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Les prix IgNOBEL

Publié en ligne le 31 mai 2007
Les prix IgNOBEL
La science qui fait rire… et réfléchir

Marc Abrahams
Éditions Danger Public, 2006, 350 pages, 14,50 €

[…] le grand public entendit pour la première fois parler du Toucher Thérapeutique. Certains trouvèrent la chose comique. Mais beaucoup l’eurent moins bonne. Surtout lorsqu’ils apprirent le nombre d’hôpitaux qui, dans le pays, faisaient payer des sommes parfois substantielles, pour quelques tours de passe-passe joués par des infirmières.

Extrait, page 316.


Pour une fois, ayez l’audace d’un comportement peu recommandable pour un « bon » lecteur : commencez par la fin. Après tout il s’agit d’un livre atypique, familier, amusant qui donne au lecteur une délicieuse impression de liberté, et butiner ne portera à aucune conséquence. En fin d’ouvrage donc, vous trouverez un récapitulatif de tous les prix Ig attribués depuis la première année (1991), avec le nom des heureux élus et le sujet de leurs études. Rien d’autre, mais la lecture en est savoureuse et instructive. Vous verrez, sur un coup d’œil, que Chirac a reçu l’IgNobel de la paix en 1996 pour sa reprise des essais nucléaires, que Benveniste est le seul chercheur à l’avoir obtenu deux fois, d’abord pour son étude sur la mémoire de l’eau en 1991 puis pour celle qui cherchait à montrer que cette mémoire pouvait se numériser et se transmettre par internet, en 1998.

Mais revenez au début, car la curiosité va sans doute vous démanger : qu’est-ce exactement que les IgNobel, et quelle est l’histoire de ces prix ? L’aventure a commencé avec la reprise, en 1990, du poste de rédacteur en chef d’une revue léthargique qui s’appelait « Journal des résultats impossibles à reproduire » par Marc Abrahams, qui décida alors de récompenser « les recherches particulièrement loufoques et dérangeantes ». Les débuts furent modestes, controversés, mais la magie de la bonne humeur a fonctionné : la remise des prix est magistralement farfelue, avec déguisements, concours, lancement d’avions de papier sur scène. Elle attire à présent 1200 personnes, et nécessite entre 50 et 100 personnes pour la préparer. L’auteur l’affirme lui-même : c’est une « assemblée de frapadingues ». C’est pourtant un événement très sérieux puisqu’il est cautionné par l’université d’Harvard, qui accueille chaque année la cérémonie en ses murs, et que ce sont de vrais Nobel qui remettent les prix. La plupart des IgNobélisés se déplacent et se prêtent au jeu de l’humour. Une belle leçon de modestie pour la science.

Mais bien sûr c’est tout de même le développement de quelques études IgNobélisées qui occupe le plus gros de l’ouvrage. Des recherches « frapadingues » côtoient des recherches inquiétantes comme cette adepte de « l’inutilité de se nourrir », qui a été prise en flagrant délit de prise de nourriture à plusieurs reprises, ou comme ces recherches de la fondatrice du « toucher thérapeutique », thérapie par l’imposition des mains, démystifiée par une gamine de 9 ans qui préparait une expérience de science pour l’école. La fondatrice n’a pas voulu venir chercher son prix ; c’est donc la petite fille qui avait permis d’abattre sa thèse qui a été honorée à sa place. Et elle, elle est venue.

Mais je n’en dévoilerai pas plus : bien d’autres études, d’autres thèses vous attendent, toutes plus farfelues les unes que les autres, mais jamais inutiles.

Publié dans le n° 276 de la revue


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Auteur de la note

Agnès Lenoire

Agnès Lenoire est enseignante. Elle a été membre du (...)

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