Freud, le 12-5-1910. In Freud, S. & Binswanger, L., Correspondance. Trad., Calmann-Lévy, p. 96.

49 “Sur l’engagement du traitement” (1913) VIII 475 ; XII 182.

50 Lettre du 4-12-1909. In Correspondance Freud & Jung, Op. cit.

51 Voir Borch-Jacobsen & Shamdasani. Op. cit, p. 131 à 139.

52 Freud a consommé de la cocaïne de 1884 à 1896. Pour une étude des effets sur ses idées, sa confiance en lui-même et ses symptômes physiques, voir d’Elizabeth Thornton, historienne de la médecine, The Freudian fallacy : Freud and cocaïne. Paladin, 1986, 351 p.

53 Les patients de Freud. Éd. Sciences Humaines, 2011, 224 p. Compte rendu en ligne.

54 Roazen, P. (1989) Comment Freud analysait. Trad., Navarin, p. 43.

55 Cité par Borch-Jacobsen & Shamdasan, Op. cit, p. 262.

56 Inhibition, symptôme et angoisse (1926) XIV 186 ; XVII 269.

57 “L’analyse finie et l’analyse infinie” (1937) XVI 72, XX 29.

58 Lettre de Ferenczi à Freud, le 17.1.1930. In Freud, S. et Ferenczi, S. (2000) Correspondance. Tome III. Trad., Calmann-Lévy, p. 432.

59 Ibidem, p. 435.

60 Ferenczi, S. (1985) Journal clinique. Trad., Payot, p. 255.

61 L’historien de la psychanalyse, P. Roazen, écrit que Freud avait fait de la psychanalyse une entreprise commerciale familiale (Mes rencontres avec la famille Freud. Seuil, trad., 1996, p. 204).

62 Lettres à Fliess. Op. cit., p. 517. Il est déjà question de Mr. E. dans la lettre du 11-4-1895. On y apprend que c’est « celui qui transpire au théâtre », trouble que Freud croit expliqué lorsque le patient raconte qu’à l’âge de trois ans son frère lui a versé l’eau du bain sur le visage (lettre du 19-2-1899).

63 Collected Papers. London : Tavistock, 1958, p. 86.

64 Inhibition… Op. cit., XIV, 140 ; XVII 228.

65 Abrégé de psychanalyse (1940) XVII 99, 109 ; XX 266, 277.

66 Le concept de « névrose » est aujourd’hui abandonné par les psychologues et psychiatres d’orientation scientifique, parce qu’il est devenu trop vague et qu’il suggère l’existence de « maladies ». Avec raison, il n’apparaît plus dans le DSM-IV depuis 1994.

67 Voir p.ex. les lettres du 24 avril 1915 et du 27 avril 1922 à Binswanger (Op. cit.) ou le témoignage de T. Reik (1975) Trente ans avec Freud (Trad., éd. Complexe, 1975, p. 112). Les défenseurs de Freud diront qu’il avait guéri l’Homme aux rats. En fait, un an après la fin du traitement, Freud écrit à Jung, le 17-10-1909, qu’il l’a rencontré et que « l’endroit où il est encore accroché (père et transfert) s’est distinctement montré dans la conversation ». On ne sait rien de plus de son évolution si ce n’est qu’il a été tué à la guerre de 14-18. Borch-Jacobsen (in Les Patients de Freud, Op. cit., 2011) le considère comme un des trois patients « guéris » sur les 31 dont l’évolution est bien connue.

68 “Les voies de la thérapie psychanalytique” (1919) XII 191s. ; XV, p. 106. Je souligne.

69 Inhibition … Op. cit., XIV, 142 ; XVII 230.

70 Voir Borch-Jacobsen (2011), Op. cit. — Roazen, P. (2005) Dernières séances freudiennes. Des patients de Freud racontent. Trad., Seuil.

71 Cf. les lettres à Fliess entre le 18-10-1893 et le 22-6-1894, où le thème des tentatives de sevrage revient à plusieurs reprises et se termine par la reprise définitive du tabac, faute de quoi, écrit Freud, « je suis complètement incapable de travailler, un homme abattu ».

72 Lettre à Fliess, 22 décembre 1897.

73 Pour une introduction au comportementalisme et notamment à la façon d’analyser les comportements, voir p. ex. Van Rillaer (2003) Psychologie de la vie quotidienne (Paris : Odile Jacob, 336p.) ; Van Rillaer (2012) La nouvelle gestion de soi (Bruxelles : Mardaga, 336 p.).

74 Der Witz und seine Beziehung zum Unbewussten (1905) G.W., VI 266.

75 “L’humour” (1927) XIV 384 ; XVIII 136.

76 Freud, S. (1966) Correspondance 1873-1939. Trad., Gallimard, p. 299.

77 Roazen, Op. cit., p. 228s.

78 25-1-1909. In Freud, Correspondance 1873-1939. Op. cit., p. 300.

79 In Correspondance avec Binswanger. Op. cit., p. 133.

80 Freud, S. (2012) Lettres à ses enfants. Trad., Aubier, le 5 mars 1908.

81 “L’analyse finie et l’analyse infinie” (1937) XVI 68 ; XX 25.

82 In Freud, S. & Pfister, O. (1963) Correspondance. 1909-1939. Trad., Gallimard.

83 Cf. Van Rillaer, J. (2010) “Comment Lacan psychanalysait”. Science et pseudo-sciences, 293 : 96-106.

84 Alain de Mijolla, “La psychanalyse en France”. In R. Jaccard (1982) éd., Histoire de la psychanalyse. Hachette, p. 84.

