Quand Einstein rêvait

Alan Lightman est un des rares professeurs à être titulaire d’une chaire à la fois en sciences fondamentales et en lettres, au prestigieux Massachusetts Institute of Technology qui plus est. Pour autant, ce petit livre est tout le contraire d’un concentré d’érudition hermétique réservé à une poignée de spécialistes, comme en témoigne son succès planétaire. Il s’agit bien davantage d’une promenade poétique où l’auteur nous accompagne sur les chemins du temps.

Le livre rappelle par sa forme les Exercices de style de Raymond Queneau. Il s’agit de raconter la même histoire, très courte et anecdotique, en changeant à chaque fois un aspect de la narration. Ici l’auteur conserve tout du long son beau style, simple en apparence, « émouvant et drôle » selon Salman Rushdie, mais se plaît à imaginer des scènes de la vie quotidienne des habitants de Berne en 1905 ¹ dans une vingtaine d’univers dans lesquels le temps aurait des propriétés différentes.

De façon assez classique on trouve une histoire au temps cyclique, au temps fini, sans temps, mais aussi des propositions plus subtiles et surprenantes d’espaces à temps inversé, à temps figé ou suspendu, à temps discret, à deux coordonnées de temps. La petite scène se termine souvent par une ouverture philosophique. Un peu à la manière des Essais de Montaigne, elles sont maintes fois contradictoires les unes avec les autres. Il ne s’agit pas en effet d’établir un système mais de nous proposer discrètement de nous repencher un peu sur des notions telles que le destin, le sens de l’action, la causalité, etc. Tous concepts intimement liés à notre perception du temps.

Ce petit livre, que je recommande vivement à tous, scientifiques ou non, n’a pas vraiment d’ordre et peut se déguster, au hasard de l’ouverture des pages, une histoire à la fois pour faire durer le plaisir.