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Regards sur la science

Pédale douce de l’Académie sur les médecines douces

Publié en ligne le 17 juin 2014 - Médecines alternatives -

En mars 2013, l’Académie de Médecine a diffusé une analyse des thérapies complémentaires, autrement dit des médecines alternatives, douces ou non-conventionnelles. Le rapport a suscité de nombreux commentaires dans les médias. En particulier, Science & pseudosciences a consacré 22 pages de son numéro de juillet à cette analyse et le Nouvel Observateur 12 pages de son numéro du 15 août. Comparons ce qu’il ressort des deux études.

Le même constat est fait par les deux magazines : avoir manqué d’ambition par rapport à la très forte pression de la part des patients qui souhaitent la reconnaissance des médecines alternatives.

Le reproche, par contre, est justifié d’une manière totalement différente : pour Science & pseudosciences, la médecine doit être fondée sur les preuves et seules des études statistiques rigoureuses en double aveugle peuvent valider l’efficacité d’un traitement. Les opinions subjectives des patients ne peuvent pas dicter l’orientation des décisions médicales alors que les académiciens ont baissé les bras devant la pression de la rue. Nous ne reviendrons pas sur cette affirmation, amplement décrite dans le numéro de juillet. Pour le Nouvel Observateur, au contraire, le très grand nombre de patients se déclarant satisfaits des nouvelles approches suffit à lui-même à justifier leur développement. Tout au long de ses articles, le journal décrira l’engouement des patients pour les pratiques non conventionnelles. Même quand il doit reconnaître que l’opinion du corps médical dans son ensemble est très mitigée vis-à-vis d’une méthode, il ira chercher celle d’un médecin qui est de l’avis contraire... et on en trouve toujours un.

Séance d’hypnose, par Richard Bergh, 1887

En fait, l’Académie de Médecine n’a traité que de quatre thérapies « complémentaires » : acupuncture, ostéopathie et chiropraxie, hypnose, tai-chi. Curieusement, le Nouvel Observateur n’en aborde qu’une, l’acupuncture, et ne rapporte que des propos positifs et enthousiastes. Lecteurs de Science & pseudosciences, nous savons ce qu’il faut penser de la fiabilité des évaluations de cette technique, analysée dans le numéro de juillet !

Le Nouvel Observateur s’est aussi intéressé aux huiles essentielles (l’aromathérapie) et écrit que « leur efficacité sur les infections bactériennes est supérieure à celle des antibiotiques ». On peut se demander où l’auteur de l’article est allé trouver cela ! En fait, il est actuellement considéré 1 qu’elles ne peuvent pas se substituer aux antibiotiques dans les infections sévères systémiques.

Quant à la méditation, « bien que son efficacité mérite d’être encore mieux prouvée scientifiquement [...] en 2008, le professeur Benson et son équipe de Harvard ont publié une étude révolutionnaire montrant pour la première fois l’effet bénéfique des techniques de relaxation sur nos gènes ». En fait, c’est sur l’expression de nos gènes, ce qui est différent, et il n’a pas été montré que c’était bénéfique. Cette étude n’a été citée que 99 fois, ce qui est vraiment négligeable pour une étude prétendue révolutionnaire et, de plus, elle n’a été suivie, depuis, que d’une seule autre, effectuée par le même groupe.

La sophrologie, la réflexologie, l’haptonomie : « on en connaît mal le mode d’action mais leur efficacité ne fait plus guère de doute... » assène l’hebdomadaire.

Au total, malgré quelques assertions trop affirmatives ou erronées, l’enquête du Nouvel Observateur reste prudente. Cependant, elle fait l’amalgame des quatre thérapies analysées par l’Académie de Médecine, avec d’autres médecines alternatives dénuées de toute approche scientifique, et l’enquête est suffisamment tendancieuse dans sa présentation pour que, malheureusement, elle permette au lecteur ne demandant qu’à être convaincu de la validation des médecines alternatives, de trouver ce qu’il y cherche.

1 Kon KV et Rai MK, Plant essential oils and their constituents in coping with multidrugresistant bacteria Expert Rev. Anti Infect. Ther. 2012 10, 775-790

Publié dans le n° 307 de la revue


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L' auteur

Jacques Bolard

Jacques Bolard est biophysicien, directeur de recherche honoraire au CNRS.

Plus d'informations

Médecines alternatives

Médecines douces, médecines alternatives, médecines parallèles… différents termes désignent ces pratiques de soins non conventionnels qui ne sont ni reconnues sur le plan scientifique ni enseignées au cours de la formation initiale des professionnels de santé.

Voir aussi les thèmes : homéopathie, acupuncture, effet placebo.