85 Le Séminaire XI. Seuil, 1973, p. 9.

86 Le lecteur qui douterait de mon ignorance peut lire d’un bout à l’autre les 420 pages de mon livre Les illusions de la psychanalyse, publié en 1981 (Bruxelles : Mardaga).
Pour des détails sur la création de l’EFP et la stratégie du silence, voir J. Van Rillaer (2010) “[Mensonges lacaniens-art1825]”. Science et pseudo-sciences, 293 : 57-63.

87 Éd. Lieu Commun, 1985.

88 “Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse” (1953), réédité dans Ecrits (Seuil, 1966), p. 315s.

89 Nouvelle Revue Française de Psychanalyse, 1977, 15 : 235.

90 “L’analyse finie …”, Op. cit., XVI 93 ; XX 49.

91 Pour des témoignages d’analystes sur le conditionnement psychanalytique : J. Van Rillaer, Les illusions …, Op. cit., p. 204 à 210. — Le Livre noir de la psychanalyse, 2005, Op. cit., p. 390-399.

92 Nouvelle suite … (1933), Op. cit., XV 157, 161 ; XIX 231, 234.

93 Voir : Didier Pleux (2008) Génération Dolto. Odile Jacob, 250 p. — Pleux (2103) Françoise Dolto, la déraison pure. Préface de Michel Onfray. Paris : Autrement, 190 p.

94 Abrégé de psychanalyse (1940) XVII 120 ; XX 287.

95 Cit. in Jones, E. (1961) La vie et l’œuvre de Sigmund Freud. Trad., PUF, vol. 2, p. 133.

96 Lettre du 11-2-1922. In Freud, S. & Weiss, E. (1975) Lettres sur la pratique psychanalytique. Trad., Privat.

97 Principles of Psychology. Holt, 1890, vol. 1, p. 163.

98 Conjectures and Refutations. Routledge and Kegan Paul, 1963. Trad., Conjectures et Réfutations. Payot, 1985, p. 61.

99 “Quelques types de caractères dégagés par le travail psychanalytique” (1916) X 390 ; XV 39.

100 « sadistische Antriebe  ». Pour une présentation détaillée du cas du Petit Hans et la remise en question de l’interprétation freudienne, voir p. ex. Van Rillaer (1981), Op. cit., p. 141-155.

101 Das Ich und das Es (1923), G.W., XIII, p. 261.

102 “L’escroquerie psychanalytique”. Ornicar ? Bulletin périodique du champ freudien, 1979, n° 17, p. 9.

103 Voir J. Van Rillaer (2005) “La mythologie de la thérapie en profondeur”. In Meyer et al., Op. cit., p. 216-233.

104 Social Science Research Council Bulletin, No 51, 156 p. Réédité en 1951, éd. Edwards Brothers.

105 Ouvrages de synthèse classiques : Kline, P. (1972) Fact and Fiction in Freudian Theory. Methuen, 406 p. — Eysenck, H. & Wilson, G. (1973) The experimental study of freudian theories. Methuen, 405 p. — Fisher, S. & Greenberg, R. (1977) The scientific credibility of Freud’s theories and therapy. Basic Books, 502 p.

106 The Discovery of the Unconscious, 1970, Op. cit.

107 Sulloway, F. (1979) Freud, biologist of the mind : Beyond the psychoanalytic legend. Basic Books. Rééd., Harvard University Press, 1992, 638 p. Trad., Freud, biologiste de l’esprit. Fayard, 1998, 620 p.

108 Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse (1933) XV 70 ; XIX 147.

109 Psychanalyse et pédiatrie. Seuil, 1971, p. 122.

110 Pour plus de détails et les références d’études empiriques, voir Van Rillaer (1981), op. cit., p. 300 à 303.

111 Cité par Borch-Jacobsen & Shamdasani, op. cit., p.9.

112 L’expression « chaman » est de Claude Lévi-Strauss. Il déclarait en 1986, au sujet du seul séminaire de Lacan auquel il avait assisté : « J’ai vu fonctionner pas mal de chamans dans des sociétés exotiques, et je retrouvais là une sorte d’équivalent de la puissance chamanistique. J’avoue franchement que, moi-même l’écoutant, au fond je ne comprenais pas. Et je me trouvais au milieu d’un public qui, lui, semblait comprendre » (L’Ane. Le magazine freudien, n° 20, p. 28).

113 Conférence à l’université de Yale (1975), parue dans Scilicet, 1975, n° 6/7, p. 15.

114 “Ouverture de la section clinique”, Ornicar ?, 1977, n° 9, p. 13.

115 Pour des détails : Borch-Jacobsen, M. (2005) “Lacan ventriloque”. In  : C. Meyer et al., Op. cit., p. 264-268.

116 Ma déconversion du freudo-lacanisme, comme beaucoup de déconversions, a résulté de toute une série d’événements. Pour le récit : J. Van Rillaer (1981), Op. cit., p. 24 à 31.

117 Télévision (Seuil, 1973, p. 72), réédité dans Autres écrits (Seuil, 2001, p. 545).

118 Pour un compte rendu de la conférence et du débat, voir S. Turkle, Psychoanalytic politics. Freud’s French Revolution. The MIT Press, 1978. Trad., La France freudienne. Paris : Grasset, 1982, p. 289-303.

119 Noam Chomsky (1989) “An Interview”. Radical philosophy, n° 53, p. 32.

120 “Ouverture de la section clinique”. Ornicar ? Bulletin périodique du champ freudien, 1977, 9 : 13.

121 “L’insu que sait de l’une-bévue s’aile a mourre” [sic]. Ibidem, 1978, 14 : 9.

122 “Une pratique de bavardage”. Ibidem, 1979, 19 : 5s.


Thème : Psychanalyse

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